“Concourir aux Émirats est un excellent accélérateur de carrière”, Inès Joly

Inès Joly rêve d’atteindre le plus haut niveau et semble se donner les moyens d’y parvenir. Originaire de la région stéphanoise, la cavalière de vingt-six ans vient de poser ses malles dans de nouvelles installations situées aux Pays-Bas, et elle a débuté sa saison de compétition aux Émirats arabes unis. Dans cette région du monde où les places en concours demeurent moins disputées qu’en Europe, elle a pu prendre part à son premier CSIO 5* il y a quelques jours à Abou Dabi, se classant à 1,50m. Elle raconte cette expérience très formatrice.



Vous venez de participer à votre tout premier CSIO 5* à Abou Dabi, aux Émirats Arabes Unis. Quel bilan tirez-vous de cette découverte?

C’était mon premier CSI de niveau 5*, mais ce concours de début d’année est réputé un peu plus facile que d’autres. Le Grand Prix n’était pas énorme, mais il était tout de même de niveau 5*. Ce fut une entrée en matière un peu plus tranquille. J’avais concouru sur la même piste la semaine précédente pour un CSI 4*. Dans le feu de l’action, on ne voit pas forcément la différence, et je dirais que j’ai appréhendé les épreuves de la même manière.

Vous n’avez toutefois pas sauté le Grand Prix…

Non, j’ai favorisé le petit Grand Prix du samedi. Le premier jour, je n’ai pas participé à la qualificative, qui me semblait un trop gros défi d’entrée de jeu avec des chevaux que je ne connais pas encore beaucoup. Je me suis concentrée sur les épreuves à 1,45m et 1,50m, hauteur à laquelle ont débuté mes juments à cette occasion: Celine (Bav, Cellestial x Montender 2) et Caliope de l’Abbaye (SF, Nartago x Hélios de la Cour II). Au cours des dernières semaines de cette tournée, je pense qu’elles vont passer ce cap au fil des concours. En tout cas, elles se sont très bien comportées alors qu’elles n’avaient jamais performé à cette hauteur. Parmi les points positifs, ici, on peut sauter les épreuves comptant pour le classement mondial avec deux chevaux, contre un en Europe (compte tenu du plus grand nombre de cavaliers, ndlr), si bien que mes deux juments ont pu progresser en même temps.



Comment êtes-vous parvenue à intégrer la liste des participants à ce concours?

Il est plus facile de participer à des CSI 4* et 5* ici qu’en Europe, où les places sont vraiment chères. J’ai sûrement profité de l’absence d’autres Français pour réussir à obtenir une invitation. De fait, j’ai même été surprise de ne pas voir d’équipe de France dans la Coupe des nations (seules six équipes ont pris part à cette épreuve, que la France a déjà disputée par le passé, ndlr). Quoi qu’il en soit, je suis heureuse d’avoir pu vivre cette expérience.

J’ai découvert cette série de concours grâce à des Brésiliens, à qui j’ai vendu l’un de mes chevaux. Ils m’ont dit que c’était vraiment génial pour faire progresser les chevaux et débuter à haut niveau. Effectivement, c’est un excellent accélérateur de carrière. Je savais qu’il n’y aurait pas beaucoup de concurrents et que les organisateurs souhaitaient accueillir autant de nations que possible, ce dont j’ai pu profiter. En Europe, je connaissais surtout le Sunshine Tour (organisé à Vejer de la Frontera, en Andalousie, ndlr), et je suis agréablement surprise de ce que j’ai découvert ici.



Comment présenteriez-vous les trois chevaux que vous avez montés?

Vitto de Cartherey (OC, Rohan d’Uriat x Feu Follet Marins) est un étalon de quatorze ans, que je monte depuis six ans. C’est le cheval qui a vraiment lancé ma carrière, me permettant de débuter à 1,55m. Ayant déjà fait ses preuves, il me permet désormais de m’amuser (rires) dans de plus petites épreuves. Celine est une jument de dix ans que j’ai depuis septembre. Ici, elle a sauté sa première épreuve à 1,50m, se classant douzième. Je ne la connais pas encore très bien, alors je l’ai emmenée ici pour finir de la découvrir et tenter de performer à 1,50m en lui donnant le rôle de cheval de tête. Et elle a répondu présent donc je suis très contente. Enfin, Caliope de l’Abbaye est une jument de onze ans que j’ai seulement depuis novembre. Elle a beaucoup de moyens et elle a une bonne tête donc je pense qu’elle va pouvoir concourir à haut niveau. Pour le moment, nous nous occupons d’elle comme d’un jeune cheval (rires), car elle n’a jamais été beaucoup travaillé et a besoin de se stabiliser. Je commence à prendre mes marques avec elle. Dans le Petit Grand Prix du CSIO 5*, je n’ai pas eu de chance parce que cette épreuve s’est achevée par Winning Round (où les onze meilleurs couples ont été repris, ndlr) alors que nous n’étions que cinq à avoir bouclé le tour initial sans faute. J’aurais préféré un barrage normal… Là, nous étions onze, et j’ai concédé une petite faute sur le dernier obstacle, si bien que nous avons fini neuvièmes. Quatre points sur le premier ou le dernier, malheureusement, c’est un peu ma signature (rires). Pour autant, je suis vraiment très contente du comportement de Caliope et Celine, qui se sont toutes deux classées à 1,50m. Et j’espère faire encore mieux dans les semaines à venir.



“La première fois que j’ai monté Vitto, j’ai sauté de ma selle et je suis tombée!”

Quels sont vos objectifs pour la suite de la saison?

Avec Caliope, mon but est de progresser jusqu’en CSI 5*, d’être régulière et constante. Je suis consciente que cela ne va pas se faire en un jour. Je vais prendre mon temps et l’engager tantôt à 1,50m, tantôt à 1,45m, et parfois redescendre un peu. Je crois vraiment en elle, donc nous entendons la préparer pour de grandes échéances. Avec notre équipe, nous avons en tête de participer à la Global Champion League: au niveau 2* avec Céline durant la première partie de la saison, puis en CSI 5* avec Caliope en seconde partie d’année. En principe, cela devrait me laisser un petit peu de temps pour travailler dans d’autres CSI 3* et 4* jusqu’à août. Avec Céline, je pense alterner les CSI 2* et 3*. Elle a un cœur si immense qu’elle performera peut-être au-delà d’1,50m, mais elle est encore assez jeune et inexpérimentée donc je vais prendre mon temps. Quant à Vitto, j’espère pouvoir continuer à profiter de sa vitesse pour gagner les épreuves à 1,40m des CSI 2*, par exemple.



À qui appartiennent ces chevaux? Y a-t-il des objectifs de commercialisation?

Vitto, c’est une belle histoire: il appartient à un copain de la famille (David Neri, ndlr), qui a déjà refusé un grand nombre d’offres d’achat, car il veut vraiment le garder. C’est un homme adorable, qui aime nous voir sur son cheval et suivre les concours. C’est vraiment génial parce que j’ai vécu plein de situations où des propriétaires retirent des chevaux à des cavaliers dès qu’ils performent. Au contraire, lui est trop content et, s’agissant d’un étalon, il vend aussi quelques saillies. Je pense donc que Vitto restera jusqu’au bout dans la famille. Je ne sais pas combien de temps je vais le garder, je le passerai peut-être à mes petites sœurs. En tout cas, c’est un cheval de cœur.

L’arrivée de Caliope s’inscrit dans le cadre d’un nouveau projet que j’ai lancé avec des amis et investisseurs. Il s’agit d’un fond d’investissement nommé Pegasus. L’objectif est vraiment de la garder plusieurs années pour concourir au plus haut niveau. C’est un projet à long terme. Quant à Céline, elle appartient à d’autres investisseurs, qui m’ont contactée pour la valoriser, avec un objectif de commercialisation à moyen terme.



Vitto a connu une trajectoire plutôt atypique, puisqu’il a débuté sa carrière en attelage…

Oui, c’est vrai. Avant de le monter, son propriétaire s’amusait à l’atteler. Vitto était tellement spécial, chaud et fou qu’il l’attelait pendant une heure avant de pouvoir le monter. C’était vraiment un lion. Dès qu’il voyait un obstacle, même si je le détendais tranquillement au trot, il fonçait dessus pour essayer de le sauter. La première fois que je l’ai essayé, j’ai sauté de ma selle, je suis tombée et ma mère ne voulait plus que je le monte du tout. J’ai eu tellement peur… Le lendemain, je suis allée le longer en cachette, un bon moment, puis je l’ai monté. Et cela s’est bien mieux passé. En tout cas, j’ai vraiment dû m’y atteler, ce n’est pas peu dire (rires), parce qu’il était singulier! Il venait de prendre huit ans. Il a un cœur énorme. Je pense qu’il pourrait même sauter dans le feu.

La deuxième partie de cet entretien est à lire ici



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