“C’est un peu dur, je ne m’en suis pas encore vraiment remis, mais la vie continue”, Mathieu Billot
Lors de sa toute première expérience olympique à Tokyo, dont il est revenu il y a une poignée de jours, Mathieu Billot est passé du chaud au froid en quelques jours, ce qui l’a bien sûr marqué. Tout juste sélectionné pour les Européens Longines de Riesenbeck, de nouveau avec Quel Filou 13, le Deauvillais se prépare à affronter son troisième grand championnat avec détermination. Rencontré au bord du paddock du Longines Deauville Classic, Mathieu Billot est revenu sur son expérience olympique, a évoqué la préparation de son voyage en terres allemandes, ainsi que la relève de son surpuissant gris… dont une certaine Fulldollar de Raygade, qu’il imagine déjà sur la piste versaillaise des Jeux olympiques de Paris 2024 !
Une semaine après votre première expérience olympique, comment vous et Quel Filou 13 vous sentez-vous ?
Nous sommes bien rentrés. Mon cheval est en pleine forme et moi aussi. Nous avons appris beaucoup et engrangé énormément d’expérience. Je suis très content d’être rentré.
À Tokyo, vous êtes passés par toutes les émotions avec une qualificative individuelle manquée, la perspective de l’or par équipes, puis l’élimination. Comment avez-vous digéré ces montagnes russes ?
En ce qui concerne l’individuel, mon cheval était trop frais, je me suis fait avoir un peu bêtement. L’épreuve se déroulait en nocturne et il faut savoir qu’il y avait deux paddocks. Je suis retourné sauter dans l’un des deux juste avant mon passage et Quel Filou a cru qu’il entrait en piste, ce qui l’a vraiment tendu. Après, ça n’allait plus du tout (le gris a refusé de sauter le vertical n°10, ce qui a également coûté des points de dépassement de temps au couple et la qualification pour la finale individuelle, ndlr). Par la suite, il était de mieux en mieux au fil des parcours. Il a vraiment bien sauté dans les épreuves par équipes. Il a été très bien dans la première manche (conclue avec neuf points, ndlr) et vraiment au point dans la seconde (dans laquelle il a écopé d’un seul point de temps dépassé, ndlr). Nous avions de l’avance, donc nous avons cru à la médaille, mais nous avons connu un drame (l’élimination de Pénélope Leprevost et Vancouver de Lanlore, derniers à s’élancer pour la France, ndlr). C’est un peu dur, je ne m’en suis pas encore vraiment remis, mais la vie continue. C’est ainsi, nous sommes maintenant à Deauville et il faut reprendre là où nous nous sommes arrêtés.
Bien que perturbée par la pandémie de Covid-19, qu’avez-vous pensé de toute l’ambiance olympique ?
Le village olympique était vraiment impressionnant, rempli d’athlètes. C’était super et il est impossible de se l’imaginer sans le vivre. Nous avions une super équipe, tout le monde s’entendait vraiment bien. Ces quinze jours ont été très agréables, chacun a donné le maximum. Malheureusement, le cheval de Nicolas Delmotte a connu une crise de coliques, mais Nico est resté de marbre et nous a soutenus. Tout le monde s’est donné à cent pour cent et nous ne sommes pas passés loin. Aucun cavalier ne peut s’en vouloir, chacun a donné le maximum. Au dernier moment, ça n’est pas passé, mais personne n’y peut rien.
Le nouveau format olympique a été très commenté et critiqué. Qu’en avez-vous pensé ?
Il y a du bon et du moins bon. Par exemple, je trouve très bien le fait de changer l’ordre de passage pour que les nations les mieux placées passent en dernier lors de l’ultime rotation de la finale par équipes. Le fait que le championnat individuel se déroule avant la compétition par équipes n’est en revanche pas une bonne chose. En ce qui concerne le fait de repartir à zéro, pourquoi pas, je ne trouve pas cela si mal, c’est comme à Barcelone pour la finale de la Coupe des nations. Enfin, le fait que les équipes aient été réduites à trois cavaliers est peut-être plus compréhensible pour les non-initiés, mais cela rend les choses trop dures pour les chevaux.
Beaucoup ont en effet souligné que l’absence de score effacé pouvait mettre en danger le bien-être des chevaux, étant donné que leurs cavaliers se sentaient contraints de conclure leur parcours coute que coute…
Pour les chevaux, c’est en effet très dur. Les Jeux se sont déroulés en nocturne et les parcours étaient vraiment massifs. Certains chevaux pouvaient se reculer énormément, ce qui rendait alors les choses vraiment délicates. Shane Sweetnam (qui a chuté avec son cheval Alejandro à la réception d’un oxer, le gris ayant réalisé plusieurs sauts absolument démesurés, ndlr) est un super cavalier. Il a déjà participé à de très nombreux championnats, et en 2017 à Göteborg, il faisait partie de l’équipe championne d’Europe. Plein de chevaux ont été émus par la piste. Il faut aussi souligner que certains chevaux ont débuté la compétition avec la qualificative par équipes, sans avoir pris part à la compétition individuelle. C’est le cas de Shane Sweetnam, dont le cheval était terrorisé. Certains ont eu vraiment peur des obstacles très imposants et regardants, particulièrement dans un contexte d’épreuve en nocturne. Le retour d’un drop score est pour moi absolument indispensable.
“Nous avons failli gagner aux Jeux olympiques, je ne vois pas pourquoi nous n’essayerions pas aux championnats d’Europe”
À peine rentré des Jeux olympiques, vous venez d’être sélectionné pour les championnats d’Europe Longines de Riesenbeck, auxquels vous participerez à nouveau avec Quel Filou 13 début septembre. Une participation à ce championnat continental avait-elle été envisagée en amont ?
Non, ce n’était pas prévu, mais il se trouve que mon cheval est rentré en pleine forme. Il va vraiment bien et on m’a appelé pour me demander si je voulais y participer. Quel Filou aura trois week-end de repos avant de recommencer, ce qui est parfait. Il est prêt, donc j’ai accepté cette sélection.
Comment comptez-vous préparer Quel Filou 13 entre ces deux échéances ?
Un stage avec l’équipe de France est prévu donc il sautera là-bas pendant deux jours. Il ne refera pas de concours car il est prêt. Les championnats se dérouleront sur herbe, le type de terrain sur lequel il est le mieux. Nous avons une bonne équipe et tout pour réussir. Quel Filou a quinze ans, il est en pleine forme et endurci. Il ne fera pas encore des tonnes de championnats. Peut-être l’année prochaine si tout va bien, mais ensuite, ce sera fini. Il est vraiment en pleine forme et n’a pas du tout maigri. Il est parfait, donc j’y retourne !
La France semble envoyer une équipe relativement forte comparé à d’autres nations qui misent sur des cavaliers et chevaux moins expérimentés. Comment abordez-vous la compétition ?
Je ne crois pas que la France envoie son équipe première, car sinon il y aurait notre pilier Nicolas Delmotte. Nous nous passons du meilleur couple français. Il n’y aura pas non plus Simon Delestre, qui a réalisé une démonstration aux Jeux olympiques (son cheval Berlux Z a été vendu et sera désormais monté par un(e) élève de l’Irlandais Cian O’Connor, ndlr). Des nouveaux vont être testés, comme Olivier Robert et Grégory Cottard, dont il s’agira du premier championnat (respectivement avec Vivaldi des Meneaux et Bibici, ndlr). Kevin Staut et Pénélope Leprevost emmèneront tous deux des chevaux qui n’ont encore jamais couru de championnats (Visconti du Telman et Excalibur de la Tour Vidal, ndlr). Il y aura donc des cavaliers d’expérience, des chevaux forts, mais les piliers Simon et Nicolas ne seront pas là. C’est tout de même une bonne équipe et nous y allons pour une médaille. Nous nous battrons pour ! Nous avons failli gagner aux Jeux olympiques, je ne vois pas pourquoi nous n’essayerions pas aux championnats d’Europe (rires) !
Comme vous le disiez, Quel Filou 13 a maintenant quinze ans. Quels chevaux pourront selon vous prendre la succession en équipe de France ?
J’ai quelques chevaux qui arrivent, dont Lord de Muze, qui a couru trois CSI 5* cette année à dix ans. Il était classé dans le Grand Prix CSIO 5* de Rome (huitième avec un barrage à quatre points pour son troisième Grand Prix à ce niveau, ndlr) qui était énorme. Il était également classé dans le Grand Prix CSIO 5* de La Baule (onzième avec une faute lors du parcours initial, ndlr) et treizième à Dinard. J’ai aussi Bad Boy du Bobois, qui manque encore un peu d’expérience. Je compte également sur une jument de huit ans, Darling (de l’Angevine, par Air Jordan et avec une mère par Clinton), qui saute très bien et en qui je fonde beaucoup d’espoirs. Il y a aussi une crack, qui est je pense la meilleure que j’ai jamais monté de ma vie. Elle s’appelle Fulldollar de Raygade, et appartient à Marie-Claude Segonzac et Serge Batailler. Elle aura neuf ans pour Paris 2024, mais elle sera prête !
Quelles sont les qualités premières de Fulldollar de Raygade, fille d’El Torreo de Muze avec une mère par Dollar du Murier ?
Elle a tout, c’est une crack ! Elle a pris part à trois Grands Prix à Vilamoura et a été à chaque fois sans faute. Elle ne fait jamais d’erreurs, n’a peur de rien, dispose de tous les moyens nécessaires, est respectueuse, moderne, rapide… C’est la jument rêvée ! Ses propriétaires l’ont fait naître et elle est arrivée chez moi en début d’année, à six ans. Ils l’ont débourrée et ont pris le temps. Elle n’a pas sauté à quatre ans, a fait quelques petits parcours à cinq ans. Elle n’a pas encore beaucoup de parcours au compteur mais n’a presque jamais touché une barre. C’est une véritable jument d’avenir pour les championnats. Et je suis sûr de pouvoir la garder !