Kendra Claricia Brinkop ou l’ambition assumée d’une disciple de Marcus Ehning

À vingt-six ans, Kendra Claricia Brinkop pointe au cent soixante-sixième rang du classement mondial Longines, ce qui fait d’elle la treizième meilleure cavalière de l’immense pays de cheval qu’est l’Allemagne. Remarquée cette saison grâce à son agile Kastelle Memo, l’amazone à la détermination d’acier était notamment deuxième d’un Grand Prix CSI 4* à l’Hubside Jumping de Grimaud il y a onze jours. Formée par Marcus Ehning, passée par les rangs de la Young Riders Academy et soutenue par Stephan Conter, Kendra Claricia Brinkop pourrait bien connaître ses plus belles heures dans les mois à venir.



Le 28 mai, sur le sublime piste en herbe de la Piazza di Sienna, à Rome, Kendra Claricia Brinkop avait fait forte impression en signant l’un des sept double sans-faute de la Coupe des nations du CSIO 5* italien. Sélectionnée au sein de la Mannschaft pour défendre ses chances au barrage, celle-ci avait finalement dû s’incliner pour cinquante-deux centièmes de seconde face au redoutable Belge Grégory Wathelet et son chevronné MJT Nevados S. Juchée sur l’agile Kastelle Memo, l’Allemande de vingt-six ans avait tout de même marqué les esprits, alors qu’elle ne devait initialement même pas s’élancer sur la pelouse italienne. “Otto Becker m’a appelée une semaine avant le CSIO 5* de Rome et m’a dit ‘Te sens-tu capable de disputer ce concours avec ta jument?’ Dans un sens, c’est bien qu’il ne m’ait pas prévenue plus tôt, je n’ai pas eu le temps de trop appréhender! J’ai répondu par l’affirmative, car ma jument sautait de manière incroyable jusqu’alors. Il m’a précisé que et les parcours y étaient très gros et la piste impressionnante, mais je me sentais prête. Et lorsqu’il m’a dit que je devais aussi courir le barrage de la Coupe des nations, j’ai été un peu stressée, mais cette expérience fut incroyable”, résume alors la jeune cavalière, qui avait déjà porté la veste rouge dans une Coupe des nations de CSIO 5*À Hickstead en 2017, elle avait signé un premier parcours parfait puis un autre pénalisé de douze points sur A La Carte NRW, que Marcus Ehning a récupéré quelques semaines plus tard.

À l’époque, Kendra Claricia Brinkop travaillait pour celui que beaucoup surnomment le Centaure, Marcus Ehning. À Hickstead, elle avait donc participé à sa toute première Coupe des nations aux côtés de son patron, choisi par Otto Becker avec le jeune retraité Comme Il Faut 5. En mars 2018, l’Allemande rejoint les écuries Stephex, peu de temps après avoir quitté les écuries de Marcus. “J’avais ce désir de renouveau et je souhaitais m’améliorer. Je dois beaucoup à Stephan (Conter, fondateur et président de Stephex, ndlr), avec qui nous avons travaillé très dur”, commente-t-elle. 

L'Allemande est ici à Rome lors de la Coupe des nations. © Simone Ferraro/CONI

“Il y a deux ans, je cherchais une cavalière supplémentaire car nous venions de perdre un cavalier. J’étais en quête de talents, et un jour, un ami m’a appelé pour me parler de Kendra Claricia, qui travaillait alors chez Marcus Ehning. J’ai regardé ce qu’elle faisait et son équitation m’a plu”, se souvient Stephan Conter. “Je ne voulais pas avoir d’histoire avec Marcus alors je lui ai demandé pourquoi elle quittait ses écuries. En fait, il n’avait plus assez de chevaux pour elle, alors elle est venue chez nous, nous avons discuté une dizaine de minutes et elle a commencé immédiatement. Je lui ai proposé de construire de bons jeunes chevaux de niveaux CSI 2* et 3*. Je lui ai dit ‘Si tu es suffisamment talentueuse, je t’emmènerai comme mes autres cavaliers au plus haut niveau.’ J’ai déjà fait cela avec d’autres, comme Lorenzo (de Luca, qui a quitté les écuries Stephex pour épauler la Britannique Emily Moffit il y a peu, ndlr)”. Une association dont Kendra Claricia Brinkop est bien sûr très heureuse. “Je dois dire que Stephan est bien sûr excellent pour repérer des chevaux, comme c’est le cas avec Kastelle Memo, mais il parvient aussi à déceler le talent chez les cavaliers. Depuis deux ans, il m’accompagne et me tire vers le haut, ce dont je me réjouis”, s’enthousiasme-t-elle. 

La cavalière côtoie au quotidien son compatriote, l’actuel numéro deux mondial et récent vainqueur du mythique Grand Prix du CHIO d’Aix-la-Chapelle, Daniel Deusser. “Cela amène un esprit un peu allemand dans les écuries ! (rires) Il m’aide aussi énormément. Par exemple, lorsque je saute aux écuries, dès qu’il voit quelque chose, il n’hésite pas à me partager son avis. C’est le cas avec tout le monde d’ailleurs ; chez Stephex, tout le monde s’entraide car il y a une volonté de s’améliorer constamment. Si quelque chose ne fonctionne pas, nous ne restons pas bloqués sur un problème car il y a tellement de bons cavaliers et de systèmes différents que nous trouvons toujours une solution”, précise Kendra Claricia Brinkop.

Ici à cheval, Kendra Claricia est aux côtés de Zoé Conter, la fille de Stephan Conter. © Sporfot




“Kendra est en passe d’intégrer durablement l’équipe allemande”, Stephan Conter

Née dans une famille d’éleveurs de chevaux à une heure au nord-est d’Hambourg, près du Danemark, Kendra Claricia Brinkop a deux sœurs et un frère, tous passionnés par les chevaux. “Ma sœur aînée possède sa propre structure et monte aussi en CSI, élève et vend des chevaux dans la même région que mes parents. J’ai toujours été mordue et j’ai su très jeune que je voulais devenir professionnelle en saut d’obstacles. Je n’ai pas pensé une seule seconde à m’orienter vers le dressage!”, s’enjoue l’amazone. Épaulée par sa sœur, qui a travaillé et s’est formée auprès de l’Allemand Lars Nieberg, double champion olympiques par équipes en 1996 et 2000, Kendra Claricia a fait toutes ses gammes auprès de sa famille. Cela l’a emmenée aux championnats d’Europe Juniors à deux reprises, d’abord avec Leonardo B 3, puis avec Chalkidiki B, avec lequel elle a terminé dixième en individuel en 2012 à Ebreichsdorf, en Autriche. 

Dans son parcours jusqu’au plus haut niveau, l’amazone est également passée par les rangs de la Young Riders Academy (YRA). “Un projet incroyable”, résume-t-elle. “Lorsque je l’ai intégrée, j’ai participé à mon premier concours international donc tout était assez nouveau pour moi. Cela m’a donné beaucoup de confiance. Après la Coupe des nations [de Rome], beaucoup de journalistes m’ont sollicitée et j’ai pu être très détendue car nous avons des cours de communication à la Young Riders Academy. Ce programme permet d’apprendre beaucoup de choses, notamment sur le plan vétérinaire ou encore l’entrainement des chevaux, car nous sommes amenés à recevoir les conseils de nombreux professionnels. Grâce à la YRA, j’ai été entrainée par Marcus Ehning. C’est ainsi que j’ai pu intégrer ses écuries par la suite. C’est ce qui m’a permis d’atteindre ce niveau aujourd’hui, d’autant que nous sommes aussi soutenus en compétitions, y compris pour y avoir accès. La YRA m’a donné l’opportunité d’accéder à des concours plus importants, ce qui est formidable”, décrit-elle à propos de ce programme

L'amazone compte notamment sur De Flipper dans son piquet. © Sportfot

Ayant bien conscience qu’elle fait partie d’une nation forte, Kendra Claricia Brinkop espère pouvoir se faire une place parmi l’élite germanique. “J’espère que je pourrai avoir ma place dans de grands concours à l’avenir. Pour cela, je vais faire en sorte d’être au meilleur niveau possible. Ce sera peut-être long, mais je sais que mon heure viendra”, dit notamment celle qui nourrit de grandes ambitions et qui l’assume. 

Pour atteindre ses objectifs, Kendra Claricia Brinkop peut notamment compter sur Kastelle Memo, sa jument de tête âgée de onze ans par Thunder van de Zuuthoeve et une mère par Cicero Z. “Je la monte depuis mon arrivée aux écuries Stephex. Elle était alors relativement inexpérimentée donc nous avons sauté beaucoup de petites épreuves. L’an passé, elle a débuté à 1,50m, en réussissant déjà des sans-faute. Elle a aussi remporté un Grand prix CSI 2*. Cette année au Sunshine Tour, elle était aussi super dans des Grands Prix CSI 3* et 4*. Je crois qu’elle est l’un des meilleurs chevaux que j’aie jamais montés. Je n’en attendais pas autant d’elle, mais Stephan a eu raison... une fois de plus!”, résume la talentueuse cavalière, qui a réalisé l’un de ses rêves cette année en foulant la piste du CHIO d’Aix-la-Chapelle. Le 10 octobre à l’Hubside Jumping de Grimaud, elle et sa baie ont écrit l’une des plus belles lignes de leur palmarès en se plaçant deuxièmes d’un Grand Prix CSI 4*. Là encore, c’est Grégory Wathelet qui les a empêchées de s’imposer, associé cette fois à Edesa’s Basantos. 

Kendra Clarica Brinkop et Kastelle Memo dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Rome. © Sporfot


Si Malibu de Muze a quitté ses écuries pour rejoindre celles de l’Espagnol Sergio Álvarez Moya, Kendra peut compter sur un piquet de chevaux fourni. “J’ai De Flipper (KWPN, Flipper d’Elle x Emilion), avec lequel Lorenzo gagnait des épreuves à 1,50m à Saint-Tropez. C’est un super cheval, qui se bat vraiment en piste. Lui et Kastelle sont mes deux meilleurs chevaux mais j’ai énormément d’excellents jeunes, dont trois ou quatre chevaux de huit ans qui ont le talent de prendre part aux plus grandes épreuves. J’ai un excellent piquet!”, se réjouit l’Allemande.  

Côté inspirations, Kendra Claricia cite en premier lieu deux de ses compatriotes. “Bien sûr, j’ai toujours eu comme modèle Marcus Ehning, notamment parce qu’il est Allemand. C’est encore plus le cas aujourd’hui que je le connais bien et que j’ai travaillé pour lui pendant deux ans. Daniel Deusser est aussi un cavalier incroyable. La façon dont il monte est si fluide; il peut sauter les plus gros parcours au monde comme si les barres étaient à 1,10m. J’aime le fait qu’un cavalier et son cheval ne fassent qu’un et c’est selon moi ce que parviennent à réaliser Marcus et Daniel, qui sont à mon avis les deux meilleurs cavaliers au monde. J’adore aussi Scott Brash. Il y a tant d’excellents cavaliers”, abonde-t-elle. À la question ‘N’y a-t-il pas de cavalière qui vous inspire?’, la Germanique répond non sans humour “Si, moi!”

Avec une bonne dose de talent, une formation par l’un des plus grands cavaliers de la discipline et le soutien d’un des plus éminents marchands de chevaux au monde, Kendra Claricia Brinkop semble avoir tout entre les mains pour côtoyer durablement les plus hautes sphères du saut d’obstacles international. “Kendra se fond très bien dans notre système. Elle est sérieuse, très travailleuse, aime ses chevaux et les respecte énormément. Elle compte seize chevaux dans son piquet, dont six d’une qualité exceptionnelle. Je crois qu’elle est en passe d’intégrer durablement l’équipe allemande, car cette dernière n’est pas outrageusement fournie ces temps-ci, à l’inverse de l’équipe belge”, résume son patron. 

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