Avec le haut niveau en ligne de mire, l’élevage du Cèdre construit savamment son œuvre
Installé non loin de Rennes, en Bretagne, le jeune élevage du Cèdre, lancé il y a une dizaine d’années par Perrine Cateline et Sylvain Pitois, fait déjà parler de lui. Avec Dubaï du Cèdre, vice-championne des chevaux de sept ans sous la selle de Margaux Rocuet en octobre à Fontainebleau, le couple vise le haut niveau et mise sur la qualité. Pour cela, il s’appuie sur la souche du phénomène Quickly de Kreisker, à travers le sang de sa propre sœur, Urgada de Kreisker, acquise pouliche alors que son frère n’avait pas encore révélé tout son talent. Passionné et déterminé, Sylvain Pitois, kinésithérapeute à la ville, se livre avec justesse sur son travail d’éleveur.
Fontainebleau, 4 octobre 2020. Dubaï du Cèdre et Margaux Rocuet terminent deuxièmes du championnat des chevaux de sept ans. “En sortie de piste, après son titre avec Djibouti de Kerizac, Margaux était presque déçue de ne pas avoir gagné avec Dubaï”, plaisante Bruno Rocuet, père de Margaux, cavalier et marchand reconnu pour son professionnalisme. “Dubaï, elle l’adore. Je suis presque sûr que si on lui demandait de trancher (entre Dubaï et Djibouti, ndlr), elle choisirait Dubaï.” Fer de lance de l’élevage du Cèdre, Dubaï est née chez Perrine Cateline et Sylvain Pitois, à Châtillon-en-Vendelais, “aux portes de la Bretagne et de la Normandie”, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Rennes. “J’aurais espéré que Dubaï rencontre du succès plus rapidement, à cinq et six ans. Elle avait toujours réussi de bonnes saisons, avec beaucoup de sans-faute, mais elle était passée à côté de sa finale. Cette année, je suis parti à Fontainebleau sans trop y croire, mais cela s’est plutôt bien terminé”, sourit Sylvain Pitois.
Pourtant, l’éleveur de trente-sept ans n’a pas mis longtemps à faire valoir ses produits, tant en France qu’à l’étranger. S’étant lancé depuis seulement douze ans, le Breton peut déjà se targuer d’avoir fait naître d’excellents chevaux, à l’image de Dubaï, créditée d’un ISO 145 cette année. “Depuis que je suis tout petit, j’élève des animaux en tout genre. En parallèle, j’ai commencé à monter à cheval quand j’avais treize ans. Je me suis donc naturellement mis à élever des chevaux dès la fin de mes études, à vingt-trois ans”, reprend Sylvain Pitois. Ushuaia du Cèdre (ISO 137, SF, Gentleman IV x O Malley), son premier produit, a été sacrée championne de France Amateur Élite avec Énora Couturier. Pour autant, le trentenaire voit plus grand. “J’ai commencé pendant quelques années à faire naître quelques poulains avec des juments de niveau régional. Puis je me suis rapidement rendu compte que nous avions du mal à commercialiser ces chevaux-là”, analyse ce scientifique de formation, kinésithérapeute à la ville. “Au bout de quelques années, nous nous sommes donc orientés vers des souches internationales.”
Une souche de champions
Le couple voit juste avec Urgada de Kreisker, propre sœur de l’étalon Quickly de Kreisker (ISO 183, SF, Diamant de Semilly x Laudanum, Ps), grand gagnant au plus haut niveau avec le Marocain Abdelkebir Ouaddar… “J’étais à la recherche de bonnes pouliches”, se souvient le trentenaire. “Nous connaissions bien la production de Briseis d’Helby en Bretagne, car l’élevage d’Helby présentait toujours ses produits en compétition. On voyait déjà qu’elle produisait très bien. Alors, quand j’ai vu qu’il y avait une de ses filles de Diamant de Semilly chez Guillaume Ansquer, à l’élevage de Kreisker, j’ai sauté sur l’occasion pour aller la voir.” À l’époque, Quickly n’était pas encore devenu le meilleur performeur du monde, ce qu’il fut pendant un temps, et n’avait pas encore ébloui le public par son talent. “J’avais repéré Quickly aux ventes Fences et j’avais vu qu’il sautait déjà très bien en liberté. C’est aussi cela qui m’a encouragé à acheter Urgada pouliche”, note l’éleveur.
Avant que Sylvain Pitois ne choisisse de travailler que par transferts d’embryons, Urgada de Kreisker a donné naissance à deux poulains Selle Français, Casablanca du Cèdre (Kannan) et Dubaï du Cèdre (Baloubet du Rouet). “Mon but est de faire naître environ cinq produits par an. Vu que nous avons exclusivement recours aux transferts, si nous avons plus de cinq produits, nous en commercialisons certains en tant qu’embryons”, explique le jeune éleveur.
Attaché et sûr de sa souche, qui a franchi un niveau grâce aux performances de Quickly de Kreisker, Sylvain Pitois a préféré se concentrer sur cette dernière. “Ma stratégie a été de tout miser sur cette souche. J’ai Urgada, Dubaï, ainsi que Filadelfia, une fille de Quick Star âgée de cinq ans, qui a été accidentée au débourrage, mais qui produit très bien. Et l’an prochain, je vais mettre à la reproduction Jakarta, une fille de Dubaï par Dollar dela Pierre”, poursuit l’éleveur.
L’élevage du Cèdre compte quinze hectares de terrains, huit boxes, une stabulation de 110m² et une carrière de 35x70m. Un manège y sera bientôt édifié pour faire travailler les chevaux en liberté. Perrine et Sylvain travaillent en étroite collaboration. “Mon épouse participe beaucoup à la vie de l’élevage, ce dont les gens ne se rendent pas trop compte”, loue Sylvain Pitois. Si le couple confie quelques travaux d’entretien à des personnes extérieures à la structure, il tient à s’occuper directement des soins prodigués à la vingtaine de chevaux présents sur place. “Perrine est institutrice à temps partiel. Avec mon métier de kiné, je peux adapter mon emploi du temps aux besoins de l’élevage. S’il faut prendre une journée, il suffit que je m’organise à l’avance. Tout cela nous fait de bonnes journées quand même”, sourit Sylvain Pitois. “Au départ, mon métier m’a permis d’investir dans de bonnes pouliches. À l’inverse, comme l’élevage fonctionne bien, j’ai pu lever le pied au cabinet. Un élevage est très long à démarrer, surtout quand on achète de jeunes pouliches. Nous avons dû injecter de l’argent pendant cinq ans. Nous n’en gagnons un peu que depuis deux ou trois ans.”
Quant au choix des étalons, “j’en repère quelques-uns, j’en parle avec Perrine, et je prends note de ce qu’elle me dit”, confie Sylvain Pitois, qui apprécie croiser sa jumenterie “très imprégnée de Selle Français” aux meilleurs chefs de race européens. “J’affectionne particulièrement le sang de Cornet Obolensky. Je pense qu’il correspond bien à notre jumenterie française, à qui il apporte de la modernité", ajoute-t-il.
Les yeux rivés vers le haut niveau
Malgré tout, le duo a su s’entourer dans son aventure. Grâce à plusieurs collègues, il a noué des relations en Europe du Nord et a pu bénéficier des dernières informations en matière d’élevage. Ils ont aussi croisé la route de Bruno Rocuet, qui les a sans nul doute aidé à grandir et à gagner en professionnalisme. “Perrine Cateline voulait vendre un cheval, et il me semble qu’elle avait mis une annonce sur internet. Je ne les connaissais pas, mais je me suis rendu à leur élevage”, se souvient Bruno Rocuet. “Je n’avais pas acheté le cheval qui était à vendre mais j’avais acquis la moitié d’une sœur de Dubaï par Kannan.” Par la suite, Dubaï elle-même a rejoint l’aventure. Plus récemment, les deux hommes ont fait naître en copropriété Joli Cœur du Cèdre, un fils de Dubaï par Dollar dela Pierre. “Cela reste encore un élevage amateur, mais quand je commence à parler d’origines et de sport avec Sylvain Pitois, cela pourrait durer toute la nuit. Il est vraiment très passionné”, salue Bruno Rocuet, dont la rigueur et le professionnalisme sont très appréciés par son compère.
Après la révélation Dubaï du Cèdre, Sylvain Pitois s’est ouvert à un nouveau marché. “Aujourd’hui, nous parvenons à vendre en France car nos premiers poulains obtiennent de bons résultats. Mais avant de toucher le public français, nous avons exporté beaucoup de chevaux aux Pays-Bas, en Belgique et en Europe du Nord”, note le trentenaire. Les Selle Français Estoril (Jarnac) et Firenze du Cèdre (Toulon), semblent d’ailleurs connaître du succès à l’élevage aux Pays-Bas, où le système privilégie l’élevage aux performances sportives. “Nous avons vécu une année particulièrement prolifique, avec Dubaï qui a émergé sous la selle de Margaux”, se félicite l’éleveur. “J’ai vendu une dizaine de produits, embryons, foals ou yearlings. La plupart d’entre eux sont restés en France. C’est la première année que cela se produit. D’habitude, j’ai neuf poulains sur dix qui partent à l’étranger.” Et Bruno Rocuet d’ajouter: “Dubaï est devenue sa vitrine.”
Si la belle alezane est sur le marché, Sylvain Pitois n’est pas pressé de la vendre et a déjà refusé plusieurs offres. Pour l’heure, la fille de Baloubet du Rouet poursuit son chemin avec Margaux Rocuet, qui entretient un sentiment particulier avec elle. Et l’avenir semble prometteur. In The Stars du Cèdre, fils de Cornet Obolensky et Filadelfia du Cèdre, a obtenu la meilleure note au saut en liberté lors de la qualificative des mâles de Lamballe. En tout cas, l’ambition de Perrine Cateline et Sylvain Pitois est claire: le haut niveau et rien d’autre. “Nous élevons pour voir, un jour, l’un de nos chevaux passer à la télévision, à l’occasion d’une Coupe des nations, par exemple. Notre rêve est d’avoir un cheval en équipe de France”, martèle Sylvain Pitois. En dix ans, l’élevage breton a déjà fait une bonne partie du chemin. Gageons désormais que les rêves du couple se concrétisent et que leur travail soit longtemps récompensé.