“Écrire, composer et chanter ont changé ma vie“, Vanille

L'année dernière, Vanille a présenté son premier album, intitulé "Amazona“ et publié sur le label 6&7. Ayant grandi entre les chevaux de la charismatique Virginie Coupérie Eiffel et les instruments de musique de l’incontournable Julien Clerc, cette jeune trentenaire solaire a pris le temps de mûrir son projet avant de se présenter à son tour sous les projecteurs. Celle qui fut élève de l’académie Fratellini des arts du cirque, étudiante en communication, collaboratrice dans l’événementiel équestre, journaliste, globe-trotteuse et même casteuse livre treize titres portés par des textes mêlant force et finesse, des mélodies justes et de belles orchestrations aux accents brésiliens. Une œuvre très personnelle que l’auteure et compositrice interprètera bientôt sur scène, en première partie de la tournée de Marc Lavoine. GRANDPRIX n’a pas boudé son plaisir de pouvoir écouter chanter et parler cette gracieuse femme de cheval.



© Isabelle Lemoine-Lindbergh

Un premier opus est capital dans la carrière d’un artiste. Comment le vôtre est-il né ? 

Cela ne s’est pas fait en un jour. D’abord, je me suis mise à la musique assez tard, à vingt et un ou vingt-deux ans. Ensuite, j’ai commencé à écrire des textes et composer des mélodies à la guitare. Comme j’habitais à Londres à l’époque, je me suis lancée en anglais, mais je suis très rapidement revenue au français, qui correspond davantage à ma vérité. Dès lors, ma vie a changé : j’ai senti intérieurement que j’avais enfin trouvé quelque chose qui me protégeait de l’ennui, un moteur et une source de satisfaction personnelle. Pour me faire la main, à partir de 2012, j’ai écumé pas mal de petits bars, toute seule avec ma guitare, à Bordeaux et Paris. Au fur et à mesure, je me suis constitué un petit répertoire, puis il m’a encore fallu du temps pour trouver l’univers musical dans lequel je voulais inscrire mes chansons. Au début, j’écoutais pas mal de blues américain, puis les Beatles et les Rolling Stones, alors je me suis essayée au style pop rock, avec des paroles plus légères, mais cela ne me correspondait pas vraiment. Je suis passée par des périodes assez compliquées, avec plusieurs tentatives d’orchestration qui n’ont pas abouti. Je me suis accrochée et plusieurs fois remise en question - c’est le lot de beaucoup de jeunes artistes, je crois. À un moment, j’ai décidé de produire mes maquettes seule et de changer de maison de disques (passant d’Universal au label 6&7, fondé en 2016 par Pascal Nègre, l’ex-PDG d’Universal Music France, ndlr). Et j’ai surtout fini par trouver ce que je cherchais en découvrant la musique brésilienne, notamment la bossa nova et la samba. David Corcos (musicien franco-brésilien, ndlr), qui a notamment réalisé les premiers albums de Seu Jorge, m’a beaucoup aidée et je suis heureuse du résultat de notre travail. 

En quoi ces sonorités résonnent-elles en vous ? 

Il y a une sorte de mélancolie heureuse – un contraste entre des paroles tristes et profondes et des musique gaies et légères – qui me touche. Comme le dit Caetano Veloso (l’un des plus populaires musiciens et chanteurs brésiliens, ndlr) dans l’une de ses chansons, la samba est la mère du plaisir mais aussi la fille de la douleur. Cela correspond exactement à ce que j’ai toujours cherché depuis que j’écris et compose, parce que même si mes textes peuvent être tristes, je suis d’une nature optimiste. La découverte de cette musique a été une véritable révélation. Et puis je me sens profondément attachée aux cultures tropicales. J’ai des origines guadeloupéennes (Évelyne Merlot, la mère de Julien Clerc, était originaire de l’île, ndlr) que je porte y compris sur ma peau. Je suis tellement métissée qu’on me demande souvent d’où je viens ! Bref, je me sens connectée à ces musiques. 

Le voyage semble occuper une place essentielle dans votre existence. Qu’avez-vous appris à travers vos périples ? 

J’ai eu l’occasion de voyager en Amérique du Sud, mais aussi en Inde, au Cambodge et un peu en Thaïlande. Le plus beau, c’est la découverte de l’autre et le développement de ses capacités d’adaptation et d’empathie. Pour autant, on peut aussi bien apprendre et voyager dans sa chambre en se plongeant dans un livre ou en se retrouvant seul face à soi-même qu’en prenant un avion pour aller à l’autre bout du monde et déjouer des attrape-touristes…

Qui est cette belle “Amazonas“, dans le titre ouvrant cet album éponyme, qui pend son envol dans les grands espaces d’Amérique du Sud ? Que fuit-elle ? 

Une relation amoureuse un peu étouffante. En Amérique latine, plus encore qu’en Europe, il est parfois difficile d’être une femme dans un couple. Elles ont beau avoir beaucoup de caractère, elles n’ont pas forcément leur mot à dire à la maison. J’adore le tempérament passionné des latins, mais j’ai le sentiment qu’ils ne sont pas toujours très à l’écoute de leur femme. Je me suis inspirée de l’histoire d’une très proche amie péruvienne, que j’ai rencontrée lorsque j’habitais Madrid. Elle a vécu en Europe de quatorze à vingt-cinq ans, avant de rentrer au Pérou, où elle s’est mariée. Depuis, je suis allée la voir trois fois et j’ai observé chez elle un changement de comportement et d’attitude qui m’a particulièrement touchée. J’ai mêlée l’histoire de cette amie, qui est originaire d’un village de la forêt amazonienne, à celle de ma mère, cavalière à la personnalité particulièrement libre. Et j’ai imaginé ce personnage de femme quittant sa vie à cheval pour retrouver sa liberté.



© Collection privée

En 2016, vous aviez sorti “Moi Garçon“, un premier titre au style assez différent de cet album et qui résonnait comme un cri du cœur, bien qu’étant assez drôle. Vous sentez-vous à l’aise dans votre peau de jeune femme trentenaire ? 

Oui, tout va bien. Ce titre était plutôt humoristique. J’étais partie du constat que les mecs avaient toujours l’air de mieux vivre les déceptions amoureuses que moi, et surtout qu’ils paraissaient moins tristes ! (rires) Sans doute étaient-ils simplement plus doués pour le cacher. J’aime cette chanson, que j’interprétais dans les bars en guitare voix, et j’étais très excitée de mon premier enregistrement en studio, mais avec le recul, j’ai senti que les arrangements ne me collaient pas vraiment à la peau. C’est pourquoi je ne suis pas allée plus loin dans cette voie. 

Un album est aussi une forme de mise à nue. C’est encore plus vrai pour le vôtre dans le sens où vous êtes l’interprète, mais aussi l’auteure et la compositrice de vos chansons. Aviez-vous des messages à faire passer ? 

Monter sur scène pour chanter est un acte impudique par nature. Dès que je me suis décidée à le faire, j’ai mis cet aspect de côté. Pour ce qui est des textes, rien n’était prémédité. J’écris ou compose quand j’en ressens le besoin. C’est le fruit d’expériences vécues, de choses que j’ai vues et surtout de sentiments. Après le premier jet, j’essaie d’habiller mon propos d’une petite robe de soirée qui va le rendre plus digeste pour ceux qui m’écouteront. Mes chansons ne plairont sûrement pas à tout le monde, mais j’espère qu’elles rencontreront un public. 

Même si vous vous y êtes mise tardivement, de gré ou de force, la musique a toujours fait partie de votre vie. Petite, lorsque vous assistiez aux concerts de votre père, ne vous imaginiez-vous pas monter un jour sur scène ? 

Peut-être un petit peu, mais de manière très inconsciente. Cette place me semblait déjà si bien occupée par mon père que je ne m’y projetais pas moi-même. Petite, je me voyais plutôt institutrice ou animatrice de radio ! Je créais beaucoup de petits spectacles de chant et de danse avec mes cousines, mais je n’imaginais pas en faire mon métier. Plus tard, j’ai suivi des études de communication et travaillé dans l’événementiel, notamment au Gucci Paris Masters (devenu Longines Masters de Paris, aux côtés de sa mère et des équipes du Belge Christophe Ameeuw, ndlr) et au Longines Paris Eiffel Jumping (événement créé par Virginie sur le Champ-de-Mars, ndlr). Je travaillais à la communication, mais aussi parfois à l’organisation opérationnelle, sur le terrain. À Villepinte, par exemple, j’ai participé au développement de l’épreuve Style & Compétition (exhibition costumée à but caritatif associant de grands cavaliers de saut d’obstacles à des personnalités amateurs, ndlr). J’ai pris beaucoup de plaisir à faire ça. 

Vous avez également collaboré à des ouvrages parus aux éditions Lavauzelle dans la collection Rois et Rênes, dirigée par votre mère. Quel était votre rôle ? 

J’ai mené des interviewes avec des cavaliers et participé à la rédactions de ces ouvrages. J’en garde d’excellents souvenirs. J’aime vraiment écrire. 

Musicalement, vous vous décrivez comme une autodidacte. Avez-vous vraiment commencé toute seule, en suivant des tutos sur YouTube ? 

Absolument. À ce moment-là, je vivais à Madrid, éloignée de ma famille. Au début, je n’y comprenais rien. Je posais parfois des questions à des amis musiciens ou à mon père, mais j’essayais de me débrouiller seule autant que possible. J’ai persévéré et j’y ai trouvé une forme de satisfaction.



Outre les sonorités brésiliennes, quels artistes ou quels types de musique vous inspirent ? 

J’écoute beaucoup de chanson française, à commencer par les intemporels, Jacques Brel, Barbara ou Serge Gainsbourg, ainsi que des nouveautés. Et je passe des heures branchée sur FIP (radio publique à la programmation éclectique, disposant d’un catalogue d’une richesse et d’une diversité presque unique au monde, ndlr). J’y découvre continuellement des musiques du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Amérique du Sud que je “shazame“ (du nom de l’application mobile permettant de reconnaître un titre et de le réécouter sur les plateformes légales, ndlr). C’est un vrai régal. 

Pour lancer votre carrière, n’avez-vous jamais songé à vous présenter à une audition à l’aveugle devant des millions de téléspectateurs (Julien Clerc officie cette année en tant que coach dans l’émission “The Voice“ diffusée sur TF1) ?! 

Sûrement pas ! J’ai déjà l’étiquette de “fille de“ alors je n’allais pas en plus me coller au front celle de “produit de téléréalité“ ! (rires) 

Qu’avez-vous appris en écumant les bars ? 

À capter l’attention du public. Parfois, il est très tard et la plupart des clients sont déjà ivres, alors s’imposer avec ses petites chansons n’a rien d’évident. Certains soirs, j’accrochais dix ou quinze clients, ce qui est déjà énorme. J’ai vécu des moments magiques… et des moments épouvantables aussi ! (rires) 

Bien qu’il n’ait pas voulu interférer dans votre processus créatif, surtout pour vous prémunir des critiques sur votre statut de “fille de“, votre père a composé le très beau titre “Là-haut“, qui rend hommage à votre défunte grand-mère maternelle et referme cet album. Comment est née cette collaboration ?

J’avais écrit un texte et composé une musique, mais celle-ci ne me semblait pas à la hauteur. Ma grand-mère adorait mon père, alors je lui ai proposé de composer une mélodie. Et comme il a beaucoup aimé le texte, il a accepté de le faire, ce dont je suis très heureuse. 

Quelle place occupe le cheval dans votre existence ? 

Une place centrale, depuis toujours. Je ne suis pas une compétitrice dans l’âme et je préfère contourner les obstacles que les sauter, donc je ne concours plus depuis un bon moment. Pour les mordus de jumping comme ma mère, je ne suis pas une vraie passionnée, mais j’ai quand même l’impression de passer mes journées à regarder des chevaux franchir des obstacles ! En revanche, j’adore regarder les chevaux évoluer dans les prés et les monter pour me balader dans la nature ou les faire galoper sur la piste du château Bacon (propriété de la famille Coupérie depuis près de deux siècles, située à Saint-Vincent-de-Paul, en Gironde, ndlr). Ce que j’aime chez cet animal, c’est qu’il rend ce qu’on lui donne. 

Quel rôle jouez-vous dans cette structure familiale ?

Je m’occupe pas mal du personnel, de la coordination et j’organise des stages, ce qui peut paraître assez schizophrénique avec mon projet artistique ! (rires) En fait, nous aimons tout simplement faire les choses en famille. Et puis je gère un peu le potager et les arbres fruitiers, qui font partie du paysage de cette propriété. 

Il y a quelques années, vous aviez aussi participé au casting du film “Jappeloup“ de Christian Duguay et Guillaume Canet !

Oui, j’étais chargée de trouver des chevaux et des cavaliers, notamment pour doubler les acteurs lors des reconstitutions de grands concours et championnats. Pour les scènes se déroulant dans des paddocks, par exemple, il fallait des cavaliers aguerris pour que l’ensemble soit crédible. Et nous avions dû trouver trois ou quatre Jappeloup (en tout, huit chevaux ont interprété le rôle du crack aux différents âges de sa vie, ndlr)

En général, pour un album, on ne garde que le meilleur de ce qu’on a écrit, composé et enregistré. Dans celui-ci, un seul titre parle directement de cheval. Dans quelle mesure cet animal est-il une source d’inspiration pour vous ? 

Je suis surtout inspirée par le relation qu’un humain peut tisser avec un cheval. C’est toujours une histoire de couple. On connaît tous des chevaux qui ne se sont pas entendus du tout avec tel ou tel grand cavalier, et qui ont brillé avec d’autres. Cette rencontre me parle. L’amour m’intéresse beaucoup, et dans cette relation, je perçois une forme très puissante de ce sentiment qui porte deux êtres à partager quelque chose d’extraordinaire lorsqu’il parviennent à atteindre leur but, notamment dans les grandes compétitions. Même s’il n’y a qu’une médaille, l’homme n’est pas davantage champion olympique que son cheval. 

N’en va-t-il pas de même de la rencontre d’un texte et d’une mélodie ?

Si, tout à fait. Le processus est exactement le même.

Cet entretien est paru dans le magazine GRANDPRIX n°105 en avril 2019.

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