La Fédération nationale du cheval publie un manifeste pour une sortie de crise de la filière

La Fédération nationale du cheval (FNC), association spécialisée de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) fondée en 1947, a publié ce matin un manifeste pour une sortie de crise de la filière agricole du cheval. GRANDPRIX en a simplement exclu deux passages concernant la production de viande de cheval.



La pandémie due au Covid-19 remet en cause toutes nos certitudes et constitue la plus grave crise auquel le monde est confronté depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce phénomène aux conséquences inouïes interroge, révèle les contradictions de nos sociétés et accélère leurs dynamiques historiques. Des mesures qui feront date sont prises dans l’urgence et marqueront profondément notre avenir. Une chose est certaine : le monde d’après ne sera pas exactement comme le monde d’avant. Cette crise constitue une occasion unique pour penser un nouveau monde en tirant les leçons de cette pandémie sous un prisme large. L’urgence actuelle est évidemment de soutenir l’ensemble des travailleurs et de créer de nouveaux types de solidarité notamment en termes de santé et d’agroalimentaire. Mais il est aussi nécessaire de penser l’après-crise pour en sortir plus forts collectivement et plus en phase avec l’essentiel pour l’ensemble de nos filières agricoles.

Avec humilité au regard du contexte, la FNC fait le choix de s’exercer à la rédaction d’un manifeste pour une sortie de crise de la filière agricole Cheval, tirant les premières leçons de la crise sanitaire actuelle, afin d’élaborer des propositions concrètes, tant au niveau national qu’au niveau européen, et ainsi imaginer le monde du cheval de demain. La filière agricole du cheval d’avant-crise était déjà en danger, avec des indicateurs à la baisse depuis plus de dix ans.



Des dommages sans commune mesure

Les dommages pour les éleveurs et agriculteurs diversifiés de la filière sont donc aujourd’hui sans commune mesure avec à court terme:
- Une augmentation des charges: mise en pension obligatoire de certaines poulinières dans les centres de reproduction, suivi des soins, de l’alimentation et du bien-être des chevaux en l’absence de leur propriétaire ce qui augmente le temps de travail des exploitants comme de leurs salariés;
- Des secteurs à l’arrêt complet: enseignement, tourisme équestre et stages des établissements recevant du public, commercialisation des équidés, prise en pension de nouveaux équidés notamment dans le cadre de l’élevage, de la reproduction ou du débourrage, concours d’élevage ou compétitions sportives, courses, vacances à la ferme, etc. sont autant de secteurs qui auront d’énormes difficultés à repartir, avec des incertitudes évidentes sur le potentiel de poulains à naître en 2021 et sur la valorisation des jeunes chevaux; […]
- Une quatrième année de sécheresse qui s’annonce aux conséquences graves sur la production d’herbe comme des céréales et donc en ricochet sur la disponibilité et le prix des fourrages et de paille.

À moyen terme, une onde de choc va balayer fortement la filière:
- La récession économique annoncée modifiera les comportements de certains cavaliers et de certaines familles: n’ayant plus suffisamment de pouvoir d’achat pour maintenir leur pratique, ils devront se désengager et ce malgré tous les efforts des professionnels pour répondre à leurs besoins et s’adapter à leurs difficultés;
- Une interrogation de plus en plus forte sur le comportement des propriétaires (ou futurs propriétaires) de chevaux, très affectés et souvent inquiets, faute de ne pouvoir venir prendre soin de leurs équidés pendant le confinement;
- Un risque accentué d’abandons des chevaux âgés;
- Une diminution potentielle du nombre de naissances ces prochaines années avec moins de prestations de reproduction, de débourrage, de valorisation et donc de commercialisation des équidés;
- L’annulation ou la réduction des événements festifs et des regroupements qui complexifiera la promotion collective des produits et prestations proposés par la profession;
- Un suivi sanitaire complexifié avec des pathologies qui risquent de décompenser;
- Le déficit d’apprentissage des jeunes en formation sur cette période, tant au sein des établissements scolaires qu’au sein des structures équestres qui les accueillent habituellement.



Les solutions pour accompagner et préserver les professionnels

Si la souveraineté alimentaire est enfin aujourd’hui au cœur des priorités, il faut trouver des solutions pour toutes les filières agricoles qui répondent aux différentes attentes des citoyens et des consommateurs. La filière agricole du cheval comme l’ensemble des activités d’agritourisme (fermes équestres, gîtes à la ferme, points de vente à la ferme, fermes pédagogiques, fermes auberge, goûters à la ferme, etc.) qui subissent un arrêt brutal d’activité et participent pleinement à la préservation de l’économie et de l’emploi des territoires ruraux mais aussi à leur animation et à leur aménagement ou encore à l’insertion sociale et à la reconstruction des plus fragilisés, méritent de rebondir.

Avec une perte sur les deux premiers mois de fermeture de 30% à 100% du chiffre d’affaires de la période, qui est pour nombre de ces structures une part importante du chiffre d’affaires annuel – ce dernier étant réalisé majoritairement sur la période allant d’avril à septembre –, ni le fonds de solidarité, ni les prêts de trésorerie ne suffiront, surtout si cela devait se prolonger. Leur forte capacité de résilience est menacée par cette situation inédite.

C’est pourquoi, aux côtés de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, la FNC propose, au niveau national et régional à court terme:
- Une solidarité nationale, inter-régions et inter-filières qui permette de nourrir tous les animaux de rente en cas de sècheresse avérée: les agriculteurs, dont la trésorerie est fortement mise à mal ne pourront pas faire face au nécessaire achat de fourrage et de paille. La réduction des coûts de transport, la gratuité des péages, la mise à disposition de plateaux adaptés et le fauchage des jachères seront à réfléchir en s’appuyant sur l’expérience acquise des opérations paille et foin menées par FDSEA/JA les années antérieures.
- Pour toutes les structures équestres et d’agrotourisme recevant du public qui ont dû fermer dès les premiers jours du confinement, la FNC demande qu’une réflexion spécifique soit menée avec l’appui des chambres d’agriculture, tant au niveau régional que national. Il est urgent de pouvoir les accompagner avec une annulation des charges qui pèsent sur leurs entreprises ainsi qu’une aide à la trésorerie à taux zéro. Sans rentrée d’argent et sans aucune lisibilité sur la saison estivale, qui aurait dû démarrer avec les vacances d’avril pour permettre le nécessaire apport en trésorerie à la suite des investissements hivernaux, nombreux sont celles et ceux, en milieu rural, qui ne pourront plus faire face à leurs dettes et seront dans l’incapacité de régler leurs créanciers.
- Une mutualisation au sein d’un Fonds Cheval de tous les encouragements redistribués par l’État et de la collecte perçue par l’État avec la hausse de la TVA. Ce Fonds Cheval qui pourrait être abondé par les fonds spécifiques régionaux déjà existants, sera à destination des plus fragilisés par la crise, c’est-à-dire de tous les agriculteurs à titre principal ou secondaire de la filière qu’ils soient éleveurs, entraîneurs, cavaliers professionnels, gérants de fermes, centres équestres et de pensions à la ferme, accompagnateurs de tourisme équestre, marchands de chevaux, organisateurs de concours, centres d’insémination, etc.
- Un taux réduit de TVA à 5,5% pour l’ensemble des professionnels de la filière est indispensable.
- En cette période de crise sanitaire, la mise en œuvre d’une section équine au sein du Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) avec l’expertise du Réseau d’épidémiosurveillance de la filière équine (RESPE), doit permettre de relever le défi d’une politique sanitaire réaliste économiquement et efficace techniquement. […]
- Le soutien et la prise en charge partielle du Service de remplacement dès la sortie du confinement est également essentiel pour accompagner et soutenir les professionnels érodés par ces semaines d’activité complexe et ardue.
- Le développement d’actions de formation mixte digitale soutenu par VIVEA et l’Opérateur de compétences pour la coopération agricole, l’agriculture, la pêche, l’industrie agroalimentaire et les territoires (OCAPIAT) devra également permettre aux professionnels de surmonter cette épreuve inédite et de s’adapter au changement.

La FNC propose également, au niveau européen à court ou moyen terme:
- Il est prioritaire dans un tel contexte de crise, de modifier l’actuelle directive TVA afin de permette le retour en France comme dans les autres États membres, à un taux réduit de TVA pour les agriculteurs professionnels de la filière, afin qu’ils puissent relancer l’économie, la compétitivité et la résilience de leurs exploitations. Dès la consultation publique du projet de texte, la FNC et la FNSEA, avec le Comité des organisations professionnelles agricoles (COPA), ont répondu présent par la saisine des différents ministères concernés ainsi que des instances européennes. Depuis la condamnation de la France en 2012 par la Cour de justice de l’Union européenne, la filière équine, contrainte d’appliquer le taux normal de TVA, a été lourdement pénalisée au plan économique. Maintenir une liste restrictive des biens et produits éligibles aux taux réduits de TVA à tous les États membres, tout en l’élargissant aux ventes de chevaux et aux activités équines, serait donc salvateur pour tous les acteurs de la filière équine. En attendant la réouverture de la Directive TVA, une solution temporaire qui s’appuiera sur le Fonds Cheval, devra être expertisée en France avec les ministères des Finances et de l’Agriculture, pour compenser les pertes économiques conséquentes subies avant, pendant et après la crise par les professionnels de la filière.
- L’inscription de la filière Cheval dans le Plan stratégique national porté par la France dans le cadre de la future Politique agricole commune est indispensable. Et il est de la responsabilité collective d’accompagner et d’apporter des réponses à tous les agriculteurs qui sont écartés du nouveau périmètre des zones défavorisées simples, donc exclus de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), alors qu’ils demeurent objectivement dans une situation de handicap.

 

Conclusion

L’objectif premier de ce manifeste pour une sortie de crise de la filière agricole du cheval est certes d’alerter mais aussi de proposer des solutions pour redonner confiance à celles et ceux dont la survie économique et sociale est mise à mal par la crise: toutes et tous auront besoin d’un appui et d’une écoute personnalisés de la part de la profession agricole, mais aussi des services de l’État et des territoires. Le plus dur restera en effet à faire par la suite puisque redonner du sens supposera sans aucun doute de repenser certains modèles économiques, de développer de nouveaux produits, de revoir certaines stratégies d’accueil et de ciblage, de réguler si besoin l’offre, d’innover pour réduire la pénibilité tout en augmentant la sécurité au travail et le bien-être des personnes comme des animaux ou encore d’inventer de nouvelles solidarités sans oublier d’accompagner plus que jamais la professionnalisation et la montée en compétences de tous les acteurs de la filière. La préservation du statut d’animal de rente du cheval et la définition de l’agriculteur professionnel du cheval font aujourd’hui plus que jamais sens!