JEM : qui l?eût cru ?



Il y a deux mois encore, personne n’aurait pu imaginer un tel plateau et une telle issue à la finale tournante de CSO des Jeux équestres mondiaux. Bien inspiré celui qui aurait pu parier sur la victoire du Belge [Philippe Le Jeune] dont le bon [Vigo d Arsouilles] sortait à peine d’une longue convalescence, et sur la deuxième place du Saoudien [Abdullah Al Sharbatly] qui ne montait pas encore sa [Seldana di Campalto].

 
Les Américains aiment le spectacle et le principe de la finale tournante à quatre avait tout pour leur plaire. Non pas qu’ils l’aient boudée, bien au contraire : le Main Stadium du Kentucky Horse Park était plein à 95%. Mais disons que les tribunes se sont vidées au fur et à mesure que l’épreuve avançait. Manque de rythme et longueurs entre les changements de montures ; manque de barres à terre pendant un long premier temps ; manque donc de suspense... jusqu’au dernier tour !

 
Certes, les deux premiers passages (les cavaliers sur leurs propres chevaux) ont été fautifs : [Abdullah al Sharbatly] sur [Seldana di Campalto] renverse les deux derniers obstacles du triple final (pour la première fois dans l’histoire d’une finale tournante, un triple était introduit), [Rodrigo Pessoa] sur [Rebozo] le vertical numéro 3. Les parcours sans-faute vont ensuite s’enchaîner si bien que pendant longtemps, on a pensé à un podium Le Jeune-Lamaze-Pessoa. Les observateurs belges sentaient déjà le titre rester à domicile, « pourvu que Philippe ne soit pas pénalisé par son point de temps dépassé », entendait-on lorsque l’éventualité d’une égalité était envisagée…

 
C’était jusqu’à ce qu’[Eric Lamaze] justement, en selle alors sur Rebozo, ne se prenne non seulement les pieds (dont un à peine remis de la fracture d’Aix-la-Chapelle) dans le deuxième obstacle du triple mais également un point de temps dépassé. Pessoa passait donc devant le champion olympique en titre, qui n’allait bientôt pas manquer de reprendre quatre points, cette fois-ci avec Seldana di Campalto, en entrée du triple. Le suspense commençait enfin, après treize passages sur seize, à naître avec l’éventualité d’un podium pour le Saoudien. Eventualité confirmée dès le tour suivant : Abdullah est sans-faute avec Rebozo et est assuré de repartir avec au moins le bronze mondial. Immense satisfaction dans le camp arabe, folie dans les tribunes chez les supporters venus somme toute en nombre étonnant… Le podium semble joué... et patatrac !

 
Rodrigo Pessoa sur Vigo d’Arsouilles prend huit points et offre ainsi l’assurance d’une seconde place au moins au jeune Abdullah (vingt-huit ans). A ce moment-là, alors que le dernier passage, celui de [Philippe Le Jeune] en selle sur [Hickstead], se prépare, les esprits s’animent et tout passe par les têtes : et si Philippe faisait trois barres, et si ce jeune Saoudien venait faire la nique à des cavaliers expérimentés et médaillés comme ces concurrents-là, et comment va être Hickstead ? Les réponses ne tarderont pas à arriver : Philippe et l’étalon sont sans-faute ! Ni l’un ni l’autre n’a fait tomber aucune barre de cette finale tournante, le Belge Philippe Le Jeune devient ainsi champion du monde, quatre ans après son compatriote [Jos Lansink], suivi, en argent d’Abdullah Al Sharbatly et en bronze d’Eric Lamaze.

 
Finalement, le cheval le plus redouté, Hickstead, est celui qui aura causé le moins de problèmes. Avec douze points au compteur, Seldana aura en revanche commis le plus grand nombre de fautes. Seule jument au milieu de trois étalons, elle aura définitivement été la plus nerveuse et inquiète (Rodrigo Pessoa, le premier cavalier à la tester, a bien eu du mal à l’approcher, à la sangler ; les coups de sabot n’étaient jamais très loin !). Philippe Le Jeune, trois jours après sa médaille de bronze par équipes et huit ans après sa première médaille, déjà en bronze, avec Nabab de Rêve, le père de Vigo, devient roi du monde… pendant quatre ans !

 
A Lexington (Etats-Unis), Daniel Koroloff