Steve Guerdat et Henrik von Eckermann pointent des défaillances de la FEI au CSIO 5* de Barcelone

Selon plusieurs cavaliers, la première finale de la Ligue des nations Longines, qui s’est déroulée début octobre à Barcelone, s’est transformée en une occasion manquée pour la Fédération équestre internationale, instance régulatrice du sport, qui a fondé cette nouvelle série, de montrer l’exemple en matière d’excellence lorsqu’il s’agit du bien-être des chevaux et du respect des règles.



“C’était le pire concours que j’ai fait cette année”, a déclaré Steve Guerdat, vice-champion olympique suisse et actuel numéro deux mondial, à World of Showjumping (WoSJ), au sujet de la finale de la Ligue des nations, disputée début octobre à Barcelone. “C’était très mal organisé, à commencer par la qualité des écuries et du sol des carrières d’entraînement. Le sol de la piste principale était acceptable, mais celui du paddock était mauvais, et celui de l’aire d’échauffement située près des écuries était un désastre absolu. Quant à l’option de monter dans le manège, avec les poneys du centre équestre local, c’était dangereux. Le pire, c’est que la finale de la LLN est un événement propre à la Fédération équestre internationale, et que c’est elle qui en fixe les règles, ce qui complique souvent la tâche des organisateurs. Cependant, lors de l’un des rares événements qu’elle doit organiser dans l’année, elle a réussi à aller à l’encontre de leurs propres règles. Quand on parle de bien-être des chevaux, de biosécurité et de contamination, des prises de température, des quarantaines que nous devons subir quand nous sortons d’Europe, comment peut-on justifier qu’à Barcelone, lors de l’événement phare de la FEI, nous montons nos chevaux mélangés aux poneys locaux, que nous avons des écuries sales et que nous sautons jusqu’à minuit?”, s’interroge Steve Guerdat.

“La surface de la piste principale a été renouvelée cette année pour répondre aux normes de sécurité les plus élevées”, a déclaré un porte-parole de la FEI à WoSJ. “Le professeur Lars Roepstorff, de l’Université suédoise des sciences agricoles, était présent lors de l’événement et a travaillé en étroite collaboration avec le comité d’organisation pour s’assurer que le sol était sûr et adapté à la compétition de haut niveau, en procédant à des évaluations régulières tout au long de l’événement. Bien qu’un incident se soit produit dans une zone d’entraînement adjacente aux écuries, la rendant temporairement inutilisable, le comité d’organisation a rapidement mis à disposition une piste d’échauffement supplémentaire à utiliser dans l’intervalle. Le paddock a été entretenu sans problème, garantissant des conditions homogènes pour tous les concurrents”, poursuit la FEI, qui se dit consciente des problèmes précédents sur le site de Barcelone: “Au cours des douze derniers mois, le comité d’organisation a travaillé avec diligence pour répondre aux demandes de la FEI d’améliorer les normes générales des installations, y compris les conditions des écuries, la propreté, l’éclairage et l’espace.”



Peut-on tirer un feu d’artifice en plein concours hippique?

La cérémonie de remise des prix du Grand Prix, qui s’est déroulée juste avant minuit le vendredi soir, a été immédiatement suivie d’un feu d’artifice, alors que les chevaux se trouvaient encore à proximité de l’arène. L’un des cavaliers qui a pu sortir à temps, en quittant la remise des prix avant qu’elle ne soit officiellement terminée, est l’actuel numéro un mondial, le Suédois Henrik von Eckermann. “King Edward est très sensible et j’ai senti qu’il allait se passer quelque chose”, a-t-il déclaré à WoSJ. À Barcelone, les écuries se trouvent à environ dix minutes de marche de la piste, et Henrik von Eckermann était à mi-chemin avec King Edward et sa groom Louise Barraud lorsque le feu d’artifice a commencé et a fait paniquer le crack. Heureusement, ils ont réussi à raccompagner King Edward sain et sauf jusqu’aux écuries, mais les ingrédients d’un désastre potentiel étaient réunis. “Le fait de tirer un feu d’artifice lors d’un événement impliquant des animaux montre que les organisateurs n’ont aucune idée de ce à quoi ils ont affaire. La FEI ne cesse de prêcher en faveur du bien-être des chevaux, et laisse un tel incident se produire lors d’un de ses événements phares”, souligne le champion du monde et double vainqueur en titre de la finale de la Coupe du monde Longines. “Je trouve ce fait regrettable. Barcelone a toujours été l’un de mes concours préférés, et ce site a beaucoup d’atouts. Cependant, même si les organisateurs se sont excusés par la suite, le feu d’artifice n’aurait jamais dû avoir lieu. Et, à mon avis, feux d’artifice et animaux ne peuvent faire bon ménage”, a déclaré Henrik von Eckermann.

Interrogée à ce sujet, la FEI reporte la faute sur les organisateurs catalans: “Le plan initial prévoyait un feu d’artifice silencieux ne comportant que des lumières donc le bruit était inattendu. Bien que le feu d’artifice ait été organisé sans consultation préalable de la FEI, la question a été rapidement abordée avec le comité d’organisation, qui a confirmé que le feu d’artifice serait retiré du programme à l’avenir.”



Pourquoi programmer des épreuves si tard?

Le Grand Prix en deux manches de la ville de Barcelone a débuté à 21h le vendredi, tout comme la Coupe de la Reine, conclue par un Tour Gagnant, le lendemain soir. Ces deux épreuves se sont terminées par la remise des prix vers minuit, ce qui implique que certains grooms terminent leur journée de travail aux écuries à 2h45 du matin, selon WoSJ. “Comment est-il possible, dans le cadre des règlements mis en place par la FEI, que les seules épreuves du CSIO 5* prévues le vendredi (une Vitesse à 1,45m avait été programmée à 14h, ndlr) et samedi aient commencé à 21 heures et se soient terminées après minuit deux soirs de suite?”, souligne Steve Guerdat.

Comme tous les autres avant-programmes officiels, celui du CSIO 5* de Barcelone a été approuvé par la FEI, qui a pu amplement examiner l’horaire à la lumière de l’article 1008-6-j de son propre règlement vétérinaire. Cette règle, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, impose la fermeture obligatoire de la zone des écuries pendant six heures consécutives pendant la nuit, avec un minimum d’éclairage et de bruit, afin de permettre aux chevaux de se reposer convenablement. Dès avril dernier, WoSJ avait rapporté l’échec de la mise en œuvre de cette règle, avec pas ou peu de changement observé dans les plannings des concours internationaux. “Une approche communautaire est nécessaire pour créer le meilleur environnement possible lors des événements afin de garder les chevaux aussi sains que possible”, avait déclaré la FEI en avril. “La FEI estime que tous les membres de la communauté équestre ont la responsabilité de contribuer de manière proactive et de se familiariser avec tous les changements de règles, et de s’assurer qu’ils sont correctement appliqués dans leurs domaines respectifs.” Néanmoins, la FEI continue de donner sa bénédiction aux organisateurs qui soumettent des avant-programmes ne répondant manifestement pas aux exigences énoncées à l’art. 1008-6-j, y compris l’un de ses propres événements phares, ce qui laisse penser que ces règles sont bien plus cosmétiques que contraignantes…

Le problème des horaires n’est pas nouveau et il a été récemment mis en évidence dans le cadre du processus de révision des règlements de la FEI pour 2025, où l’une des propositions les plus remarquables a été soumise par le groupe consultatif des grooms, créé par la FEI pour donner leur donner la possibilité de s’exprimer. Ledit groupe a suggéré d’apporter des changements à l’art. 1008, proposant que les épreuves ne commencent pas avant 7h30 et se terminent – remise des prix comprise – à 23h30 au plus tard. Il a été suggéré qu’il y ait un minimum de dix heures entre la fin de la dernière épreuve sautée par un cheval et le début de sa première épreuve le lendemain, et que les cavaliers d’un même label aient une coupure minimale de neuf heures. Autrement dit, un cavalier qui a participé à une épreuve se terminant à 23h30 ne pourrait participer à une épreuve avant 8h30 le lendemain.

Bien que ce sujet ait été mis en avant à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie par de nombreuses parties prenantes – y compris les grooms et cavaliers –, la FEI a décidé de reporter toute décision à 2026. “Cette question sera discutée lors de la révision complète des règles en 2026. En attendant, la règle actuelle sera appliquée, déclare la FEI. Cependant, force est de constater que la règle actuelle n’est pas appliquée, et pas seulement à Barcelone. “Il y avait au moins quatorze heures entre deux épreuves du CSIO 5*, ce qui garantissait amplement le temps de repos nécessaire aux chevaux entre les épreuves.”



Des chevaux venus du monde entier mêlés à des poneys de club?

En raison des problèmes liés au sol de l’aire d’entraînement adjacente aux écuries, les chevaux concourant à Barcelone ont été contraints de s’entraîner dans un manège semi-ouvert, où ils ont été mélangés avec des poneys de l’école d’équitation du Real Club de Polo. Or, un tel mélange met en péril la biosécurité que la FEI défend si ardemment. “Pour des raisons de biosécurité, les poneys locaux ne sont pas autorisés à se mêler aux chevaux dans la zone FEI des écuries”, a déclaré la FEI à WoSJ. “À notre connaissance, il n’y a pas eu d’infraction à cette règle à Barcelone. Cependant, si vous avez connaissance d’un cas spécifique où cela s’est produit, nous vous serions reconnaissants de le porter à notre attention afin que nous puissions enquêter et nous assurer que cela ne se reproduise pas.” Ledit manège se trouve à côté du parking couvert abritant les boxes des chevaux du CSIO 5*. “L’enceinte de l’écurie des chevaux ayant participé à la Longines League of Nations était entièrement sécurisée et ces chevaux étaient complètement séparés des chevaux locaux”, assure la FEI.



La FEI avait déjà été critiquée l’an passé...

Ce n’est pas la première fois que la FEI fait l’objet de critiques au sujet de ses propres événements phares. Après les championnats d’Europe de 2023 à Milan, en Italie, où les infrastructures laissaient à désirer, Ben Maher avait pris la parole lors de l’assemblée générale du Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles, déclarant que la FEI avait “lamentablement échoué” à garantir un événement de qualité. Dans la foulée, Henrik von Eckermann avait pointé du doigt le sol de très mauvaise qualité de la finale de la Coupe du monde, organisée l’an passée à Omaha, aux États-Unis. Ce qui s’est passé à Barcelone tend à prouver que la FEI a encore du pain sur la planche...

La version originale de cet article est à lire chez nos consœurs de World of Showjumping



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