Bandit Savoie, pur produit haut-savoyard dont l’avènement n’a rien d’un hold-up

Samedi 13 mars, Bandit Savoie a permis à l’Égyptien Abdel Saïd de s’imposer dans le Grand Prix CSI 5* de Wellington, s’offrant le luxe de devancer les très redoutables Daniel Deusser et Killer Queen VDM. Pourtant, le petit alezan brûlé de dix ans n’a pas toujours fait l’unanimité dans ses jeunes années, lors desquelles Camille Branchard a été son formateur. Passé par les écuries du numéro un mondial Steve Guerdat, où il a été monté par son épouse Fanny Skalli, le fils de Qlassic Bois Margot pourrait bien s’envoler pour Tokyo cet été à l’occasion des Jeux olympiques. Portrait d’un Bandit dont l’avènement n’a rien d’un hold-up. 



Il a suffi d’un presque rien, d’un souffle, d’un centième de seconde. Bandit Savoie est entré dans la lumière samedi soir en s’imposant dans le Grand Prix CSI 5* de Wellington. Il s’agissait là de la deuxième fois qu’il prenait part à une épreuve d’une telle envergure. Sous la selle d’Abdel Saïd, le volontaire alezan brûlé a damné le pion à une concurrente de taille, Killer Queen VDM, lauréate de trois Grands Prix CSI 5* en une saison à haut niveau avec l’Allemand Daniel Deusser. Tout laisse à penser que le meilleur est encore à venir pour ce hongre né chez Maurice Moine, à Chavanod, à une dizaine de kilomètres du lac d’Annecy. Associé depuis moins de six mois à ce Bandit, l’Égyptien Abdel Saïd a en tout cas de grands espoirs en son protégé, qui a récemment été propulsé sur le devant de la scène. “J’ai vendu mes deux principaux chevaux de Grand Prix plus tôt cette année à l’occasion de ce circuit, Il a donc pris de l’importance au sein de mon écurie”, a notamment lâché le jeune trentenaire après sa victoire. 

Samedi, l’Égyptien a même évoqué une éventuelle participation aux Jeux olympiques de Tokyo avec ce pur produit savoyard. “Lorsque mes deux meilleurs chevaux ont été vendus, j'ai ressenti la pression des Jeux olympiques et je me suis demandé je pourrai y aller ou non. […] Je suis juste content d'avoir un cheval qui pourrait me permettre d’y participer. Évidemment, il s’agit d’un très, très haut niveau et les Jeux olympiques vont arriver vite, donc nous verrons où nous en sommes”, a expliqué Abdel Saïd. 

“[Bandit] est un petit cheval fougueux”, a aussi exprimé celui qui est connu pour avoir remporté la Coupe du monde Longines de Vérone en 2016 avec la généreuse Hope van Scherpen Donder. “J'adore le feu qu'il a en lui. Cela nous a amené à fauter lors des derniers concours car je ne le connaissais pas vraiment”, admet-il. 



“Rien de tel qu’un cheval pour nous faire mentir !”, Camille Blanchard

À six ans, Bandit Savoie a pris part aux championnats du monde des Jeunes Chevaux de Lanaken avec Camille Blanchard.

À six ans, Bandit Savoie a pris part aux championnats du monde des Jeunes Chevaux de Lanaken avec Camille Blanchard.

© Sportfot

Bandit Savoie est le fruit du croisement entre Qlassic Bois Margot, médaillé d’argent par équipes aux Jeux équestres mondiaux de Normandie en 2014 avec Simon Delestre, et Falmera Savoie. Fille d’Alcamera de Moyon et d’une mère Pur Sang, celle-ci compte dix produits enregistrés, dont Alcamera Savoie, un propre frère de Bandit qui concourt en Amateurs. 

Aussi loufoque que cela puisse paraître, le destin de Bandit Savoie s’est accéléré en 2014, au détour d’un bar-restaurant, où se sont rencontrés par hasard son éleveur Maurice Moine et Camille Branchard. “Je l'ai acheté à trois ans après avoir rencontré Maurice Moine dans un bar-restaurant. Il m’a présenté Bandit, qui n’était alors pas débourré mais qui montrait des prédispositions intéressantes en liberté”, raconte Camile Branchard. “Il a suivi un circuit normal en prenant part aux finales du championnat de France des Jeunes Chevaux à quatre et cinq ans. Dans sa sixième année, il a commencé à bien se mettre en place et a remporté le CIR de Cluny. Il était en tête du championnat national le premier jour à Fontainebleau, mais nous avons un peu craqué dans la finale. Il a finalement conclu ce championnat à la dix-neuvième place”, se souvient le co-gérant des écuries du Manoir, situées à une quarantaine de kilomètres de l’élevage de Savoie. 

“Par la suite, j’ai voulu l’emmener au championnat du monde des Jeunes Chevaux de Lanaken, pour que lui et moi prenions de l’expérience, car je n’y étais jamais allé. Le premier jour, nous nous classons onzièmes avant de faire une faute le second. Nous avons finalement terminé à la septième place de la petite finale”, se remémore le cavalier

À cette période, Camille Blanchard a besoin de vendre Bandit Savoie et se met à la recherche de potentiels investisseurs. Malgré les bons résultats et les qualités de son hongre, l’alezan brûlé ne trouve pas preneur. La cause ? Sa petite taille, qui garde les acheteurs à distance. “Bandit montrait toutes les aptitudes d’un bon cheval de concours. Comme l’a déjà dit Abdel, c’est un cheval qui irait au feu. Lorsqu’il était jeune, il était néanmoins difficile de déterminer s’il disposait de moyens suffisant pour concourir en CSI 5* car il ne mesure qu’1,64m. Lorsque je voulais le vendre, on m’a souvent répété « c’est un petit cheval, il ne passera pas le cap car il n’a pas de moyens ». Malgré ses résultats et le fait qu’il était le troisième meilleur cheval par les gains, j’ai eu du mal à le vendre. Que ce soit aux finales et de Fontainebleau ou Lanaken, personne n’est venu me le demander. J’allais voir des gens pour leur présenter, mais sa taille les freinait systématiquement. Depuis, j’ai reçu quelques messages de personnes qui l’ont laissé passer et qui regrettent. Rien de tel qu’un cheval pour nous faire mentir !”, relate celui qui se concentre particulièrement sur le coaching et la valorisation de jeunes chevaux

 

“J’ai finalement fait affaires avec Juan Ramos, qui vend beaucoup de chevaux au Mexique. C’est ainsi que Bandit est parti chez la famille Pasquel, qui en a fait le vice-champion des sept ans du Mexique. À l’époque, la famille Pasquel confiait Alamo à Steve Guerdat (le hongre a depuis été acheté par le footballeur professionnel Sergio Ramos pour Sergio Àlvarez Moya, ndlr). Il a vu Bandit à Calgary et l’a bien aimé, donc il l’a ramené en Suisse. J’ai toujours été en relation avec Steve, Fanny et Abdel, qui m’ont donné ou me donnent de ses nouvelles. Fanny le mettait beaucoup en valeur sur les réseaux sociaux, c’était sympa”, se rappelle Camille Branchard, dont le chemin parcouru avec le hongre lui sert encore aujourd’hui. “Il m’a apporté une reconnaissance sur le continent américain. Les gens savent que ce cheval a été le mien et cela m’a permis d’en vendre d’autres outre-Atlantique. Par exemple, j’ai récemment vendu Diana de Grée avec la famille Saclier (ce que Lalie Saclier a évoqué dans une entretien réalisé vendredi, ndlr). Bandit est le meilleur cheval dont j’ai été le propriétaire, mais j’ai connu d’autres chevaux d’exception car j’ai eu la chance de côtoyer Prime Time (des Vagues, ndlr) lorsque j’ai travaillé chez Alexandre Fontanelle, ou bien Myself de Brève lors de mon passage aux États-Unis. Bandit ressemble d’ailleurs un peu à cette dernière. Ce sont de petits chevaux qui ne paient pas de mine mais qui font leurs preuves”, reconnait-ilAlors qu’il collabore toujours avec Maurice Moine, pour lequel Bandit Savoie est “l’aboutissement dans la carrière d’un éleveur”, Camille Blanchard se souvient d’un “cheval agréable” et qui savait s’économiser. “Il se reposait énormément et dormait beaucoup au box. En revanche, lorsqu’il en sortait, il se transformait en lion !”, se remémore-t-il.

Ici au CSI 3* d'Aix-la-Chapelle, Bandit Savoie à concouru à quelques reprises avec le numéro un mondial Steve Guerdat. © Sportfot

 



“On ne peut qu'aimer Bandit !”, Fanny Skalli

Pendant plus d'un an, la Française Fanny Skalli a été la cavalière de ce “poney volant”.

Pendant plus d'un an, la Française Fanny Skalli a été la cavalière de ce “poney volant”.

© Sportfot

Après avoir concouru sous couleurs espagnoles avec Pedro Antonio Mateos Bernaldez, Bandit Savoie a donc rejoint Elgg, le village suisse où est installé Steve Guerdat, qui l'a monté quelques fois en concours. Dans les verdoyantes installations, il y croise l’épouse du numéro un mondial, Fanny Skalli, qui devient alors sa cavalière attitrée. “J’ai eu la chance de le monter car il appartenait à l’époque au propriétaire de Steve, Gerardo Pasquel Mendez. Steve l’avait monté à Calgary en 2019 et l’avait trouvé génial. Son propriétaire le trouvait trop petit, donc il nous l’a confié. Bandit était à vendre et je l’ai monté pendant presque un an et demi. Lorsqu’il est arrivé chez nous à Elgg, j’ai craqué sur lui dès que nous avons franchi le premier obstacle à quarante centimètres. De là à dire qu’il pouvait remporter un Grand Prix CSI 5*… Je ne le savais pas à l’époque car je n’ai jamais monté de chevaux de ce niveau. Vis à vis de ses qualités, j’étais toutefois persuadée qu’il réussirait facilement dans des épreuves à 1,50m. Ce qui lui arrive aujourd’hui est fabuleux, ce cheval est un petit crack et il l’a prouvé en remportant ce Grand Prix CSI 5* ! Au-delà de cela, il dispose de plein de qualités. C’est un petit poney volant ! Il a beau être petit par la taille, Bandit est un grand cheval et il l’a prouvé samedi passé”, s’enthousiasme la Française.

“Bandit était toutefois assez difficile dans son attitude car il a un équilibre un peu en avant et beaucoup de force. Compte tenu de sa petite taille, on peut penser qu’il est facile à monter, mais ce n’est pas vraiment le cas. Il a tellement de force et de moyens qu’il faut le monter comme un grand cheval. Je l’appelais même “Mon petit taureau !” Ce n’est pas le cheval de tout le monde, car il tire beaucoup. D’ailleurs, Abdel a eu un peu de mal à trouver l’embouchure qui lui convenait. Parfois j’étais contente que le parcours se termine car il a énormément de force (rires). Sa foulée et son énergie sont immenses, c’est aussi ce qui le rend si bon”, ajoute-t-ellePendant les quelques mois qu’ils ont partagé, l’amazone et Bandit Savoie ont notamment pris la sixième place d’un Grand Prix CSI 2*, en février 2020 à Oliva, ainsi que la dixième place d’une épreuve du même niveau à Grimaud, en juillet dernier. “Au fil des mois, j’ai essayé de faire couple avec lui. Lorsque l’on arrive à le comprendre sans le mettre dans un moule, je pense que Bandit peut énormément donner”, ajoute celle qui devrait donner naissance à son premier enfant la semaine prochaine. 

“Aux écuries, c’est le cheval le plus gentil du monde, on dirait un poney ! On peut le tondre en liberté, il adore les câlins… C’est le cheval dont tout le monde rêve !”, assure la Sudiste. “J’ai eu beaucoup de peine lorsqu’il est parti car je suis très attachée aux chevaux que je monte, même s’ils ne m’appartiennent pas. À Grimaud, je me souviens l’avoir vu avec la groom d’Abdel et cette dernière m’a dit qu’il était son préféré. On ne peut pas ne pas l’aimer ! Même mon cheval qui n’est pas très sociable avec ses congénères aimait Bandit”, assure-t-elle, avant de conclure. “Cela fait vraiment plaisir de le voir en arriver ici après l’avoir monté tous les jours pendant plusieurs mois. C’est très gratifiant et je suis heureuse pour ce cheval, car s’il évolue si bien, c’est parce qu’il doit être heureux dans cette nouvelle écurie.”  

Fanny Skalli est ici avec Bandit Savoie à l'Hubside Jumping de Grimaud. ©Sportfot


Ci-dessous, le sans-faute de Fanny Skalli et Bandit Savoie dans le Grand Prix CSI 2* de Grimaud en juillet 2020.