’’M’exprimer sans le carcan de la notation’’, Nicolas Andréani

Champion du monde 2012 et vainqueur de la Coupe du monde 2013, 2014 et 2015, Nicolas Andréani annonçait l’an dernier sa retraite de la compétition pour se consacrer davantage à l’artistique. D’abord annoncé comme participant au CVI-W de Paris, le voltigeur présentera finalement une performance en ouverture de la compétition. Après un an éloigné des concours, il se confie à GrandPrix-Replay sur ses projets d’avenir.



GrandPrix-Replay : Votre dernière compétition remonte à un an, sur cette même piste. Que s’est-il passé depuis pour vous ?
Nicolas Andréani : Je suis aujourd’hui pour grande majorité dans le coaching, avec beaucoup de déplacements en France et à l’étranger pour entrainer les équipes nationales étrangères notamment, et de nombreux clubs en France. J’ai aussi cette récréation cinq fois par an avec la compagnie Noroc qui reste pour moi un grand plaisir avec des amis, et une belle occasion de me remettre à cheval, ce qui n’est pas vraiment le cas quand j’enseigne. Cela me permet de retrouver des sensations, et de m’exprimer totalement de manière artistique. Lorsque j’ai quitté le monde de la compétition, j’avais déjà commencé à insuffler quelques petites orientations artistiques que d’autres ont suivi après moi, comme Jacques Ferrari, Lambert Leclézio et d’autres. Les règles elles-mêmes tendent à aller de plus en plus vers l’artistique au niveau de la notation. Cela prenait une part importante dans ma création, et je peux aujourd’hui pleinement m’exprimer sans avoir le carcan de la notation.
 
GPR : Vous présenterez une démonstration artistique en ouverture de la Coupe du monde de voltige sur invitation à Paris, quel est votre sentiment ?
N. A. : J’ai effectivement eu cette proposition, et surtout cette envie, de retourner avec Marina  (Joosten-Dupon, longeuse habituelle de Nicolas Andréani, ndlr) et de refaire un peu de spectacle. Tant que je suis encore en âge et capable de faire quelques prouesses sur un cheval, cela me fait plaisir de revenir, surtout à Paris, parce que c’est mon lieu de naissance, c’est aussi là que Marina et moi avons grandi et tissé vingt-cinq ans de carrière. Je ne sais pas si ce sera une dernière fois, mais nous retournons en tous cas en piste ensemble pour la première fois depuis bien longtemps, puisque ma dernière participation à Paris n’était pas avec Marina, c’est peut-être aussi ça qui m’a attiré en premier lieu. Je présenterai donc un show avant la compétition, contrairement à ce qui était prévu à la base, à savoir ma participation à part entière à l’épreuve. Cela me convient finalement, je pourrais ne pas m’accrocher aux règles internationales qui sont très stricts, tant au niveau du timing que de la présentation en elle-même. J’aurai une totale liberté de montrer au public un aperçu de ce que je fais notamment avec la compagnie Noroc.
 
GPR : Vous serez justement longé par Marina Joosten-Dupon. Est-ce un plaisir de vous produire à nouveau tous les deux ?
N. A. : Cela réveille forcément beaucoup d’émotions. J’ai passé plus de vingt ans derrière sa longe, c’est elle qui m’a tout appris, et je la remerciais de m’avoir permis d’atteindre des sommets, mais maintenant je me rends compte que c’est encore plus que ça. Je la remercie de m’avoir donné tout ce qu’elle m’a donné, car aujourd’hui j’en fais mon métier, j’en suis venu à entrainer des équipes étrangères, à voyager jusqu’en Australie et aux États-Unis, je découvre quasiment le monde grâce à mon métier et c’est aussi à elle que je le dois. Cela allait donc de soit de remonter avec elle à Paris, surtout que ce n’est pas dans un objectif de compétition et de victoire, puisque dans ce cas le trio doit être optimal. Just A Kiss, mon ancien cheval, est aujourd’hui à la retraite, donc Marina n’avait pas forcément le cheval pour gagner, mais j’étais de toute façon bien loin de penser à une victoire. Je suis là pour prendre du plaisir. Lorsque je voltige avec Marina, j’ai vraiment l’impression d’être encore plus dans l’émotionnel, ce que le public ressent, et il y a quelque chose de plus fort que lorsque je voltige pour aller chercher la performance avec un autre longeur, et un cheval de prêt ou de location. Lorsque nous entrons tous les deux sur la piste, je sens cette sorte d’âme qui se dégage, et je me lâche deux fois plus.
 
GPR : Avez-vous des nouvelles de votre cheval à la retraite, Just A Kiss ?
N. A. : Absolument. J’étais en France il y a trois semaines de cela, j’ai été le voir et nous avons saisi l’occasion de faire quelques petits selfies ensemble, et c’était bien sympa. (Rires) Je n’ai pas essayé de lui monter sur le dos, je sentais qu’il n’en avait pas forcément l’envie. Il est au pré, tranquillement, avec quelques autres chevaux, il a la forme et tout va bien pour lui.
 
GPR : Quels sont vos projets pour la suite ? Pourriez-vous vouloir revenir à haut niveau ?
N. A. : Je suis complètement ouvert. J’essaye de garder au moins trois quarts de mon activité en France où j’ai à cœur de développer la voltige en priorité. On a déjà pu observer un véritable développement de la discipline ces cinq dernières années, mais je pense qu’il y a encore de vrais futur talents à découvrir, à épauler et à suivre, et je tiens à avoir un rôle de pont entre le pôle France et les clubs. J’arrive par exemple à détecter plusieurs nouveaux talents, et comme je connais l’entraineur national et l’entraineur du pôle France, je remonte l’information dès que je repère quelqu’un d’intéressant, ce qui permet de créer rapidement de nouveaux champions.
 
GPR : Quel est votre regard sur l’évolution de la voltige depuis un an, notamment Lambert Leclézio ?
N. A. : Je suis plutôt fier de ce que nous avons réussi à amener, d’abord de mon côté avec les thématiques plus profondes que j’ai pu commencer à proposer, puis suivi par le travail de Jacques. Je vois aujourd’hui que la jeunesse a vraiment compris que l’artistique était l’essence même de la voltige, nous ne sommes pas seulement des gymnastes sur un cheval, mais nous pouvons aussi nous permettre d’être des danseurs, des acteurs, des artistes au sens large, et de faire passer des émotions. Ce qui donne d’autant plus de plaisir, aussi bien à vous en tant que voltigeur qu’au public, ce ne sont pas les prouesses, mais c’est bien l’émotion, et je sens que la voltige prend cette direction, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Je sens que la France garde une position de leader au niveau mondial, notamment après le titre de champions du monde de l’équipe de France de Jacques Ferrari qui a apporté une nouvelle dimension dans le travail par équipe. Il est vrai que les Allemands sont eux aussi très forts, mais je crois qu’en France le produit fini est encore plus abouti. Les entraineurs étrangers le comprennent bien, ce qui se confirme par la demande croissante à l’international pour organiser des stages basés sur l’artistique. Nous le devons à un chorégraphe basé au pôle France, Romain Bernard, qui a su mettre l’accent sur cette fibre artistique, en complétant la préparation physique et la technique par le développement du versant artistique, en incluant à l’entrainement des exercices au sol.