“Nous aurions aimé qualifier la Suisse dès cette année pour Paris 2024 mais il n’y a pas de catastrophe”, Michel Sorg

Michel Sorg va devoir patienter encore un peu. Après des Mondiaux conclus à la huitième place et malgré de remarquables parcours et la troisième marche du podium lors de la finale des Coupes des nations, l’équipe suisse, dont il est à la tête depuis plus de deux ans, n’a pas encore réussi à décrocher son ticket pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Les Helvètes auront deux occasions pour s’inviter à la fête l’an prochain. En attendant, le chef d’équipe suisse dresse le bilan des grands rendez-vous passés, évoque la remarquable ascension d’Édouard Schmitz, l’arrivée de Vancouver de Lanlore, le vivier suisse, ou encore la saison hivernale qui s’amorce.



L’ascension d'Édouard Schmitz et le retour au sommet de Pius Schwizer sont deux grands motifs de satisfaction pour Michel Sorg.

L’ascension d'Édouard Schmitz et le retour au sommet de Pius Schwizer sont deux grands motifs de satisfaction pour Michel Sorg.

© Sportfot

Quel bilan tirez-vous de la finale des Coupes des nations Longines de Barcelone, que la Suisse a conclue à la troisième place et sans qualification olympique ? 

Mon sentiment est assez particulier, je ne l’avais encore jamais connu. Bien sûr, les résultats de jeudi et dimanche (propos recueillis le 5 octobre, ndlr) nous procurent une grande satisfaction car toute l’équipe a répondu présente. La Suisse a terminé pour la première fois sur le podium de cette finale, ce qui nous ravit. Il s’agit d’une très bonne performance. Nous avons malgré tout un goût amer, car cela n’a malheureusement pas suffi pour décrocher un ticket olympique. Cela repousse encore à l’année prochaine la possibilité d’une qualification. La Belgique a amplement mérité son ticket et la victoire, ils ont été tout simplement meilleurs. 

Niklaus Rutschi et Cardano CH ont participé à la manche qualificative jeudi 29 septembre avant de laisser leur place à Steve Guerdat et Venard de Cerisy pour la finale dominicale. Quelle était votre tactique pour cette échéance ?

Tout d’abord, je crois que compte-tenu du résultat final, cette tactique a été la bonne. Niklaus Rutschi et Cardano CH avaient obtenu de très bons résultats à Saint-Gall et réussi de bonnes Coupes des nations à Falsterbo et Dublin (avec zéro et quatre points, puis deux fois quatre points, ndlr). Nous avions déjà entrevu la possibilité de l’emmener à Barcelone. Venard a quant à lui été excellent à Calgary (où il s’est placé deuxième du mythique Grand Prix, un an après sa victoire, ndlr) donc nous souhaitions le garder frais pour dimanche, tout en laissant une chance à Niklaus le jeudi. Nous avons eu une discussion avec Thomas Fuchs (l’entraineur national, ndlr) et également échangé avec l’équipe. Nous sommes arrivés à la conclusion que Niklaus pouvait vraiment amener quelque chose le premier jour. Garder Venard frais pour le dimanche était certainement la bonne décision, ce qui ne veut pas dire qu’il n’aurait pas également signé un sans-faute jeudi. Ce choix stratégique avait été fait avant même que la compétition ne débute. 

Quelles seront vos prochaines occasions de décrocher un ticket olympique ? 

Trois tickets vont être distribués l’an prochain aux championnats d’Europe de Milan pour les nations qui ne seront pas encore qualifiées. Comme la semaine passée, Barcelone offrira une ultime chance d’obtenir la qualification. Nous ne nous disons pas qu’il y a le feu dans la maison, nous aurions aimé qualifier la Suisse pour Paris 2024 dès cette année mais il n’y a pas de catastrophe. Ce n’est pas la première fois que la Suisse est confrontée à ce cas de figure, il en avait été de même pour les Jeux olympiques de Londres et ceux de Rio de Janeiro (en 2012 et 2016, ndlr). Pour l’heure, six équipes européennes sont qualifiées en plus de la France (invitée d’office en sa qualité de pays organisateur, ndlr). Les leaders européens sont déjà qualifiés mais nous ne devons surtout pas partir vainqueurs, ce serait le plus grand des dangers. Nous nous présenterons concentrés. Au-delà de la qualification olympique, nous souhaitons signer de bonnes performances aux championnats d’Europe l’an prochain. 

À vingt-trois ans, Édouard Schmitz connaît sa première saison à très haut niveau, remportant notamment son premier Grand Prix CSIO 5* à Dublin et participant aux Mondiaux ou encore à la finale barcelonaise. Quelle ascension ! 

Absolument, l’une de nos grandes fiertés est le chemin qu’a parcouru Édouard depuis l’an passé. Nous l’avons lancé pour la première fois dans une Coupe des nations en CSIO 3* à Budapest, en juillet 2021. Depuis, les choses ont été faites étape par étape avec un rythme assez juste, qui l’a amené jusqu’à cette équipe. Ce garçon est un grand travailleur, a les pieds sur terre et ne se satisfait pas d’un seul bon résultat. Il est dans la quête constante d’amélioration, ce qui est la marque des grands athlètes, que ce soit dans les sports équestres ou dans d’autres disciplines sportives. Il est une véritable valeur ajoutée à l’équipe suisse, tant à cheval qu’à pied car il est un bon coéquipier. Il a parcouru beaucoup de chemin avec comme points d’orgue Saint-Gall (quatre points puis un sans-faute dans la Coupe des nations et quatrième du Grand Prix sur Quno, ndlr), Sopot (marqué par un double zéro dans l’épreuve par équipes sur Gamin van’t Naastveldhof, ndlr), Dublin (victoire dans le Grand Prix avec ce même cheval, ndlr), Calgary (double zéro dans la Coupe des nations sur Quno, ndlr) ou encore les Mondiaux. Il a totalement rempli sa part du contrat et a systématiquement été au rendez-vous. Il est jeune et compte deux excellents chevaux, Quno et Gamin, et vient d’intégrer le top trente mondial ce qui est vraiment impressionnant. Cette ascension fait partie des bonnes nouvelles de cette saison, tout comme le couple que forment Pius Schwizer et Vancouver de Lanlore, le retour de Cardano CH et d’autres… 

Après avoir quitté les écuries de la Française Pénélope Leprevost pour rejoindre celles de Pius Schwizer et représenter la Suisse, Vancouver de Lanlore a en effet pu servir l’équipe à plusieurs reprises… 

Je suis très heureux que les propriétaires jurassiens de Vancouver (la famille Vorpe, ndlr) l’aient mis à la disposition de la Suisse et de Pius. Nous savons que dès qu’il a dans ses écuries un crack comme Vancouver, il peut obtenir de formidables résultats jusqu’au plus haut niveau. Nous avions élaboré un plan que nous avons réussi à respecter parfaitement. Le couple s’est parfaitement trouvé et l’a prouvé à Saint-Gall, Aix-la-Chapelle, aux Mondiaux, à Calgary et Barcelone. À chaque fois, ils ont répondu présent. Pius est un athlète et un cavalier d’exception. Comme je le dis souvent, c’est une chose qu’un cavalier soit excellent en piste, mais il est également primordial qu’il le soit aussi humainement. C’est son cas et nous avons un véritable groupe très solide derrière le rideau. N’oublions d’ailleurs pas Bryan, qui a connu de la malchance cette saison avec ses chevaux. Il faut par ailleurs s’imaginer que pour sa première Coupe des nations de CSIO 5* à Saint-Gall, Édouard Schmitz faisait équipe avec trois cavaliers ayant été numéros un mondiaux (Steve Guerdat, Martin Fuchs et Pius Schwizer, ndlr). S’ils ne l’avaient pas pris sous leur aile avec bienveillance, le tableau aurait été bien différent. Par exemple, Steve a été auprès de ses coéquipiers jeudi à Barcelone alors qu’il ne montait pas l’épreuve. Il ne veut prendre la place de personne mais se rend disponible pour aider et conseiller ses coéquipiers. Une alchimie s’est créée, tant à cheval qu’à pied. L’arrivée de Vancouver et le retour de Pius à ce niveau sont d’excellentes nouvelles pour l’équipe. 



“Bryan est l’un des cavaliers les plus talentueux de notre pays et de bonnes nouvelles arrivent”

Michel Sorg félicite Steve Guerdat après la Coupe des nations de Calgary, où la Suisse s’est placée deuxième.

Michel Sorg félicite Steve Guerdat après la Coupe des nations de Calgary, où la Suisse s’est placée deuxième.

© Sportfot

Après une saison 2021 réussie et notamment un titre de champion d’Europe par équipes à Riesenbeck, Bryan Balsiger a été moins sur le devant de l’affiche cette année. Ne vous a-t-il pas manqué et comment s’annoncent les mois à venir pour lui ? 

Bryan sera aux Coupes du monde d’Oslo et Helsinki. Il y a bien sûr eu l’accident tragique de Twentytwo des Biches, qui a été un coup dur pour Bryan, sa propriétaire (Christiana Brechtbühl, ndlr) et plus largement toute l’équipe. Il s’agit bien sûr d’une excellente jument et cette nouvelle a mis à mal tout le collectif. Clouzot (de Lassus, ndlr) s’est blessé il y a quinze mois, Ak’s Courage a été mise au repos un temps et cet arrêt a un peu plus duré que ce que nous avions imaginé afin qu’elle soit en pleine possession de ses moyens. Bryan nous a bien sûr manqué car il est un cavalier exceptionnel et qu’il a énormément amené à cette équipe. Il a compté sur Dubaï (du Bois Pinchet, ndlr) qui a été propulsée comme jument de tête et a réalisé des choses extraordinaires notamment dans la Coupe des nations de La Baule (avec deux fois quatre points, ndlr) ou encore à Saint-Gall où elle se place troisième du Grand Prix. Après Aix-la-Chapelle, nous avons vu qu’il lui fallait encore un peu de temps pour tenir sur la longueur. C’est pour cette raison qu’elle n’a pas été du voyage aux Mondiaux de Herning. Bien sûr, Bryan est l’un des cavaliers les plus talentueux de notre pays et de bonnes nouvelles arrivent heureusement. Clouzot et Courage sont de retour, Dubaï va bien et il a été sacré champion de Suisse avec un jeune cheval de neuf ans, Chelsea Z. Il compte aussi sur Everest van’t hof V Eversem Z et plusieurs chevaux de huit ans. Nous espérons pouvoir compter sur lui très prochainement. Il le sait, dès qu’il aura un cheval prêt et compétitif, les portes lui seront grandes ouvertes. 

Sur quels couples comptez-vous pour élargir le vivier suisse à l’avenir ? 

Au total, nous avons présenté en Coupes des nations vingt cavaliers différents et trente-deux couples cette saison en 3* et 5*. La volonté que nous avions avec Thomas Fuchs en commençant à collaborer en 2020 était d’offrir à un maximum de couples la possibilité de prendre part à ce circuit. Nous avons des duos comme Alain Jufer avec Dante MM, à qui nous avons donné une chance à Falsterbo et qui ont aussi participé à la victoire suisse à Manheim. Elin Ott était notre réserviste aux championnats du monde (avec Nanu II, ndlr) et se montre importante pour l’équipe. 

Je pense aussi à Barbara Schnieper, médaillée de bronze lors du championnat de Suisse et qui compte dans ses écuries de très bons chevaux de neuf ans. Par le passé, elle a déjà concouru en 5* avec Cicero F notamment. Janika Sprunger a une super nouvelle jument, Orelie, qui appartient à une propriétaire suisse. Elle a fait ses débuts dans des épreuves importantes à Falsterbo. Elle n’a que huit ans donc il faudra aller à son rythme mais si elle continue dans cette évolution, pourquoi ne pas lui faire une place l’année prochaine. Compte-tenu de l’expérience de Janika et de son talent pour amener les chevaux à haut niveau et au sommet de leur forme au bon moment, ce serait une excellente nouvelle. Elle a en tout cas l’envie de retrouver les rangs de l’équipe. Nous comptons aussi sur Niklaus Schurtenberger qui dispose de plusieurs chevaux. Nous espérons qu’ils pourront gravir la grande marche du 5* pour nous accompagner. Romain Duguet est vice-champion de Suisse et montre qu’il est de retour un peu plus haut que ces dernières années. Il compte notamment Bel Canto de Boguin et Hunger Games du Champ du Bois. Je pense aussi à Elian Baumann, auteur d’un double zéro au CSIO 3* de Bratislava avec Little Lumpie E, qui a aussi remporté des épreuves aux CSIO 5* de Saint-Gall et Sopot. Campari Z, avec qui il était de l’équipe championne d’Europe à Riesenbeck l’an passé, revient quant à lui en bonne forme. 

Si l’on parle des cavaliers de premier plan, Steve a une ribambelle de très bons chevaux dont Dynamix de Belheme, une jument exceptionnelle qui a signé un double sans-faute dans la Coupe des nations de Dublin. Il compte aussi entre autres Taina M&M et IS-Minka. Martin a présenté Commissar Pezi à Calgary et vient d’accueillir Upgrade, qui était à Barcelone comme deuxième cheval. Pius aurait besoin d’un peu de renfort aux côtés de Vancouver mais parfois le succès amène de nouveaux chevaux. Il y a bien sûr aussi les jeunes cavaliers qui sont en forme ces temps-ci. Nous suivons évidemment de près leurs résultats car la relève me tient vraiment à cœur. Nous avons quelques pépites mais ils ont besoin de temps. Comme avec Édouard, nous devons trouver le bon rythme pour les amener au sommet de leur forme au bon moment, sans brûler aucune étape. Thomas Fuchs apporte énormément à tout ce collectif. Que ce soit pour la planification de concours, l’entrainement, les reconnaissances… Les cavaliers de l’équipe apprennent vraiment beaucoup à ses côtés en compétition. À chaque concours, ils apprennent de petites choses qui changent la donne par la suite. Pour moi, c’est le meilleur ! 

Comment se profile la saison hivernale et bien sûr la Coupe du monde pour le clan suisse ? 

Pour ce qui est de la Coupe du monde, la Suisse va compter deux places ; l’une grâce à la présence de Martin dans le Top 10 et l’autre car nous organisons une étape du circuit à Bâle. En plus de cela, nous essayons d’obtenir des invitations auprès des organisateurs, qui sont bien sûr très sollicités. Ce n’est pas simple, mais nous essayons d’en récolter ainsi. Martin est déjà qualifié pour la finale (en sa qualité de tenant du titre, ndlr). Il n’ira pas à Oslo et Helsinki, ce qui nous permet de donner une place à Bryan Balsiger pour ces deux concours. Martin et Steve ont la priorité pour ce circuit et nous essaierons également dans la mesure du possible d’y intégrer Bryan, Pius et Édouard grâce aux invitations. 

Le temps fort de la saison hivernale pour les cavaliers suisses sera bien sûr le CHI de Genève, dont le Grand Prix a été remporté par Martin lors des deux dernières éditions. Il sera aussi en lice dans la finale du Top 10. À Genève, nous aurons douze suisses au départ donc nous aimerions y réussir de belles performances. Il y aura aussi la Coupe du monde de Bâle, qui nous manque depuis deux ans et qui devrait être enfin de retour, si le Covid-19 le veut bien. Nous ferons le bilan en décembre pour voir qui a marqué des points au classement général de la Coupe du monde. Nous verrons alors quelle est la dynamique et comment emmener le plus grand nombre de couples à la finale. Si nous pouvions y compter Martin ainsi que deux ou trois autres cavaliers, ce serait formidable. Voilà le plan, mais comme on le sait, les choses peuvent vite changer !