“Difficile de prédire ce qui peut se passer demain”, Donatien Schauly

La nuit dernière s’est achevé le test de dressage du concours complet olympique de Tokyo. Comme on pouvait s’y attendre, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont pris la tête des opérations. De son côté, la France, privée de ses locomotives au dressage qu’auraient dû être les convalescents Qing du Briot*IFCE et Birmane, partenaires du lieutenant-colonel Thibaut Vallette et de Thomas Carlile, n’est “que” neuvième, mais pointe à moins de dix points du podium, grâce à trois reprises sérieuses de Christopher Six, Nicolas Touzaint et Karim Laghouag, en selle sur Totem de Brécey, Absolut Gold*HDC et Triton Fontaine. Avant le cross, qui débute à 0h45 la nuit prochaine, l’adjudant-chef Donatien Schauly, qui avait vécu les JO de Londres en 2012, et notamment glané le bronze par équipes aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, en 2018, livre son analyse sur ce premier test.



Un nouveau texte convainquant

Franchement, le nouveau texte raccourci, adopté par la Fédération équestre internationale, nous a permis de vivre un beau test de dressage. On passe vite d’un couple à l’autre et on n’a pas le temps de s’ennuyer. En général, même nous, cavaliers, ne regardons que les reprises des meilleurs couples. Dans l’ancien texte, il y avait des longueurs. Tout était très symétrique et nous pouvions profiter des petits côtés pour souffler et nous réorganiser. Là, cela ressemble vraiment à du dressage pur. C’est dynamique: on enchaîne les exercices sans pause et dans un ordre pas forcément logique de prime abord. Il faut connaître parfaitement son texte et on utilise tout le rectangle, ce qui demande des chevaux encore mieux dressés. Et cela rend les reprises très agréables à regarder.



Les grands favoris britanniques et allemands au rendez-vous

La Grande-Bretagne et l’Allemagne, nations les plus fortes sur le papier, ont répondu présent dès le dressage. L’Allemagne espérait sûrement virer en tête avec une marge plus épaisse, mais la reprise de Sandra Auffarth et Viamant du Matz a été marquée par des fautes (34,1 points), qui ont été sanctionnées. L’attitude du cheval était peut-être un tout petit peu trop fermée. Beaucoup de chevaux ont manifesté une certaine émotion dans cette grande arène, même sans public. De plus, le rectangle a été très élégamment décoré, ce qui est chouette à regarder mais qui peut perturber un peu les chevaux. Et puis, la pression de l’événement pèse aussi sur les épaules des cavaliers. Il faut féliciter Oliver Townend, qui est passé au tout début de la première session avec Ballaghmor Class (23,6) et qui a gardé la tête presque jusqu’au bout, et qui n’a été battu que par Michael Jung et Chipmunk FRH (21,1).



Quelques belles surprises

Nous avons vu quelques belles et très belles reprises de la part de couples que l’on attendait pas forcément à ce niveau, notamment parmi les nations émergentes. Il y a parfois de petites fautes qui peuvent encore être gommés, mais c’est excellent pour l’avenir de notre sport. Les Japonais, qui avaient fini quatrièmes des JEM de Tryon, ont été particulièrement performants et dans l’esprit du dressage avec équilibre, fluidité et mouvement en avant. Laurent Bousquet a eu dû du mal à réunir ses troupes en raison des restrictions sanitaires, mais chacun de ses cavaliers s’est préparé dans un cadre idéal. Et cela paie.



La France neuvième, mais toujours dans le coup

Collectivement, on espérait forcément voir la France boucler ce premier test à une place un peu plus avantageuse que la neuvième. Pour autant, les écarts sont très serrés entre les quatre et neuvième places. Christopher Six a livré une belle prestation avec Totem de Brécey. D’une manière générale, le jury a valorisé la justesse technique, mais aussi les chevaux montrant de la souplesse, de la propulsion et un dos élastique. Cela correspond très bien au profil de Totem, mais on a parfois vu quelques petites résistances et un manque de fluidité entre les figures qui ont pu pénaliser Christopher. Les juges sont à l’affût du moindre coup de tête, d’une oreille qui baisse, d’une nuque qui bascule. C’est dommage, mais Christopher est tout de même treizième (29,6) et garde ses chances. Nicolas et Karim ont eux aussi présenté des reprises bien montées avec Absolut Gold*HDC et Triton Fontaine, mais leurs chevaux n’ont pas les mêmes prédispositions. Ils ne sont pas montés sur ressorts, ce qui change tout visuellement. On peut trouver que Nico a été noté un peu sévèrement, mais les juges attendent du rebond. De plus, il a été un peu pénalisé par ses changement de pied, qui occupent une place importante dans le protocole. Quant à Karim, j’ai trouvé qu’il avait tiré et présenté le meilleur de son cheval. Son travail au trot a été remarquable de précision. Triton a conservé une nuque très fixe.

On le sait, Qing du Briot*IFCE et Birmane, partenaires du lieutenant-colonel Thibaut Vallette et de Thomas Carlile, qui ont dû déclarer forfait pour raisons vétérinaires, ont un plus grand potentiel au dressage, mais la France reste dans le coup et peut compter sur trois couples brillants et expérimentés au cross. Ils n’ont plus grand-chose à perdre, donc ils vont sûrement tout donner pour rentrer dans les temps. Pour gagner des places, il faut attaquer. C’est risqué, mais toutes les nations vont courir sans filet vu que tous les scores comptent.



Une plongée dans l’inconnu

De ce fait, et compte tenu de tous les autres facteurs liés aux conditions de compétition à Tokyo, parcours, chaleur, humidité, etc., il est difficile de prédire ce qui peut se passer demain. Il faudra enchaîner beaucoup de sauts sur une distance raccourcie, avec pas mal d’obstacles directionnels, des obstacles frangibles qui pénalisent les couples de onze points lorsqu’ils basculent. Le temps imparti risque de ne pas être si facile à tenir. C’est tant mieux d’ailleurs, pour la beauté du sport et l’esprit du complet. Beaucoup de choses peuvent arriver, y compris aux meilleurs. Ce sera une sacrée journée pour eux, et une sacrée nuit pour nous!

Toutes les épreuves des trois disciplines équestres seront diffusées en direct et en rediffusion sur le site internet de France Télévisions.
Certaines épreuves commentées seront également disponibles sur la chaîne télévisée et le site internet d’Eurosport.