“Je veux être compétitive en CSI 5*”, Jeanne Sadran
À seulement dix-huit ans, Jeanne Sadran est de plus en plus régulièrement présente à haut niveau et s’affirme comme une cavalière sur laquelle il faudra compter à l’avenir. Engagée à l’Hubside Jumping de Grimaud en ce début d’été, elle reste sur un bon parcours à cinq points avec Vannan dans son tout premier Grand Prix CSI 5*, dimanche dernier. La Toulousaine évoque aussi son futur crack Dexter de Kerglenn, l’écurie Chev’el et l’importance des championnats d’Europe Jeunes Cavaliers, qui ne devraient pas avoir lieu cette année. Entretien.
Vous avez repris la compétition il y a trois semaines à Grimaud, signant notamment un parcours à cinq points dans le Grand Prix CSI 5* de dimanche dernier avec Vannan. Qu’avez-vous retenu de cette première?
Je suis très contente. En plus de Vannan, j’avais deux autres chevaux engagés dans ce CSI 5*, Reflet d’Azif et Unforgettable Damvil, qui ont tous deux étés classés durant le week-end. Dans le Grand Prix, nous avons commis une petite faute de postérieurs à la sortie du double, dans la dernière ligne. Ce cheval est incroyable et je le remercie, car il m’a tout donné pour notre premier Grand Prix CSI 5*. Je suis très contente de notre performance!
Comment avez-vous vécu le confinement?
Cette période s’est bien passée et a été bénéfique pour moi. D’habitude, avec l’école, j’ai moins le temps de m’occuper des chevaux. Là, j’ai pu être avec eux tous les jours et les faire travailler autant que je voulais. Par exemple, si un cheval n’était très bien le matin, je pouvais retravailler avec lui l’après-midi. Néanmoins, après trois mois de pause forcée, je suis contente d’avoir repris les concours à Grimaud. L’ambiance est bonne, et l’organisation également. Je remercie d’ailleurs les équipes de Sadri Fegaier.
Depuis le départ de Maelle Martin des écuries Chev’el, vous avez récupéré deux chevaux prometteurs, l’étalon Dexter de Kerglenn et Come on Jumper. L’entente semble déjà au rendez-vous puisqu’il n’y a eu que des parcours sans faute à Grimaud!
Je ne travaille avec eux que depuis deux mois, et Grimaud a été notre premier concours. Le confinement m’a permis d’apprendre à les connaître. Souvent, on a tendance à concourir assez rapidement avec les nouveaux chevaux… Là, j’ai vraiment pu prendre mon temps. Tous deux sont de très bons chevaux. Come On avait déjà été très performant avec Maelle. Nous nous sommes lancés dans le premier CSI 2*, puis le deuxième CSI 4*. Nous nous sommes classés dans l’épreuve à 1,45m grâce à un double sans-faute (une septième place le samedi, ndlr), donc je suis très satisfaite. Dexter est plus jeune (sept ans, ndlr), donc nous prenons le temps de le construire. C’est un cheval assez spécial et qui a tout pour lui: Il a de la force et représente le cheval de sport par excellence. Je pense que c’est un crack en devenir. J’ai de la chance de les avoir.
Avez-vous des objectifs particuliers pour cette saison?
Je souhaiterais commencer à être compétitive au niveau 5*. Avec l’annulation des championnats d’Europe Jeunes, j’ai perdu ce qui devait être mon grand objectif de l’année. Je veux donc surtout bien apprendre à connaître mes nouveaux chevaux et être performante avec les autres. Nous verrons comment va se dérouler la suite, mais la saison indoor risque d’être assez compromise... Néanmoins, il y a d’importantes compétitions à venir.
“Allier mes études avec l’équitation est mon équilibre”
Que pensez-vous du mouvement #wewantojumpec2020, lancé sur les réseaux sociaux par les cavaliers souhaitant que les championnats d’Europe Jeunes soient maintenus cette année?
Certains grands cavaliers ont participé à ce mouvement et je suis complètement d’accord avec eux, parce que les années Jeunes passent vite. Ces Européens sont exceptionnels pour nous, jeunes cavaliers. Cela nous donne un objectif dans la saison, ce qui est vraiment important. D’un autre côté, j’imagine que la Fédération équestre internationale (FEI) a de bonnes raisons de les avoir annulés (certaines fédérations nationales ne souhaitaient pas y envoyer d’équipes, ndlr)… Je suis en faveur de leur organisation. Malheureusement, nous ne pouvons pas faire grand-chose à notre niveau. J’espère que tout reviendra dans l’ordre l’an prochain. Cette année est un peu compliquée et aléatoire, il faut composer comme on peut avec cette situation.
En 2019, vous avez participé aux championnats d’Europe Juniors avec Unforgettable Damvil. Que retenez-vous de cette expérience?
Participer à un championnat est spécial, l’atmosphère y est différente d’ailleurs. Cela mobilise toute une préparation, une équipe, une nation et c’est chouette à découvrir. Ce sont des compétitions que j’adore. De cette superbe expérience, je ne retire que du positif. Tout s’était bien passé pour moi (le couple avait terminé huitième par équipes et vingtième en individuel, ndlr). J’y ai beaucoup appris et en suis sortie grandie.
Vous vous entraînez avec Julien Épaillard. Comment se passe cette collaboration et qu’avez-vous appris de plus important à ses côtés?
Cela fait presque un an que je travaille avec lui. Nous nous entendons très bien. Il nous apprend énormément, nous donne le sens de la compétition, l’approche du haut niveau, une méthode de travail… Il vient environ deux fois par mois aux écuries (les écuries Chev’el sont situées près de Toulouse, et les infrastructures du numéro un français en Normandie, ndlr). Ce qu’il nous transmet d’essentiel est le sens du tracé, du galop, et une façon d’aller vite… Nous travaillons également avec Bertrand Poisson en dressage. C’est une bonne combinaison pour l’instant!
Le projet Chev’el, initié par votre mère et votre père, Sophie et Olivier Sadran, vous permet d’évoluer dans une structure solide. Allez-vous continuer vos études en parallèle de votre carrière sportive?
J’ai eu mon bac aujourd’hui, avec mention bien (interview réalisée le 7 juillet, ndlr). Je vais continuer à m’entraîner tout en étudiant dans une école de commerce et de finance. L’an prochain, je partagerai mon temps entre mes études à Paris, nos écuries et les concours. Cela demandera une bonne organisation, mais je souhaite continuer de cette façon, qui contribue à mon équilibre. Je suis contente de pouvoir allier les études et l’équitation.
Chev’el est une pépinière de talents, avec l’esprit d’équipe comme valeur principale. Dans quelle mesure cela vous encourage-t-il à donner le meilleur de vous-même?
À la maison, il y a toujours Nina (Mallevaey, ndlr) et ma petite sœur (Louise, ndlr). Nous partageons énormément et nous motivons entre jeunes cavalières. Je m’entends très bien avec ma sœur, et je suis très proche de Nina, que je connais depuis longtemps. Notre relation s’appuie sur la confiance. Nous travaillons et grandissons ensemble.
“Chev’el s’inspire des centres de formation de football”
Au quotidien, comment cela se passe-t-il depuis le départ de Maelle Martin et Éric Louradour, qui vous encadraient précédemment?
Nous avons arrêté de travailler avec Éric car cela devenait compliqué pour lui d’un point de vue logistique. Certains de ses propriétaires sont installés en Italie et le temps lui manquait. J’ai énormément appris à ses côtés et je le remercie. Grâce à Maelle, nous avons découvert un système de travail et d’organisation pour nos écuries. Je garde énormément de bons souvenirs des moments passés avec elle. Parfois les chemins se séparent et chacun continue de son côté, mais nous restons en très bons termes. Pour l’instant, il n’est pas prévu de la remplacer, mais nous nous organiserons peut-être autrement à l’avenir. Nous n’y avons pas encore vraiment songé.
Vous participez régulièrement à des étapes du Longines Global Champions Tour/Global Champions League. Vous faites d’ailleurs partie de l’équipe des Monaco Aces avec Julien Épaillard, Jos Verlooy, Laura Kraut, Jérôme Guéry et Billy Twomey. Que vous apporte cette expérience auprès de certains des meilleurs cavaliers mondiaux?
Pouvoir concourir au sein d’une équipe de la Global Champions League est un véritable atout. J’en sors grandie car je suis au plus proche des meilleurs mondiaux. Je découvre leur système de travail, leur manière d’aborder la compétition… Dans l’équipe, nous nous entendons très bien. En concours, nous mangeons souvent ensemble et participons à des activités. J’ai déjà eu l’occasion de m’entraîner un peu avec Jérôme. Cette expérience a été positive. Laura me donne parfois quelques conseils, ce qui est vraiment profitable. Cette année, la League a malheureusement été mise entre parenthèses à cause du coronavirus…
Vous avez participé aux championnats d’Europe Poneys et remporté le Grand Prix CSIOP de Fontainebleau en 2016 avec Rominet de Bruz. Quel regard portez-vous sur ces années à poney?
Je n’en retiens que du positif. C’était un passage un peu difficile car je manquais de confiance en moi, mais cette période a été bénéfique. J’ai pu découvrir les CSIO, les Coupes de nations, ainsi que les championnats d’Europe. Concourir à poney en CSI est une très belle opportunité pour un jeune. Nous sommes proches de nos copains tout en profitant de magnifiques concours.
Votre père est impliqué dans le football en sa qualité de président et actionnaire du Toulouse Football Club (TFC). Trouvez-vous des points communs entre ce sport et le vôtre?
C’est un sport assez médiatisé donc je pense que l’équitation peut s’en inspirer, même si chaque sport a ses spécificités. Ce que je retire de ce sport, c’est tout ce qui est mis en place autour des joueurs, un peu similaire à notre sport, avec des ostéopathes, des kinésithérapeutes et des préparateurs physiques. Comme je suis assez proche de ce milieu, je m’en sers. Pour la structure Chev’el, mes parents se sont un peu inspirés des centres de formation de foot. D’ailleurs, mon père a commencé à y penser quand il s’est investi au TFC.
Retrouvez ci-dessous le parcours de Jeanne Sadran et Vannan dans le Grand Prix 5* de Grimaud dimanche dernier