La nouvelle vague française a déferlé sur le jumping mondial en 2024
Jeune, travailleuse et pleine d’ambition, la relève française du saut d’obstacles s’est révélée en 2024 grâce aux succès de trois cavalières à la progression notoire. Bien qu’évoluant sur la scène internationale depuis plusieurs années, Jeanne Sadran, Inès Joly et Nina Mallevaey ont véritablement éclos au plus haut niveau cette saison, s'affirmant un peu plus comme les ambassadrices d’une génération montante de jeunes athlètes déterminés à se faire une place parmi les meilleurs de la discipline.
Âgées de vingt-trois, vingt-quatre et vingt-six ans, Jeanne Sadran, Nina Mallevaey et Inès Joly ont toutes trois fait leurs armes sur le circuit Poneys, concourant notamment en équipe nationale, avant d’accéder quelques années plus tard à certains des plus prestigieux concours de la planète. En juillet dernier, leurs montées en puissance simultanées ont été impeccablement illustrées lorsqu’Inès, Nina et Jeanne se sont emparées, dans cet ordre, des première, troisième et quatrième places du convoité Grand Prix 5* de Monte-Carlo, dixième étape du Longines Global Champions Tour (LGCT). Un succès inattendu, mais plus que bienvenu pour Inès Joly, qui a réalisé la plus belle performance de sa carrière sur le Rocher, malgré un manque d’expérience assumé à ce niveau. “J’avais abordé cette saison davantage comme une entrée dans la cour des grands, pendant laquelle j’allais prendre mes marques. Je n’avais jamais sauté de parcours à 1,60 m jusque-là, donc je n’aurais jamais pensé remporter ce type d’épreuve cette année !”, confiait la cavalière dans un entretien accordé à GRANDPRIX au mois de novembre.
Face à une concurrence réputée rude —notamment en raison de l’importante dotation de l’épreuve s’élevant à 1,5 million d’euros—, la Rhônalpine a pu compter sur Ambassador (Z, Aganix du Seigneur x Illustro), un hongre de dix ans qui évolue sous sa selle depuis le début d’année 2024 et représente aujourd’hui le meilleur atout de son écurie. Fin septembre, c’est aux rênes du même bai qu’elle s’est offert la deuxième place du Grand Prix du CSIO 4* de Rabat, au Maroc, une semaine après avoir remporté celui de Tétouan aux côtés de Pegasus Bandit Savoie (SF, Qlassic Bois Margot x Alcamera de Moyon), un autre très bon élément de son piquet. Forte de sa victoire à Monte-Carlo, Inès Joly a également obtenu son ticket pour le Super Grand Prix du LGCT, mi-novembre. Certes, elle n’y a pas brillé, concédant dix puis huit points dans les deux manches de l’épreuve, mais jusqu’ici, seuls deux Français avaient réussi à se qualifier pour cette compétition instituée en 2018: Olivier Robert et Julien Epaillard, lauréat de l’édition de 2023 avec Dubaï du Cèdre (SF, Baloubet du Rouet x Diamant de Semilly).
Jeanne Sadran au rendez-vous sur tous les circuits
Également qualifiée pour le grand raout individuel de Global Champions au mérite de sa victoire dans le Grand Prix du Longines Paris Eiffel Jumping, décrochée en juin avec l’exceptionnel Dexter de Kerglenn (SF, Mylord Carthago x Diamant de Semilly), Jeanne Sadran a, elle, fait le choix de ne pas s’y rendre. Elle a préféré donner priorité à la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles, et notamment à ses étapes de Lyon et Vérone. Portée par son génial bai, la cavalière de l’écurie Chev’el avait débuté l’année d’une bien belle manière sur ce circuit, s’emparant de la deuxième place de la manche de Bordeaux. Cela lui avait valu une qualification pour la finale tenue mi-avril, qui reste le plus grand défi de sa carrière jusqu’à présent. À Riyad, toujours associée à Dexter, elle avait terminé quinzième sur un plateau de trente-quatre concurrents, et engrangé une expérience précieuse. “J’étais un peu déçue parce que je m’étais fixée comme objectif de terminer dans le Top dix. Finalement, c’est le Top quinze, mais quand je vois les cavaliers devant moi, je me dis que ma place est logique, et j’en retiens beaucoup de positif”, avait-elle réagi au micro de GRANDPRIX.tv, quelques jours après l’événement.
Outre ses succès sur le LGCT et en Coupe du monde, Jeanne Sadran a aussi réussi haut la main sa première expérience en Coupe des nations 5*, puisqu’à l’occasion des Stephex Masters de Wolvertem, tout près de Bruxelles, cet été, la cavalière et son puissant étalon ont signé un très beau double sans-faute. “Jeanne est une jeune femme extrêmement intelligente, dotée d’une très forte détermination et qui fait preuve d’une grande volonté dans le travail. Le fait qu’elle soit capable de réaliser de telles performances à un si jeune âge est admirable”, soulignait déjà le sélectionneur de l’équipe de France de saut d’obstacles, Henk Nooren, dans un portrait consacré à la jeune femme en mai dernier. Indéniable figure de proue des jeunes cavaliers français concourant à l'international, Jeanne Sadran fait partie, à l’instar du Britannique Harry Charles ou des Belges Thibeau Spits et Gilles Thomas, des jeunes pousses qui ne font plus figure d’outsiders au départ des plus difficiles Grands Prix de la planète. D’ailleurs, elle est, à ce jour, la meilleure Tricolore au classement mondial des cavaliers de moins de vingt-cinq ans, dont elle occupe le cinquième rang.
Nina Mallevaey, entre l’Amérique et l’Europe
Sa compatriote Nina Mallevaey, elle, est pour l’heure dixième de cette hiérarchie. Installée entre Wellington, en Floride, et Kronenberg, aux Pays-Bas, la Nordiste n’a pas non plus à rougir face à ses aînés. Ancienne élève du Canadien Eric Lamaze, elle semble avoir trouvé un système qui lui réussit et s’entraîne aujourd’hui aux côtés de deux autres champions olympiques, l’Américaine Laura Kraut et le Britannique Nick Skelton. Si sa troisième place dans le Grand Prix de Monte-Carlo constitue, pour l’instant, la plus belle ligne de son palmarès, elle n’éclipse pas les autres bonnes performances qu’elle a réalisées cette année aux rênes de Dynastie de Beaufour (SF, Diamant de Semilly x Cassini I), qui a intégré ses écuries au mois de mai. Fin novembre, les deux complices ont notamment terminé deuxièmes d’une épreuve à 1,60m lors d’un CSI 5* à Riyad. Deux fois troisième de Grands Prix 4* à 1,60m à Wellington en début d’année avec Cartier SR (Holst, Canturenter x Cassini I), Nina Mallevaey s’est aussi imposée aux rênes de My Clementine (SF, Obos Quality 004 x Kashmir van Schuttershof) dans une épreuve à 1,45m du CSI 5* d’Upper Marlboro en octobre, preuve que la jeune femme compte plus d’un atout au sein de ses effectifs.
Des soutiens financiers indispensables
Si le talent et le travail abattu depuis des années par ces trois cavalières y ont incontestablement contribué, leur succès repose aussi sur la qualité des chevaux qu’elles montent, fruits d’investissement importants. Facteur majeur de leur réussite, l’encadrement minutieux dont elles bénéficient auprès de cavaliers et entraîneurs réputés a également requis des investissements. Ainsi, Nina Mallevaey est soutenue depuis trois ans par la famille américaine Rein, qui sponsorisait auparavant la carrière du champion olympique canadien Éric Lamaze. De son côté, Inès Joly compte sur le soutien du fonds d’investissement Pegasus. Pour percer désormais, il semble donc nécessaire de conjuguer mérite et coups de pouce financiers. Bien conscientes de leurs “privilèges”, les trois jeunes femmes gardent la tête sur les épaules. “Je suis consciente qu’un excellent cavalier, qui travaille dur et investit beaucoup d’énergie, ne pourra franchir un palier supplémentaire qu’en fonction des opportunités. Et je sais que cela n’est pas toujours facile de se faire une place parce que nous sommes extrêmement nombreux, notamment en France, à pratiquer ce sport. Sans intégrer une équipe de la Global Champions League (dont les propriétaires doivent s’acquitter d’un engagement de 5 millions d’euros pour deux saisons, ndlr), je n’aurais jamais eu la possibilité de concourir à 1,60m aussi vite! De fait, je considère que participer à cette série est une chance. Ce fut même un vrai tremplin pour moi”, concède notamment Inès Joly. “Il y a énormément d’avis contraires concernant ce circuit, mais il a tout de même permis de faire grandir le sport d’une autre manière. Si l’on en a l’opportunité et les chevaux adaptés, ce circuit a sa place dans le calendrier. C’est en quelque sorte un tremplin pour accéder au haut niveau”, complète Jeanne Sadran. L’Allemand Christian Kukuk, sacré champion olympique cet été à Versailles, ne dirait pas autre chose…
Par ailleurs, s’il existe un dénominateur commun à ces trois amazones, c’est bien la volonté de fer qui les caractérise et leur a permis de franchir pas à pas toutes les étapes permettant de transformer une carrière fructueuse à poney en un système durable. “C’est incroyable de nous retrouver à ce niveau-là toutes les trois après avoir concouru sur le circuit Poneys ensemble…”, s’émeut Inès Joly. “Nous avons toutes parcouru du chemin, et sommes contentes les unes pour les autres. Girl power!” Sûr que Mégane Moissonnier, sélectionnée l’an passé aux championnats d’Europe de Milan, en pense tout autant.