“J’ai davantage appris en quarante jours que ces dix dernières années”, Jean-François Pignon

Largement reconnu dans le monde équestre depuis des décennies pour ses qualités de dresseur, Jean-François Pignon présente ce mercredi un film intitulé 40 jours, 4 criollos et du silence. Le documentaire filmé au cœur de la Patagonie, au sein d’un des campos du chanteur Florent Pagny, met en scène le quinquagénaire et ses quatre partenaires : des chevaux quasi-sauvages, dont la seule expérience humaine s’est limitée à une castration à vif pour les deux mâles du groupe. Une belle leçon d’humilité qui invite à la remise en question.



Liés par une forte amitié, Jean-François Pignon et Florent Pagny ont vécu cette aventure ensemble.

Liés par une forte amitié, Jean-François Pignon et Florent Pagny ont vécu cette aventure ensemble.

© Anne-Marie Ledoux

Ils se nomment Hombre, Meneuse, Bébé et Élue et sont, selon Jean-François Pignon, “l’expérience de [sa] vie”. Quinze ans après le succès de Danse avec lui et huit ans après la sortie de Gazelle, le dresseur revêt à nouveau la casquette de réalisateur dans 40 jours, 4 criollos et du silence. Ce documentaire, qu’il décrit comme l’un de ses rêves, est d’abord le fruit d’une rencontre avec Florent Pagny, chanteur français implanté en Argentine depuis une vingtaine d’années. En Amérique du Sud, dans les campos, les chevaux sont dressés dès l’âge d’un an et demi par les gauchos grâce à une méthode consistant à les attacher à un poteau, des heures voire des jours, causant parfois la mort de certains. Une tradition à laquelle les quatre criollos de ce documentaire ont échappé, faute de dresseur. Errant dans les 25.000 hectares de terres du chanteur français, entre buissons épineux et plaines à perte de vue, ces quatre-là font la rencontre de Jean-François Pignon, invité par son ami. “Le but était d’essayer de comprendre encore mieux cet animal. Depuis quarante ans, j’ai établi une méthode mais l’envie d’aller plus loin m’a poussé à réaliser ce rêve avec des chevaux sauvages” raconte-t-il.   

Pendant 1h40, le Ligérien fait vivre son expérience à travers des images de son séjour et une voix off emplie de spontanéité. Si les journées passées aux côtés des chevaux sont réduites à quelques minutes, ne laissant alors que peu de place aux longues heures de marche réalisées pour les retrouver dans ce vaste domaine, elles sont accompagnées de moments plus intimes. Des debriefs réalisés le soir, à table, en compagnie de Florent Pagny et son entourage aux enregistrements du chanteur, en passant par des moments de doute et de solitude, lors desquels Jean-François Pignon s’en remet à ses croyances, la transparence a été le maître mot de ce projet.  

Hombre, Meneuse, Élue, en arrière plan et Bébé, à droite, ont accompagné Jean-François Pignon dans cette aventure. Crédit DR



Jean-François Pignon, au milieu des 25 000 hectares et des buissons épineux.

Jean-François Pignon, au milieu des 25 000 hectares et des buissons épineux.

© DR

Prenant d’abord le temps de faire connaissance avec ses protégés, le dresseur met également en avant ses nombreux doutes. Une main posée trop tôt sur une ganache, les mots de Florent Pagny, sceptique quant à cette expérience, le manque de ses proches et, surtout, une peur, celle de voir ses protégés subir la méthode traditionnelle des gauchos ont jonché le parcours de Jean-François Pignon pendant ces quarante jours.   

Celui que beaucoup considèrent comme une référence en matière de compréhension du cheval a été en proie à de nombreuses remises en question, oubliant même ses propres principes de base : patience et simplicité. Elles ont laissé la place à la précipitation, aux erreurs et aux doutes jusqu’à un premier avertissement, puis un second, et enfin l’accident. “Je me suis dit que je n’arriverai jamais à mes fins. Mes engagements en Europe ne me laissaient que quarante jours. J’ai commis des erreurs, je leur ai mis la pression. Je craignais simplement pour eux et, dans ces conditions, il est difficile de lâcher prise. L’accident m’a permis de prendre du recul et je me suis recentré sur mes sensations. Par amour pour eux, je voulais avancer plus vite mais ça n’avait de sens, j’allais finir par les blesser moi-même”.     

Ce documentaire montre aussi la transmission du dresseur à Florent Pagny, bluffé par la connexion instaurée entre son ami et ces chevaux sauvages, de belles images filmées au drone, mais surtout une vision simplifiée de la relation avec le cheval. “Je ne pensais pas apprendre autant. Je suis rentré en France avec un bagage énorme, qu’il s’agisse de la technique de la main tendue (que le dresseur découvre dans le documentaire, ndlr) ou du fait de travailler davantage avec la respiration du cheval. On m’a souvent demandé pourquoi je ne parlais pas aux chevaux. La réponse est simple, je ne les ai pas entendus hennir pendant quarante jours alors je n’avais aucune raison de briser ce silence.”  

Dès ce mercredi, le film est à retrouver dans les cinémas listés ici. Une aventure inspirante et transparente de simplicité qui a déjà donné des idées à Jean-François Pignon pour un prochain défi. “C’était un rêve depuis dix ans et l’expérience de ma vie. J’ai davantage appris en quarante jours que ces dix dernières années. J’ai pris conscience grâce à Danse avec lui que le cinéma pouvait faire passer des messages. Je veux changer le monde. Je ne suis personne, mais peut être qu’en apportant une idée, je pourrai en aider certains. J’espère vraiment retourner en Argentine un jour. Ce sera peut-être le sujet d’un prochain reportage, accompagné d’un groupe de personnes, blessées par la vie.”