Sain(t)es assurances

L’assurance des équidés, le “Voldemort” des cavaliers? Sujet délicat et souvent mis de côté dans les conversations, le secteur des assurances ne semble pas enthousiasmer les équitants. Trop vaste, trop compliqué, trop cher? Retour sur le sondage en ligne de GRANDPRIX, auquel quelques quatre-vingts lecteurs ont répondu.



Le système des assurances repose sur la mutualisation des risques, chaque assuré réglant une cotisation ou une prime d’assurance pour pouvoir se protéger financièrement contre certains aléas de la vie. La cagnotte constituée par les assurés finance le remboursement des sinistres déclarés au sein de la communauté. Autrement dit, il faut accepter de payer pour un service qu’on peut potentiellement ne jamais utiliser… Cette potentialité est estimée en fonction des risques pris par l’assuré car, plus ceux-ci sont élevés, et plus les autres assurés sont susceptibles de financer un lourd sinistre. 

COMPRENDRE AVANT TOUT 

Si 80% du panel de lecteurs ont annoncé qu’ils connaissent la majorité des termes d’assurance, beaucoup ont précisé qu’ils n’étaient pas sûrs de leurs significations et étaient désireux de plus d’explications. Pour s’informer, les lecteurs assurés s’appuient soit sur leur formation professionnelle - comme nous le confient les sondés Océane, Émilie, Diane et Bertrand - soit sur leurs connaissances personnelles acquises auprès d’amis ou par des recherches. “Il est difficile de savoir ce que l’on signe vraiment, il faut tout éplucher pour comparer et, à mon sens, les termes ne sont pas les mêmes d’une assurance à l’autre”, regrette Marie-Alice. “Je connais quelques notions, mais c’est parfois compliqué en fonction de la situation et de la prise en charge”, avoue Louise. “On connaît les plus explicites mais pas tous, et ce n’est quasiment jamais expliqué”, critique à son tour Gilles. “Dans les conditions générales du contrat, une partie est consacrée aux définitions des mots principaux”, glisse en réponse Géraldine Richshoffer, directrice de Pegase Insurance. 

Pour Christèle, Camille et Jessica, le terme “action d’équitation” est flou, voire inconnu. Il est vrai que ces dénominations d’action ou hors action d’équitation restent à la mesure de chaque assureur et peuvent être flexibles d’un contrat à l’autre. Une responsabilité civile en action d’équitation couvre généralement le couple quand le cheval est monté, attelé, ou tenu en main pour aller pratiquer sa discipline… mais c’est un point à éclaircir avec son assureur au moindre doute. “Il est important que le client sorte de son rendez-vous sans avoir de zone d’ombre sur son contrat, afin de faire un choix juste et éclairé”, achève Géraldine Richshoffer. “Nous sommes heureux de répondre à toutes les questions qui lui viennent à l’esprit!”

TABLER SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE (RC) 

Si assurer son cheval est légalement non obligatoire, l’article 1243 du Code civil prévoit néanmoins que “le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé”. Parmi notre panel de sondés, 55% ont déjà songé à compter sur leur seule épargne en cas d’accident. Un choix autorisé mais risqué, étant donné le coût potentiellement astronomique d’un accident de la route avec dommages corporels. “Sauf erreur, le cheval n’est pas défini ou mentionné dans le Code des assurances”, détaille Véronique Lefèvre, chargée d’études juridiques produits chez Monceau Générale Assurances. “En revanche, la notion d’animal domestique est, elle, souvent définie dans les conditions générales multirisque habitation. Dans notre cas, les animaux domestiques sont identifiés comme des “animaux familiers de compagnie vivant habituellement auprès de l’homme et dont l’espèce est entièrement apprivoisée, y compris les animaux de basse-cour et de ferme”. Ne seront pas pris en compte les animaux destinés à l’exploitation agricole ou à l’élevage à but lucratif, les animaux exotiques, sauvages et, bien sûr, ceux dont l’acquisition ou la détention est interdite ou soumise à réglementation.” Plusieurs lecteurs font référence à leur contrat multirisque habitation (MRH) pour gérer la responsabilité civile. “Le contrat MRH couvre les dommages causés aux tiers par les animaux domestiques dont l’assuré a la garde”, appuie en effet Véronique Lefèvre. “La responsabilité civile vie privée peut également garantir les dommages causés par les équidés dont l’assuré a la garde. Parfois, ce risque est couvert sans aucune mention ou, au contraire, il fait l’objet d’exclusions spécifiques ; parfois la garantie est acquise dès lors que l’assuré n’en possède pas plus d’un certain nombre (précisé contractuellement) et, enfin, parfois les équidés doivent être identifiés dans le contrat. Toutefois, et sauf cas particulier, les dommages causés par le cheval logé en pension ne seront pas couverts, dans la mesure où il y a un transfert de garde. Dans tous les cas, si la responsabilité civile du fait du cheval est garantie, seuls les dommages causés aux tiers par le cheval seront couverts, à l’exception donc des dommages subis par le cheval. Il s’agit de mesures contractuelles, propres à chaque assureur. Seul ce dernier pourra vous renseigner précisément.”



POUR QUEL BUDGET?

© Scoopdyga

L’équitation est considérée comme une passion très coûteuse... et souvent à raison. Rarement mis en avant lorsque l’on projette d’acheter un cheval, le tarif des contrats d’assurance peut énormément varier selon l’offre couverte. “En ce qui nous concerne, les tarifs n’ont pas évolué à la hausse mais plutôt à la baisse, à l’exception de certaines garanties”, analyse Stéphanie Harang, chargée de clientèle chez Gras Savoye Hipcover depuis bientôt vingt ans. “Au fil des années, nous avons agrandi notre offre mais sans excès, car nous souhaitons avancer des garanties complètes. La couverture la plus demandée à ce jour concerne les frais vétérinaires, associés chez nous au contrat mortalité. Si les progrès de la médecine vétérinaire sont bien sûr bénéfiques pour l’animal, ils sont aussi de plus en plus coûteux. Nous cherchons naturellement à nous adapter au plus près des attentes du client. Par exemple, l’intervention d’un ostéopathe peut être remboursée en partie si elle est prescrite par un vétérinaire.” Selon notre panel de sondés, 15% ont un budget annuel d’assurance de moins de 200 euros, 31% payent plus de 200 euros, et enfin 54% déboursent plus de 500 euros. “Pour un cheval de loisir dont la valeur est modeste, ce dernier budget est largement suffisant si l’animal est assuré en seule mortalité”, commente Muriel de Moubray, chargée de communication de la compagnie d’assurance Markel, impliquée en France depuis 1992 via la société de courtage Le Centaure. “Un tarif autour de 500 euros correspond plutôt à la garantie frais vétérinaires, qui couvre des chirurgies. À noter que l’assurance mortalité peut être valorisée ou dépréciée au cours de l’année pour les chevaux de sport du fait de l’évolution de leur valeur agréée (valeur établie entre le client et l’assureur qui se veut la plus réelle possible, ndlr).” 

L’idée d’offre évolutive a justement été émise par Jessica, une des lectrices sondées : “Serait-il possible d’envisager des tarifs différents selon le logement du cheval (box intégral, pré, etc.) de la même manière que sont calculés les taux de franchise par discipline?” “Il n’y a pas à ce jour de tarification indexée sur la qualité de vie de l’équidé”, répond à son tour Mathieu Loriaut, responsable commercial au sein de la société Cavalassur, présente sur le marché depuis plus de quinze ans. “C’est une idée séduisante, mais qui nous pose le problème de la mesure en fonction de la nature du sinistre et du contrôle du logement au moment de la déclaration. Ce sont cependant des sujets que nous regardons de près.”

COMMENT CHOISIR?

Parmi notre panel de sondés, 55% affirment avoir des difficultés à choisir leurs contrats d’assurance. “Il a été compliqué de trancher sur ce que je voulais vraiment assurer”, explique la lectrice Ornella. “Au-delà de la valeur du cheval, un contrat qui couvre beaucoup de maladies est tentant mais, en même temps, le coût est plus élevé... J’ai finalement choisi une formule intermédiaire, qui couvre les maladies courantes.” L’avis est partagé par un autre sondé : “On a du mal à anticiper ce qui va nous arriver ou non, et on n’a pas envie de payer pour rien...” Pour les 45% restants, le choix a été moins ardu. “J’ai pu comparer les prix et les garanties de manière tout à fait transparente sur internet. J’ai aussi effectué des recherches pour avoir des retours d’expérience des assurés”, énonce Océane. Si Diane met en avant le temps nécessaire pour bien comparer chaque élément de garantie, Louise apprécie de se tourner vers des interlocuteurs qualifiés : “Le fait d’être en face d’une personne aide beaucoup. Il est plus facile de comprendre et de poser des questions très spécifiques. Ceci dit, pour certaines assurances, il y a des grilles vraiment très bien détaillées et un bon service téléphonique.” Ce contact direct et la notion de conseil sont recherchés par de nombreuses compagnies. “Nous mettons en avant - et de manière très détaillée - ce qui est couvert et ce qui ne l’est pas, tout en rappelant au client que l’assurance, quelle que soit la compagnie, ne pourra pas rembourser tous les frais inhérents à un équidé”, souligne à cet effet Muriel de Moubray, de l’assureur Markel. “Notre priorité est que l’animal soit assuré au mieux, qu’il le soit au sein de notre compagnie ou auprès de nos concurrents. Notre but n’est certainement pas de décevoir le client mais qu’il soit au contraire couvert - ou non - en toute connaissance de cause.”

Le rôle du courtier est mis en avant par plusieurs autres lectrices, notamment Émilie - “il faudrait que des courtiers spécialisés se fassent connaître ou, justement, que la presse spécialisée établisse des comparatifs afin de permettre aux équitants de souscrire en toute connaissance de cause” - ou encore Constance, qui note qu’un courtier “lui a permis de trouver l’offre la plus intéressante par rapport à [ses] besoins”. Le courtier d’assurance peut en effet servir d’intermédiaire entre la compagnie d’assurance et le futur assuré. Fin connaisseur du secteur et des offres en cours, “le courtier peut être affilié publiquement à une ou plusieurs compagnies d’assurance ou être indépendant”, ponctue à ce sujet Muriel de Moubray. “En se rémunérant par commission, le courtier propose aux clients les contrats qui leur correspondront le mieux. Nous sommes conscients qu’il est compliqué de comparer deux contrats d’assurance car il ne faut pas, bien sûr, se référer au seul tarif annuel, mais bien aux coûts de franchise, aux taux et aux plafonds de remboursement, aux cas de pathologies inclus et exclus, etc.”

LE CONTRAT D’ASSURANCE, LIEN JURIDIQUE 

Si les critiques reçues ont parfois été virulentes, arguant des “pratiques manipulatrices”, 70% des sondés sont néanmoins satisfaits de leur compagnie d’assurance. “Toute maison de courtage ou compagnie d’assurance doit répondre à des obligations légales, notamment le devoir de conseil et de transparence, sans laisser de surprises ou d’ambiguïté”, rappelle Stéphanie Harang, de Gras Savoye Hipcover. “L’assurance est par ailleurs un secteur inspecté par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), une institution intégrée à la Banque de France qui surveille l’activité des banques et des assurances tout en assurant la protection de leurs clients. Sur les plans judiciaire et éthique, l’assureur a donc tout intérêt à détailler très précisément par écrit la teneur de ses contrats.” 

Maintes fois prises sous le joug des sondés mécontents, les clauses et leur mise en page semblent concentrer tous les courroux. Pour Isabelle et de nombreux autres interrogés, “les petites lignes en bas de page excluent beaucoup de choses et sont peu compréhensibles” ; “il est dommage de ne pas préciser les petites lignes dès le début”, déplore Anne-Marguerite, tandis qu’une autre lectrice évoque “des petites phrases restrictives bien cachées”. “Si la police de caractères des clauses est peut-être écrite plus petite, les exclusions sont, elles, obligatoirement typographiées en gras”, informe en réponse Géraldine Richshoffer, de Pegase Insurance. En effet, l’article L 112-4 du Code des assurances dispose que “les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents”. Ces derniers doivent se démarquer par une police différente, une graisse, un encadré ou une couleur dissemblable du contrat.



COMPRENDRE LES DÉCEPTIONS

Parmi notre panel de sondés, 55% considèrent que les contrats d’assurance ne sont pas assez détaillés et transparents à ce jour. En premier lieu sont citées les incompréhensions entre assureurs et vétérinaires. “On a parfois de mauvaises surprises lors de l’envoi du dossier, où les termes techniques utilisés par le vétérinaire sont mal compris par l’assureur”, regrette Louise. Pour Sévérine, “il n’y a pas de prise en charge de certaines pathologies car les descriptifs ne sont pas assez détaillés”, quand Florian craint “l’incertitude d’être remboursé ou non en cas de boiterie avant qu’un diagnostic clair ait été établi lorsque le cheval est assuré uniquement en accident et non en maladie”. L’autre récrimination concerne les contextes d’accidents, notamment en pension et en concours, qui relèvent alors de la RC professionnelle. “Lorsqu’il y a une recherche de responsabilité dans le cas d’un litige incluant une responsabilité civile professionnelle, le traitement du dossier peut en effet s’étirer dans le temps, d’autant plus si un avocat entre en jeu”, commente Stéphanie Harang, de Gras Savoye Hipcover. “Dans les cas plus classiques, pour une indemnisation sur un contrat mortalité et/ou frais vétérinaires, nous comptons quinze jours à trois semaines de délai pour rembourser l’assuré à partir du moment où nous avons reçu le dossier complet.”

Enfin, l’âge de l’équidé assurable conclut le secteur des déceptions. “Le cheval est considéré comme âgé beaucoup trop tôt pour certaines options (mortalité, vol, frais vétérinaires, etc.) Et la prolongation de ces options, passé ce fameux âge, coûte très cher”, critique une des lectrices sondées. “Notre assurance mortalité assure le remboursement de la valeur de votre cheval à la suite d’un décès accidentel ou des suites d’une maladie pour les animaux âgés d’un mois à vingt ans”, répond Mathieu Loriaut, de Cavalassur. “Il est même possible de couvrir le décès par accident jusqu’à trente ans inclus pour notre formule Vétéran. Il est vrai néanmoins que nous avons élargi au fil des ans notre couverture d’âge assuré. Nous faisons en sorte de répondre à la demande du marché et nous pouvons nous appuyer sur les avancées vétérinaires qui prolongent la bonne santé des équidés.” Ces déceptions sont-elles inévitables? “Globalement, personne ne lit réellement les termes des polices souscrites et ce n’est qu’en cas de dommage que l’on sait si l’on est couvert ou non...”, remarque Émilie, qui rappelle par là-même l’importance cruciale de prendre le temps de lire - et à plusieurs reprises s’il le faut - ses contrats d’assurance. 

QUAND LES ALÉAS S’ACCUMULENT 

L’année 2020 ne brille pas par ses bonnes nouvelles, pour le moment. Le confinement dû à la pandémie de Covid-19 a touché de plein fouet - entre autres - les particuliers et professionnels du monde du cheval. En ajoutant à cela les actuelles horreurs de mutilations équines dans les prairies et écuries, il est difficile de ne pas faire face à plus de dommages aléatoires. Dans 80% des cas, les lecteurs ayant répondu au sondage n’ont pas changé leur regard sur les assurances liées à l’équitation, partagés entre leur bienfondé d’assurés ou, au contraire, dépités par ces dégâts en apparence inassurables. Si Anna et plusieurs autres lecteurs ne pensent pas que ces cas d’agressions sont pris en charge, “c’est pourtant inclus, que ce soit en garantie mortalité ou frais vétérinaires”, relève Mathieu Loriaut, de Cavalassur. “Les actes avérés de malveillance ou cruauté commis par un tiers rentrent tout à fait dans les garanties. Bien sûr, nous espérons tous que cette folie meurtrière cesse.” Océane note pour sa part qu’elle préfère être assurée pour “ne pas avoir à choisir entre la vie de [son] cheval et [ses] projets personnels, l’assurance [lui] permettant une sécurité financière”. “Tout accident cause un choc émotionnel, mais ce genre d’attaque accentue hélas le traumatisme du propriétaire. Heureusement, notre garantie mortalité reste acquise ainsi que la garantie frais vétérinaires et frais de chirurgies d’urgence, et il n’y a donc pas, en plus, à devoir prendre une décision dans le stress”, seconde Stéphanie Harang, de Gras Savoye Hipcover. 

La pandémie a aussi bouleversé les esprits. “J’étais déjà convaincue de l’utilité des assurances pour les chevaux. […] Mon assurance comporte une clause pour aider au paiement de la pension en cas de licenciement économique. Je trouve que c’est un vrai plus avec le contexte actuel”, détaille Rachel. Une autre lectrice s’interroge sur l’incapacité à soigner ses chevaux quotidiennement en cas de maladie, pour laquelle “une option pour palier à ce problème serait une bonne idée”. Enfin, d’autres lecteurs soulignent que la perte d’exploitation due à la pandémie n’a pu être déclarée comme telle auprès de leurs assureurs. En effet, l’état de catastrophe sanitaire n’existe pas à l’heure actuelle, comme en informe le Ministère de l’Économie et des Finances dans le Journal officiel du Sénat du 9 avril dernier. Nous verrons à l’avenir ce que la Fédération française de l’assurance (FFA) proposera. En attendant, comme le souligne subtilement Audrey, une des sondées, “comme toute assurance, on espère ne jamais y avoir recours”.

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX (n°120).