Serge Lecomte : “Plus de quarante ans d’obstination pour une fiscalité adaptée à l’équitation!”

À travers une lettre adressée aux dirigeants de structures équestres membres de la Fédération française d’équitation, Serge Lecomte, président, a souhaité revenir sur l’historique du dossier de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée aux activités équestres. Voici son message, reproduit ici en intégralité: “J’ai créé mon premier poney-club en 1976. À cette époque, les activités équestres n’étaient redevables d’aucune TVA. C’est en 1978 que le Gouvernement a imposé une TVA à 18,6% à toutes les structures équestres professionnelles employant des enseignants, véritable frein pour tous ceux qui souhaitaient développer les activités équestres en créant de l’emploi, alors que les associations et les enseignants individuels n’étaient pas assujettis. Je me suis aussitôt engagé pour défendre la fiscalité des centres équestres sous la houlette du colonel Lalo, alors ‘patron’ du Groupement hippique national (GHN). Il m’a fait découvrir les méandres de l’administration fiscale. Je vous passe le nombre de rendez-vous en vain dans les ministères pour plaider la cause, où l’on nous prenait pour de doux rêveurs. C’est en 2004, avec le ministre Alain Lambert, qu’une véritable mesure fiscale fut prise: fin de la taxe professionnelle, assujettissement de toute la filière à un taux de TVA de 5,5 %, passage des établissements équestres au statut agricole en 2005. Déjà à cette époque, il nous a été longuement expliqué que cette mesure ne tiendrait pas car elle n’était pas euro-compatible puis le ministre est parti… et l’oubli s’est installé… quelques années.

En 2012, la Cour de Justice de l’Union européenne condamne la France à appliquer une TVA à taux plein après une longue procédure, débutant dès octobre 2007, visant le commerce des équidés, notamment des chevaux de course. Ainsi, la France a été condamnée plus largement que les autres États-membres car dans sa défense, la France avait expliqué que les courses faisaient vivre la filière équitation. Le Gouvernement français s’était engagé en 2013 à renégocier la directive. Nous nous y sommes employés à ses côtés en multipliant les rencontres avec la Commission européenne et en contribuant à ses consultations publiques ouvertes en vue d’une révision. En 2022, après des années de démarches, le Conseil de l’Union européenne a adopté la révision de la directive TVA intégrant, en son annexe III, un point relatif aux équidés rendant l’éligibilité d’un taux réduit de TVA à nos activités équestres euro-compatible. Par cette évolution majeure, le Gouvernement français avait enfin la liberté de revenir sur la taxation des activités équestres.

J’ai été bien attentif à toutes ces péripéties et j’ai toujours réactivé les motivations nécessaires pour faire avancer ce dossier. J’ai bien vu les coulisses, les tractations et les freins parfois mis par les acteurs de la filière cheval eux-mêmes, souvent à cause d’un discours mal adapté. Plus de quarante ans d’obstination pour une fiscalité adaptée à l’équitation! Si aujourd’hui, l’équitation bénéficie à nouveau d’un taux réduit de TVA à 5,5%, c’est parce que nous n’avons rien lâché, et c’est surtout grâce à son image populaire que nous avons tous su développer depuis les origines du Poney-club de France (que présida Serge Lecomte par le passé, ndlr) et ensuite à la Fédération. C’est grâce aux nombreuses visites d’élus de tout niveau qui, en venant au Parc équestre fédéral (à Lamotte-Beuvron, dans le Loir-et-Cher, ndlr) ont découvert la réalité du monde du cheval et ont compris que nous étions des entrepreneurs passionnés qui portaient de vraies valeurs éducatives tout en maîtrisant leur économie.

Alors un grand merci à tous ceux qui ont fait briller l’équitation, convaincu des élus, maires, députés, sénateurs, parlementaires européens et conseillers de tout niveau et réussi à faire l’unanimité sur la légitimité de cette mesure. Merci au président du GHN, Philippe Audigé, qui avec Laëtitia Hardouin et Mathias Hebert a poursuivi cet objectif avec tact et intelligence dans la dernière ligne droite. Mais pour aboutir, il aura fallu, en plus de l’engagement général, quelques actions imperceptibles mais déterminantes. J’ai été témoin de ces actions décisives menées par quatre personnes qui pourtant n’étaient pas directement concernées par le résultat de cette lutte, et je tiens au partage du souvenir de leurs actions. Merci à Jean Marc Lassus, directeur du GHN, qui en 2004 a su ramener les activités équestres dans le projet d’Alain Lambert alors que son cabinet ne savait pas comment s’y prendre et ne s’intéressait qu’au monde des courses. Merci à Pascal Bioulac, alors président du GHN, qui en 2013 a su convaincre Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, et Bernard Cazeneuve, ministre du Budget, de débloquer 50 millions d’euros distribués aux établissements équestres pour amortir la hausse de la TVA. Merci à Frédéric Bouix et à Catherine Bonnichon - de Rancourt de n’avoir rien lâché pendant plus de dix ans pour rendre l’application d’un taux réduit à l’équitation euro-compatible et d’avoir convaincu notamment et directement Bruno Le Maire (ministre de l’Économie et des Finances, ndlr) de mettre en place la mesure promise depuis 2014. Rien n’est acquis, il faudra toujours une grande vigilance. Les élus politiques d’aujourd’hui ne seront plus là demain. Il nous appartient d’entretenir un véritable lien de sympathie avec l’ensemble de la société pour faire valoir le bon sens à l’égard de nos activités équestres et de ceux qui les font vivre. L’expérience et le relationnel politique sont devenus des compétences essentielles pour mener nos activités équestres.”