“Ce qui m’arrive est absolument surréaliste !”, Ioli Mytilineou

Depuis le début des championnats d’Europe Longines de Riesenbeck, Ioli Mytilineou et son incroyable Levis de Muze crèvent littéralement l’écran. Après une entrée en matière modeste, la Grecque et son fils d’Elvis Ter Putte ont signé des parcours remarquables de facilité dans les deux manches de la compétition par équipes, qu’ils disputent en individuel, la Grèce n’ayant pas d’équipe. L’amazone de vingt-quatre ans, qui remportait avec La Perla vd Heffinck son tout premier Grand Prix CSI 3* à l’occasion du Longines Deauville Classic mi-août, figure au quatrième rang avant la finale individuelle, qui sacrera demain le nouveau champion d’Europe au terme de deux manches. Après n’avoir participé qu’à cinq CSI labellisés 5* dans toute sa courte carrière, la discrète jeune femme au sourire impeccable et à l’enthousiasme communicatif fait une entrée remarquée dans le très grand bain. À l’issue de son parcours hier, lors duquel elle a fait montre de son équitation épurée, Ioli Mytilineou s’est livrée avec passion. 



Avec 2,33 de retard sur la tête du championnat individuel tenue par Martin Fuchs et Leone Jeu, Ioli Mytilineou figure en bonne place pour réaliser une performance dimanche.

Avec 2,33 de retard sur la tête du championnat individuel tenue par Martin Fuchs et Leone Jeu, Ioli Mytilineou figure en bonne place pour réaliser une performance dimanche.

© Scoopdyga

Comment vous sentez-vous après votre sans-faute, qui vous ouvre grand les portes de la finale ? 

Honnêtement, je n’ai pas les mots, c’est incroyable. Je suis bien sûr venue ici avec l’espoir d’aligner les parcours sans faute. Mais, avant d’y parvenir, cela reste un doux rêve. Je suis si heureuse d’avoir réussi à sortir de piste sans pénalité et à me qualifier pour la finale individuelle. Levis mérite tellement d’être ici. En venant ici, je voulais montrer à tout le monde à quel point il est exceptionnel. Les gens le connaissent depuis longtemps, mais c’est différent d’être ici et de démontrer de telles choses. 

Quel est votre parcours de cavalière jusqu’à ces Européens ? 

J’ai grandi et commencé à monter en Grèce, où je suis restée jusqu’à mes dix-neuf ans. J’ai ensuite déménagé en Belgique afin de poursuivre de façon un peu professionnelle. En Grèce, il fait un peu trop chaud pour les chevaux et c’est relativement loin du grand sport. J’ai été notamment été entrainée par Abdel Saïd pendant environ un an. Ma famille a ensuite décidé de faire l’acquisition de ses propres installations en Belgique et c’est à ce moment que j’ai commencé à être coachée par Sean Crooks, avec qui je collabore depuis environ trois ans. J’ai fait ce choix car il n’est pas cavalier lui-même, ce qui lui permet d’être très disponible pour moi. C’est exactement ce que je voulais car lorsque l’on s’entraine avec un cavalier, aussi expérimenté soit-il, il est souvent extrêmement occupé. Je voulais quelqu’un qui pourrait m’accompagner un maximum et me conseiller à pied. Je crois que Sean a été à mes côtés à chacun des concours auquel j’ai participé. 

Quand avez-vous pris la décision de devenir cavalière professionnelle ? 

J’ai toujours voulu faire cela, en fait. Comme tout le monde, lorsque j’étais enfant, je me disais que je voulais participer aux Jeux olympiques. J’ai commencé à prendre cela plus au sérieux lorsque j’avais environ vingt ans. Je suis allée à l’université… mais seulement deux semaines (rires) ! Quand je suis arrivée en Belgique, le sport était si différent de la Grèce. Là-bas, on gagne une épreuve simplement en enlevant une foulée. En arrivant en Belgique j’ai fait pareil mais j’arrivais trentième donc je me suis dit que je ne devais pas être très bonne. Je me suis donc dit que je devrais mieux étudier, mais au bout de deux semaines, j’ai réalisé que ce n’était pas pour moi. J’ai commencé à étudier la psychologie à Londres, au King’s College (l’une des dix meilleures universités au monde, ndlr). C’était très intéressant, mais j’ai préféré me rendre à Oliva pour un concours. Et je ne suis jamais retournée sur les bancs de l’université ! J’ai envoyé un mail en leur signifiant que je souhaitais arrêter. 



“Je ne pourrais même pas compter le nombre d’offres que j’ai reçu pour Levis”

Âgé de dix ans, Levis de Muze fait montre d'un remarquable talent.

Âgé de dix ans, Levis de Muze fait montre d'un remarquable talent.

© Scoopdyga

Comment avez-vous trouvé Levis de Muze ? 

Je l’ai vu au Sunshine Tour alors qu’il avait sept ans, il y a trois ans. Il appartenait alors à un cavalier marocain (Youssef Salmeron, ndlr). J’ai trouvé que Levis ressemblait beaucoup à l’un de mes autres chevaux, donc je me suis simplement dit que j’allais le regarder sauter. Au fil de son parcours, j’ai pensé qu’il était plutôt sympa. J’étais alors au téléphone avec une amie donc j’ai demandé à ma maman (Anna Mytileneou, anciennement propriétaire de la géniale et regrettée Bianca, notamment médaillée de bronze aux Mondiaux avec Steve Guerdat, ndlr) d’aller se renseigner au sujet du cheval, afin de savoir s’il était à vendre. Quelqu’un qui était supposé l’essayer avait annulé l’essai, donc j’étais la première sur la liste d’attente. Je suis instantanément tombée amoureuse de lui. 

Celui-ci doit attirer de nombreuses convoitises… 

Mon dieu, je ne pourrais même pas compter le nombre d’offres que j’ai reçu (rires) ! J’ai la chance que mes parents adorent ce sport et soient aussi impliqués. Ils veulent me voir faire ce que j’aime et je suis si chanceuse de compter sur leur soutien. Je crois qu’ils aiment Levis autant que moi. Je pense que si je leur disais que je voulais le vendre, ils ne me laisseraient même pas le faire (rires) ! Ma maman a pris part aux Jeux olympiques en 2004 pour la Grèce. Elle dit d’elle-même qu’elle est une survivante des JO (rires) ! Elle continue à monter un peu et élève des chevaux pour moi, ce qui est génial. Mon père est venu ce matin et a pris la décision de faire le déplacement lorsqu’il a appris ma qualification. Je suis très heureuse de pouvoir participer à la finale. Mon père montait lui aussi à cheval jusqu’à il y a environ quinze ans. 

Depuis le début du championnat, vos tours sont d’une fluidité remarquée. Êtes-vous habituée à affronter de tels parcours ? 

Oh non, pas du tout. J’étais si stressée, voire même terrifiée à l’idée de m’élancer sur de tels parcours. Je sais toutefois que si je suis nerveuse, mon cheval le sent instantanément. Il est si intelligent. J’ai donc dû me persuader que je n’étais pas si stressée afin de le convaincre aussi (rires). Il saute de mieux en mieux et je dois dire que j’ai peu à faire. Si la distance est un peu longue j’ai simplement à ouvrir un peu les doigts et cela suffit. C’est si confortable de pouvoir avoir une telle confiance en son cheval. Je ne pourrais pas rêver mieux pour être honnête. Je ne suis pas allée très vite dans la Chasse, car être rapide m’est un peu étranger. J’ai encore un peu de mal à signer un sans-faute en allant vite. J’ai donc préféré jouer la sécurité comme il s’agit d’un championnat. J’ai en tout cas fait ce qui me semblait le meilleur compromis pour les jours suivants. Cela a fonctionné ! Il y a encore beaucoup à faire et d’obstacles à sauter. Je disais à ma maman que sauter trois jours de suite n’a sûrement dû arriver que trois fois dans la vie de Levis. Nous le préservons tellement et je ne le connais pas si bien dans ce genre de configuration. J’ai participé à seulement deux CSI 5* avant de venir ici, ceux de Knokke et Rotterdam (où le couple a conclu le Grand Prix CSIO 5* au septième rang au mérite d’un double zéro, ndlr). Lorsqu’on le voit sauter au paddock, il a l’air vraiment banal car il ne fait pas de spectacle. Même lorsque je fais les premiers sauts, je me dis souvent “il n’est pas en super forme”. Puis lorsque vient le moment de faire les deux derniers sauts au paddock, il se transforme soudainement. 

En étant quatrième du classement provisoire, vous faites partie des sérieux prétendants à un titre, devant même quelques cadors comme par exemple le Suédois Peder Fredricson. Comment appréhendez-vous cela ? 

C’est absolument surréaliste ! Je n’arrive pas à y croire. Il y aura tellement de très grands chevaux et cavaliers qu’il n’y aura aucun droit à l’erreur. Je suis toute nouvelle à ce niveau donc je n’ai pas encore vraiment confiance en moi. Je suis plus à l’aise sur des CSI 2* ou 3*. Le 5*, c’est encore tout nouveau pour moi. J’essaie juste d’avoir confiance en mon cheval et autant que possible en moi et nous verrons où cela nous mène !