Ne jamais regarder derrière, le leitmotiv de Thierry Dupont

Cavalier discret, presque inconnu du grand public, Thierry Dupont ne manque pas de détermination. Vainqueur à 1,45m et quatrième du récent Grand Prix Pro Élite à 1,50m de Chaintré, le Normand aurait pu ne jamais concourir à ce niveau. Victime d’un accident avec un jeune cheval, il est passé par une convalescence incertaine. Désormais, rien ne semble décourager le cavalier, qui aime construire et ne regarde jamais en arrière. Portrait.



Thierry Dupont est de ces cavaliers dont l’histoire avec les chevaux a commencé par un coup de foudre, un regard. “Je devais avoir onze ans. Nous allions chercher du crottin avec mon père pour le jardin de ma mère. J’ai vu les chevaux du centre équestre où nous récupérions le fumier et j’ai eu envie de monter à cheval.” Deux ans après ses débuts, Thierry Dupont rejoint les écuries d’un écuyer retraité du Cadre noir de Saumur. “J’ai appris beaucoup là-bas. Même si nous sortions peu en compétition, nous pratiquions beaucoup le concours complet.” Dans l’Orne, où il vit, il devient plus tard employé d’une exploitation agricole avant de prendre la décision de voler de ses propres ailes. 

 Après de multiples tentatives pour fonder sa propre exploitation et avoir délaissé un petit peu les chevaux, il revient à l’équitation grâce à son ancienne compagne, monitrice, et “apprend en faisant”, comme il le dit lui-même. Vient alors le temps de la première installation et de la mise en œuvre de moyens pour y parvenir. Le Normand se lance alors dans le débourrage et l’entraînement de jeunes Pur-sang “La formation, c’était mon gagne-pain. Honnêtement, cela m’a permis d’acquérir ma première écurie. Je n’ai jamais trop aimé cela: on débourre, on entraîne. Ce qui me plaisait en fin de compte, c’étaient toutes les différentes techniques que l’on pouvait employer pour gagner la confiance du cheval.” 

 Thierry compte aussi sur le soutien de ses proches, notamment celui de ses amis qui lui confient des chevaux avec lesquels il reprend la compétition. C’est à ce moment que commence véritablement sa carrière équestre, peu après ses vingt-cinq ans. À trente ans, il achète son premier cheval, alors âgé de quatre ans, et peut finalement devenir propriétaire de la ferme qu’il louait. Les embûches qui pouvaient barrer sa route s’écartent progressivement.



“Peut-être suis-je allé un peu vite ce matin-là…”

Après avoir vendu son écurie dans l’Orne, le cavalier ouvre une nouvelle structure dans le Calvados. Les choses s’enchaînent, les affaires fonctionnent. Hélas, un grain de sable va enrayer cette machine bien rodée. “J’ai toujours monté des chevaux compliqués, des entiers… Il m’était déjà arrivé de me retourner avec un cheval. Celui-là était très spécial. Peut-être suis-je allé un peu vite ce matin-là…” Le cavalier n’en est pas à son premier rodéo, mais il sent à ce moment que la situation peut devenir dangereuse. “Il s’est cabré tellement haut que je me suis dit qu’il allait me retomber dessus. Je n’avais jamais sauté d’un cheval, mais là, je l’ai fait. Je suis tombé sur le sol alors qu’il était encore debout… et il m’est retombé dessus.” Comme il le dit lui-même, sa jambe craque comme une branche. “Un chirurgien m’a dit que je pourrais remonter à cheval trois mois plus tard.” Las, les trois mois de convalescence se transforment en deux ans avec onze opérations au total, un staphylocoque et une amputation envisagée… Hospitalisé en Belgique, Thierry Dupont se prépare à la perte possible de sa jambe. “Dans cet hôpital, j’ai vu tellement de gens souffrir avec des pathologies plus graves que la mienne que je m’étais préparé à cela.” 

 Pour autant, la détermination de fer du cavalier n’est pas entamée. Grâce à un professeur de l’hôpital universitaire de Louvain, sa jambe est sauvée. Sa volonté de se remettre en selle est intacte. “J’ai pensé plein de fois au moment où j’allais remonter à cheval. Quand j’ai enfin pu le faire, je n’avais pas peur. Et je me suis toujours dit que le jour où je ressentirais de la peur à cheval, j’arrêterais.” À sa remise au travail, le cavalier peut compter sur l’un de ses fidèles propriétaires, Émile Boulay, qui lui confie ses chevaux, dont Laslo de Falère (SF, Boléro de Brécey x Galoubet A), un “petit crack qui m’a remis le pied à l’étrier.” Son ancienne compagne lui présente un autre cheval qui va aider Thierry à se relancer dans la compétition.



La rencontre avec Adéquat et Gravity

Toujours repartir sur du neuf, ne jamais regarder en arrière. Thierry Dupont avance selon ce fil rouge. Son chemin se pave de nouveaux objectifs et de nouvelles rencontres. Gravity LCH (KWPN, Andiamo x Cardento) et Adéquat des Coteaux (SF, Tinka’s Boy x Royal Feu) font parties de ces belles rencontres. “Un ami qui aménage des carrières m’avait indiqué d’aller voir Charles Goosse, près de Reims. J’ai essayé presque toute son écurie. Adéquat n’était pas vraiment dressé, il n’avait pas disputé beaucoup d’épreuves avec lui. Il est caractériel, montre beaucoup de tempérament, mais il est doué pour sauter. Je ne lui ai jamais enseigné cela. Pour moi, les meilleurs chevaux savent déjà sauter, on leur apprend surtout à être plus sereins. Cependant, quand j’ai sauté mes premiers parcours avec lui, je me suis dit : ‘Mais qu’est-ce que j’ai acheté!’ (rires). J’ai presque failli abandonner, mais il a un côté tellement attachant que je suis toujours revenu vers lui.”  

Avec Gravity LCH, ce fut plus compliqué. Acheté à David Aïssa, installé à Ouistreham, et venu d’Irlande, le KWPN de dix ans avait déjà concouru à six ans mais se montrait très stressé. La confiance a été longue à se construire avec le hongre. “Il avait des moyens dont il n’était peut-être lui-même pas conscient. Il peut tout sauter. Sa défense était la fuite. Quand il avait peur, il fuyait, ce qui rendait le contrôle très compliqué. Il précipitait toujours un petit peu ses parcours. Il m’a fallu presque un an pour lui caresser le flanc, lui caresser la tête... C’est venu très progressivement, de mois en mois.”  

Avec ses deux chevaux de tête, en qui il croit dur comme fer, Thierry Dupont a réussi une belle année 2020. “Je n’avais pas vraiment d’objectif au départ (rires). Adéquat avait commencé à montrer de belles choses l’an dernier. Je ne le voyais pas trop passer le cap cet hiver et au début de la saison, il s’est réellement enclenché.” Avec Gravity, le quinquagénaire a remporté une épreuve Pro 1 à 1,45m et obtenu la quatrième place du Grand Prix Pro Élite à 1,50m lors de l’étape du Grand National de Chaintré, voici quelques jours. Aujourd’hui, il aimerait intégrer pleinement la série fédérale, à travers une écurie – “je trouve que c’est un très bon circuit” – et acquérir de nouveau chevaux pour épauler Gravity et Adéquat.  Une exploitation agricole, trois écuries différentes, l’entraînement de jeunes chevaux, la valorisation... Thierry Dupont n’a pas qu’une seule corde à son arc et a toujours vécu à “deux cents à l’heure”, comme il le dit lui-même. Aujourd’hui, après avoir partagé son temps entre sa structure de Saint-Désir et le haras de la Pommeraye à Auquainville, propriété de sa compagne, Francesca Coin. “Après avoir passé mon temps sur cinquante hectares en tout, j’ai décidé de vendre mon écurie et de ne plus m’occuper que du haras de ma compagne, qui compte six hectares. Je prends le temps, j’ai posé mes valises. Le matin, je m’occupe de mes chevaux, je prends beaucoup plus le temps avec eux et l’après-midi, je m’occupe d’un nouveau projet immobilier.” Profiter de la vie et prendre son temps à cheval, n’est-ce pas le rêve de tout cavalier?