“Parler du lien entre les hommes et les chevaux est important pour moi”, Christian Duguay

Dix ans après Jappeloup, le réalisateur de cinéma Christian Duguay renoue une nouvelle fois avec le monde équestre, mais cette fois dans l’univers des courses de trot. Son film Tempête sort en salle ce mercredi 21 décembre. Un joli casting, composé notamment de Pio Marmaï, Mélanie Laurent et Carmen Kassovitz, fait vivre ce film familial sur la reconstruction et la résilience. Entretien avec le réalisateur.



Image tirée du film Tempête.

Image tirée du film Tempête.

© Julien Panié/Nolita Cinema

D'où vous est venue l'idée d'adapter “Tempête au Haras”, le roman jeunesse de Christophe Donner? 

Cela m’a été proposé par mes deux producteurs, Romain Rousseau et Maxime Delauney. Ils avaient vu Jappeloup, qui leur avait plu. Dans le livre, l’auteur parle de handicap et du monde des chevaux. J’avais envie de montrer le contact entre l’homme et le cheval, au-delà des courses, de l’entraînement et de l’élevage. Je voulais montrer le cheval comme un accompagnant, comme un compagnon de vie. Je voulais aussi parler des vertus de l’équithérapie! J’ai beaucoup aimé la relation intime entre le cheval et les personnages, et le côté spectaculaire du monde des courses (voir bande-annonce en bas d'article).

C’est un monde que vous connaissiez déjà? 

Pas du tout! J’ai rencontré des gens de ce monde-là, notamment Pierre et Camille Levesque, qui sont de grands éleveurs et de grands compétiteurs des courses. J’ai aussi visité des haras en Normandie (Tempête a été tourné au haras du Plessis, dans l’Oise, ndlr). Grâce à ces découvertes, la narration du film s’est construite. L’univers des courses est souvent stigmatisé car on croit qu'il n'y a que les PMU, les paris, et que l’on pousse les chevaux à bout. J’ai découvert un autre monde, un rapport au cheval tel qu’il devrait toujours être, avec des chevaux au centre des préoccupations. Il y a un véritable tandem homme-cheval, car le cheval a besoin de l’homme pour gagner et vice-versa. Dans cet univers, le cheval est un athlète qui est entraîné, programmé. Les Pur-sang portent dans leur génétique d’aimer courir, d’aimer la compétition. J’ai découvert un univers et je suis heureux de le partager!

Il est question de handicap et de résilience dans Tempête. Ce sont des sujets qui vous tiennent à cœur? 

Ce que j’ai retenu du livre de Christophe Donner, c’est le parcours de ce petit garçon jusqu’à ses dix-sept ans. J’ai aimé la manière dont l'auteur aborde le handicap et comment, grâce à la résilience, on peut parvenir à vaincre ses démons pour vivre son rêve. Dans mon film, j’ai simplement transformé le petit garçon en petite fille et j’ai intégré le personnage de Sébastien (interprété par Kacey Mottet Klein, ndlr), dont on ne définit pas vraiment le handicap. Il est adopté par la famille et a un don avec les chevaux. J’ai essayé de créer un univers serein, pur et passionné autour des chevaux, dans lequel, lorsqu’arrive un drame comme l’accident de Zoé, le fait de tenir ensemble permet de vaincre les obstacles qui viennent à nous.



“Mon rêve aurait été de participer aux Jeux olympiques de 1976”

Image tirée du film Tempête.

Image tirée du film Tempête.

© Julien Panié/Nolita Cinema

Vous êtes vous-même cavalier, quel est votre parcours équestre? 

J’ai été champion Juniors de dressage à la Royal Agriculture Winter Fair (foire agricole annuelle qui se tient à Toronto, au Canada, ndlr) dans les années 70. Mon rêve aurait été de participer aux Jeux olympiques de 1976. Malheureusement le cheval que je montais, un Pur-sang anglais nommé Fraterno, appartenait à l’épouse de mon père, qui l’a vendu. J’avais tissé un lien très fort avec lui! C’était un cheval de dressage et je l’ai amené jusqu’au haut niveau. Ça a été une perte terrible pour moi car nous avions une attache très particulière. J’ai été très marqué, donc je n’ai plus voulu monter pendant une trentaine d’années. J’ai finalement renoué avec cet univers, et parler du lien entre les hommes et les chevaux est important pour moi. Je le fais un peu pour ce cheval-là et pour l’amour et le bonheur qu’il m’a apporté entre mes seize et vingt ans. 

Vos acteurs ont réellement participé aux scènes avec les chevaux, comment s’est passé le tournage? 

Pio Marmaï n’avait jamais monté. Ce fut six semaines intenses, qui ont commencé dans un box à brosser le cheval, à prendre contact avec lui. Il a appris à rendre ses gestes automatiques avec le sulky, puis a commencé les duels sur des lignes droites. Quand il a été prêt, on l’a mis dans un peloton de dix chevaux. Je suis toujours à la recherche d’authenticité. Pio a appris très vite, il voulait être vraiment dedans et il l’a extraordinairement bien fait. Pareil pour Carmen Kassovitz, qui était une cavalière aguerrie mais qui n’avait jamais monté au trot. Elle s'est investie de façon sublime. 

À nouveau, vous avez fait appel à votre ami de longue date Mario Luraschi pour travailler avec vous sur le film. 

J’ai écrit des scènes qui parlaient de ce rapport particulier avec les chevaux, et lui a fait jouer les chevaux. Il est capable de transposer le contact qu’il a avec le cheval vers le comédien. Tout à coup, le cheval se met à jouer la comédie avec l’acteur, que ce soit dans le regard, les émotions, la peur, l’appréhension. Il n’existe pas beaucoup de Mario dans le monde, des gens qui ont cette façon de parler aux chevaux et d’être dans l’échange. C’est un langage presque spirituel.