Marc Verrier nous a quittés

Marc Verrier est décédé hier à son domicile d’Orbec, dans le Calvados. Âgé de cinquante-sept ans, ce passionné parmi les passionnés, homme de cheval au cœur pur et généreux, était l’une des plus fidèles plumes de GRANDPRIX, l’âme de la rubrique élevage de ce site, mais aussi du magazine, auquel il contribuait, chaque mois ou presque, depuis le premier numéro, paru en novembre 2008. Auparavant, il avait écrit dans Grand Prix Élevage et Compétition, œuvré au service de Cheval Pratique, animé les rubriques saut d’obstacles et élevage de l’ancien magazine Sports Équestres, fondé Equisup, un club de supporters devenu un blog à l’immense succès. En parallèle, plus ou moins régulièrement, il contribuait aussi aux magazines du Selle Français et du stud-book Zangersheide, ainsi qu’au quotidien Ouest-France, dans les colonnes duquel il rendait compte des exploits des meilleurs cavaliers normands et de l’actualité des concours du pays d’Auge.

Avant d’embrasser les professions de journaliste et photographe, puis de s’établir en Normandie, Marc Verrier fut un fier cheminot et un cavalier passionné que tout le monde appréciait dans son Nord natal. À travers Equisup, il fonda aussi le syndicat Quarnac du Mesnil, réunissant quarante-cinq propriétaires autour de cet étalon prometteur et talentueux, mais à la trop courte carrière sportive. Toutes celles et tous ceux qui ont eu la chance de le croiser et d’échanger avec lui se rappellent sûrement un être profondément humain, un corps et une générosité immenses ainsi qu’une voix de stentor reconnaissable entre toutes. Un homme de mots, un homme d’images qui posait son regard noble et sensible sur les poulains comme sur les fleurs des champs et les musiciens. Un géant qui ne vous regardait jamais de haut, un Ch’ti qui vous racontait le Cotentin et le pays d’Auge comme personne. Un homme de la terre qui s’était récemment épris de permaculture. Un homme modeste qui n’a jamais oublié d’où il venait ni hésité à s’engager pour les autres, la collectivité, le bien commun. Pour ce en quoi il croyait, lui qui se définissait comme “écolo-humaniste, égoïsto-altruiste et utopisto-réaliste”. Conseiller municipal de Saint-Martin-de-la-Lieue, tout près de Lisieux, de 2014 à 2020, il participait aussi à l’organisation de festivals et autres événements culturels locaux.

Souffrant depuis longtemps de problèmes cardiaques qu’il soignait consciencieusement, Marc a succombé hier à une crise sans signe avant-coureur perceptible, plongeant ses proches dans une profonde tristesse. “J’ai connu Marc alors qu’il était secrétaire de rédaction chez Cheval Pratique. Nous nous sommes rencontrés au détour d’un Salon du cheval, celui de Paris porte de Versailles. On ne pouvait pas manquer sa grande silhouette; évidemment, il dépassait tout le monde d’au moins deux têtes!”, témoigne Xavier Boudon, autre contributeur de GRANDPRIX. “Au fil des années, nous avons tissé une amitié solide, fondée sur notre passion commune pour les chevaux et la génétique. Marc était une encyclopédie, capable de dérouler sur cinq ou six générations le pedigree d’à peu près tous les grands sires et toutes les grandes matrones du stud-book Selle Français. Il avait une sensibilité qu’ont peu de gens dans ce milieu, une capacité à s’intéresser aux autres, une curiosité naturelle empreinte de bienveillance que seules les belles âmes possèdent. Malgré les années et les vicissitudes de la vie, il a su montrer vis-à-vis des éleveurs et de leur travail une soif de savoir toujours renouvelée, sans jamais se laisser mener par les on-dit et autres bruits d’écurie.”

“Un jour, au cours d’une longue convalescence post-opératoire, le hasard l’a amené à rencontrer un autre homme fragile du cœur et lui aussi passionné, un certain Laurent Broomhead (producteur et animateur de télévision et de radio, spécialisé dans les sciences et la santé, mais aussi propriétaire et éleveurs de Pur-sang et de Trotteurs, ndlr). La passion les avait forcément réunis, comme elle l’avait fait pour nous”, raconte encore Xavier Boudon. “Sa haute stature ne l’avait pas empêché de s’illustrer en selle durant ses jeunes années, notamment sur des chevaux bourrés de sang, des Anglo-Arabes notamment. Il aimait partager ces souvenirs d’un autre temps où l’insouciance le disputait à la performance. L’an dernier, nous nous sommes retrouvés pour un déjeuner champêtre chez l’un de nos confrères augerons. Un moment rare en marge des pistes sablonneuses que j’aurais aimé plus fréquent. Il y a deux jours, l’envie m’a pris de l’appeler. Nous avons bien sûr parlé d’élevage, évidemment du Salon des étalons, et évoqué les sujets que nous pourrions y traiter, les sires à observer de près. Sa voix grave rythmait nos retrouvailles comme une contrebasse un doux morceau de jazz, à la fois rassurante et entraînante. Comme un clin d’œil à son autre passion, la musique, la vraie, celle du cœur. Un cœur qu’il avait trop grand pour cette vie désormais bien triste.”

Ses textes et ses images manqueront beaucoup, tout comme les coups de fil digressifs, interminables parfois, qu’il donnait à celles et ceux qui partageaient l’une ou l’autre de ses passions. “Discuter l’bout d’gras” avec Marc Verrier est un savoureux privilège, qu’il faudra désormais conjuguer au passé. 

GRANDPRIX présente ses plus émues condoléances à la famille, aux proches et aux très nombreux amis de cet homme dont l’âme habitera longtemps encore les colonnes de nos sites et magazine.