Face aux mutilations de chevaux, les forces de l’ordre craignent “la montée en puissance de la psychose”

Alors que les actes de mutilation de chevaux se multiplient en France, les forces de l’ordre, et particulièrement la gendarmerie, en charge de la majorité des enquêtes, appellent à leur signaler tout comportement suspect. Et à ne surtout pas se faire justice soi-même. En creux, elles redoutent aussi l’emballement de la psychose suscitée par cette vague ô combien angoissante…



Pas moins de cent cinquante-trois enquêtes ont été ouvertes en France dans les affaires de chevaux mutilés, a annoncé hier le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. “Dont une trentaine de faits particulièrement graves qui, soit ont entraîné la mort de chevaux, soit des blessures extrêmement violentes”, a-t-il précisé. En déplacement chez une éleveuse de l’Oise, il a appelé, avec le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, qui l’accompagnait, à “la mobilisation générale des Français (...), pour signaler à la gendarmerie tous les indices qui permettent d’arrêter les personnes qui commettent ces faits en appelant le 17”. Et à ne surtout pas se faire justice soi-même. 

C’est précisément ce que redoute le colonel Christophe Junqua, commandant de la gendarmerie dans le Calvados: “Nous avons la crainte du quiproquo dramatique.” Par exemple, des jeunes qui entreraient dans un champ par défi, quelqu’un qui se promènerait le long d’un herbage, ou quelqu’un dont la plaque d’immatriculation a circulé sur les réseaux sociaux, pourraient être pris pour les auteurs des actes de cruauté, et pris à partie. “Des gens commencent à effectuer des rondes de surveillance, campent dans leurs prés… Cela crée une montée en puissance de la psychose”, souligne le commissaire Olivier Le Gouestre, directeur départemental de la police du Calvados. “On voit sur certains groupes Facebook de surveillance qui se sont créés des personnes qui veulent s’armer”, relève même la gendarmerie de l’Orne. “Non ! Il est de la responsabilité de chacun de se protéger, mais de façon légale.”



“Ne pas se mettre en danger”

Reste à savoir comment : grâce à la vidéosurveillance, en s’inscrivant aux dispositifs Opération tranquillité entreprise (OTE) dans l’Orne, ou Opération tranquillité vacances (OTV) dans le Calvados, par exemple, pour que des patrouilles soient “régulièrement programmées en l’absence des propriétaires”, et en faisant en sorte de “rentrer les chevaux la nuit, si possible”, ajoute le général Bruno Arviset, qui commande la région de gendarmerie de Normandie. Les forces de l’ordre conseillent surtout de leur signaler tout comportement suspect, de la façon la plus précise possible, afin que les informations soient vérifiées et recoupées. “Mais ne pas agir”, insiste le colonel Junqua, “ne pas se mettre en danger, tant physiquement que juridiquement”. Fin août, dans le Finistère, deux femmes avaient été interceptées illégalement dans leur véhicule par des éleveurs armés alors qu’elles rentraient simplement du travail.



Aucune hypothèse privilégiée

Concernant le nombre de cas, le général Arviset “reste prudent: certains cas que l’on pensait criminels se sont avérés naturels, comme des attaques d’oiseaux de proie ou de renards”. C’est ce qu’il s’était, par exemple, passé à Dieppe: “Un cheval avait été retrouvé dans un pré mort et mutilé ; il se trouve qu’il avait été euthanasié et qu’on attendait le passage des équarrisseurs.” À ce stade de l’enquête, “aucune hypothèse n’est privilégiée”, rappelle le général. Si début août, on s’orientait particulièrement vers des rituels satanistes, “aujourd’hui, on est intimement persuadé que certains ont saisi la balle au bond”. Quoiqu’il en soit, “le mieux est de laisser travailler la gendarmerie”, insistait lundi Gérald Darmanin. L’infraction, sévices graves ou actes de cruauté envers un animal, est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.