L’album photo de Nino des Buissonnets

Après un portrait paru hier, retrouvez ici un album photo retraçant les plus beaux moments de la carrière de Nino des Buissonnets, de sa naissance à son apogée avec Steve Guerdat, et revivez-les avec ceux qui ont eu la chance de côtoyer ce grand champion.



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PHOTO À DROITE.

Patrick Varlet, marchand de chevaux, garde un excellent souvenir du poulain bai qu’il a acheté à un an à la famille Deroubaix.

“J’avais acquis Nino pour le revendre. Comme je mesure 1,90m, son petit modèle ne me convenait pas. Je l’ai vite proposé à Marius Huchin. À l’époque, Nino était frêle, bien moins athlétique qu’aujourd’hui. Quand nous l’avons fait sauter pour la première fois, nous avons tout de suite vu qu’il était bon. Il était appelé par la barre, les oreilles en avant, avec une certaine intelligence. Même lorsqu’il arrivait très près, il sautait de manière très aérienne, comme aujourd’hui. Il avait déjà ce mental de guerrier. Quand nous le lâchions en liberté, il ne fallait pas rester derrière lui! Il avait beaucoup de personnalité. Nous n’imaginions pas qu’il irait si loin, surtout vu sa taille. Quand je l’ai revu en concours quelques années plus tard, je l’ai trouvé fantastique. Je suis allé le dire à Guillaume Foutrier, qui m’a répondu qu’il serait sûrement très performant à 1,35m! Les avis étaient très partagés à l’époque. Steve Guerdat est un vrai homme de cheval, qui a su percevoir et valoriser les qualités de Nino. Ils étaient fait l’un pour l’autre et ont eu la chance de se rencontrer, comme Pierre Durand et Jappeloup.”

PHOTO CI-DESSOUS.

Cavalier et formateur émérite, Guillaume Foutrier a façonné le bai de quatre à neuf ans.

“Malgré sa petite taille, Nino faisait preuve d’une belle qualité de saut et se montrait très respectueux et explosif. En revanche, ce n’était pas vraiment une gravure de mode. Il avait une ligne du dessus assez rigide et un galop un peu difficile. De fait, il avait du mal à rester à cette allure. Nous ne savions pas trop à quoi nous en tenir quant à son potentiel. À l’époque, je montais également Number One d’Iso Un Prince (SF, Baloubet du Rouet x Si Tu Viens), dont nous pensions tous qu’il avait plus de chances d’être médaillé olympique que lui. Nino était très démonstratif, ce qui le différenciait des autres chevaux. À quatre ans, il sautait un mètre au-dessus des barres! Je me servais même des obstacles pour le freiner en piste. Malgré tout, nous n’avions pas l’impression qu’il avait des moyens illimités. Il avait aussi énormément de personnalité. Parfois, il refusait de travailler, et ce n’était pas la peine d’insister. Si on l’embêtait, il se braquait, mais le lendemain c’était oublié! Il était très gentil. À quatre ans, beaucoup de gens l’ont demandé à Fontainebleau, dont Michel Hécart, qui l’avait essayé, ou Hubert Bourdy. Sa gestion a été vraiment bénéfique pour la suite de sa carrière, d’autant que sa santé était à prendre en compte à cette époque. En tout cas, Nino ne pouvait pas tomber mieux que sur Steve Guerdat!”

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PHOTO À DROITE.

Confié par le marchand Manfred Marschall, Nino a évolué pendant quelques mois sous la selle de l’Allemand Tim Hoster.

“Nino m’a tout de suite impressionné. Je l’avais vu sauter une première fois avec Manfred. Quand je l’ai monté, j’ai eu un sentiment incroyable. Nous avons débuté en concours deux jours après. Nous nous sommes vite compris. Il était agréable à monter et très puissant. À la maison, il était un peu fainéant, mais en piste, il s’enflammait! Il cherchait les obstacles. Il brillait dans les barrages, mais au premier tour, il fallait beaucoup le retenir. Il avait une vraie personnalité! Il était marrant, parfois un peu coquin. On sentait qu’il avait quelque chose en plus. Cela dit, personne ne pensait qu’il deviendrait une si grande star! Steve a su faire ressortir tout son talent en restant toujours à l’écoute et patient. Avec un pilote moins bon ou d’un autre style, il ne serait pas allé si loin. Ce sont deux vrais guerriers. Je me souviens que leur premier concours n’avait pas été fameux. Quand des gens me faisaient part de leurs doutes, je leur disais de laisser faire le temps. J’aimais beaucoup Nino. J’avoue que j’ai été triste quand il est parti, j’aurais bien aimé le monter un peu plus longtemps.”

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Au fil des six années de vie commune et de concours, Steve Guerdat et Nino ont su s’apprivoiser.

“J’ai supplié Urs Schwarzenbach de m’aider à acheter Nino, et il n’a pas eu à le regretter. Pourtant, nos débuts ont été catastrophique! Il avait un véritable problème de confiance en lui. Il était trop respectueux et sautait bien trop en l’air. J’avais régulièrement des problèmes dans les combinaisons, caril voulait avaler les barres! C’est ce qui fait son génie, mais cela peut aussi le placer dans des situations improbables. Nous avons débuté ensemble à Amsterdam en 2011, où nous n’avons jamais réussi à sauter le premier obstacle d’une épreuve à 1,40m, par exemple! Ensuite, nous avons navigué dans une sorte de va-et-vient entre bons concours et rechutes. En septembre, alors que tout allait bien, il s’est de nouveau arrêté. Je me suis vraiment remis en question et j’ai décidé d’abandonner toute vision programmée à long terme avec lui. Et puis, tout s’est déclenché. Je crois qu’il avait besoin qu’on lui ôte un peu de pression. J’ai dû m’adapter et apprendre à le connaître. En tout cas, je savais que Nino avait le potentiel pour devenir une star, et réussir de plus grandes choses encore que Jalisca (Solier, SF, Alligator Fontaine x Jalisco B, sa première jument de cœur, ndlr).”

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Le 8 août 2012, les Jeux olympiques de Londres ont fait entrer Steve Guerdat, auteur du seul double sans-faute de la finale individuelle, dans l’histoire des sports équestres.

“Une vingtaine de couples pouvaient grimper sur le podium. Pour autant, je ne me suis pas caché en expliquant que ce serait difficile. Si j’y suis allé, c’est parce que je savais que Nino avait les capacités de gagner ce titre. On m’a souvent demandé si j’avais ressenti quelque chose de spécial ce matin-là. Je ne sais pas si ce n’est pas après coup que j’ai senti quelque chose, mais je crois que oui. Ce qui est certain, c’est que dès le réveil, j’avais la médaille en tête. Je n’ai pas envisagé l’échec une seule seconde. Nino et ma groom ont été les deux premiers à toucher ma médaille. Il a reçu énormément de cadeaux: des carottes, des fruits, des photos et des gourmandises. De toute façon, nous l’avons toujours traité comme une star à la maison. C’est aussi parce qu’il a énormément reçu qu’il nous a tant donné.”

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À la tête de l’équipe suisse depuis trois ans, Andy Kistler s’apprête à vivre le départ de l’un de ses piliers.

“Nino a l’air d’un cheval ordinaire au box, mais en piste, il explose! Il a toujours eu du mal à passer les visites vétérinaires, mais Steve ne l’aurait jamais engagé dans un concours s’il n’était pas en pleine forme. Au fil du temps, les vétérinaires ont appris à le connaître et toujours constaté qu’il était régulier et excellent. Parfois ces visites ont été stressantes, notamment aux JO de Rio (les vétérinaires ont demandé à le voir une seconde fois, ndlr), mais je savais que Nino serait accepté. Au Brésil, ils se sont battus comme des lions pour défendre leur titre. Je n’oublierai jamais le premier obstacle du barrage, Steve non plus d’ailleurs... Cette faute a tenu à deux centimètres. Cela dit, terminer quatrième, c’est déjà incroyable. Steve et Nino se ressemblent. Ce sont deux athlètes extraordinaires, deux guerriers qui se concentrent sur l’essentiel. Nino restera pour toujours le cheval de la vie de Steve.”

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°97.


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