Les Bleus se parent d’argent aux championnats du monde de Bouthieb

Après une journée épique, la stratégie d’équipe du clan français a porté ses fruits. Quatre des cinq équipiers alignés au départ de la course ont franchi la ligne d’arrivée à la nuit tombée, main dans la main en brandissant le drapeau tricolore, avec à la clé quatre chevaux en pleine forme et une superbe médaille d’argent par équipes! Seuls les Bahreïnis ont su devancer les tricolores tandis que les Portugais ont été honorés d'une médaille de bronze. Retour sur une journée folle en rebondissements.



 À 5h45 heure locale, dunes de sable encore dissimulées par la nuit et lampes frontales allumées, les cavaliers ont enfourché leurs montures et se sont rassemblés pour le départ. Avec cent-vingt-cinq couples en lice, l’équipe de France avait fait le choix d’un départ différé d’un peu plus d’une minute sur le groupe principal, pour éviter un stress et une dépense d’énergie inutile aux chevaux. La consigne du jour partagée avec toute l’équipe lors du briefing la veille a été la dernière: réaliser une belle course d’équipe afin de tenter d’aller conquérir une médaille. “La course va être très difficile. Il y a du sable, du sable et encore du sable, le sol est profond par endroits, il va faire chaud...il faudra être hyper à l’écoute des chevaux”, a rappelé Jean-Michel Grimal, le sélectionneur national, à quelques heures du départ. 

Objectif pour les couples, réussir à venir à bout des 160 km de cette course sans encombre. Divisé en six boucles d’une trentaine de kilomètres à 20 km pour les dernières, le parcours s’étendait en plein désert émirati, autour du Centre hippique de Bouthieb qui a servi de “vet gate” et de zone de repos entre chaque boucle. Des espaces abrités du soleil ont été mis en place pour chaque équipe avec eau et foin à volonté pour les chevaux, et autant de rafraichissements pour les cavaliers et les équipes d’assistants. Rappelons que les temps de repos entre les boucles sont indispensables pour scruter les chevaux sous tous les angles à la recherche du moindre signe de fatigue ou de blessure, pour les athlètes, et permettent aux équipes de vérifier et nettoyer le matériel. 

Une fois en piste, les Bleus ont couru groupés, en file indienne, se relayant en tête de leur petit peloton à une vitesse moyenne de 17km/h sur les premières boucles. Dans ce terrain exigeant, Justin Mourou n’a pu empêcher sa jument Dragueuz D Pacouli de trébucher, entrainant leur chute sans gravité. Le couple a pu continuer quelques kilomètres avant de s’arrêter à l’issue de la seconde boucle suite à une légère irrégularité de la jument. L’équipe de France n'a plus compté alors que sur quatre équipiers, dont les trois meilleurs scores seraient comptabilisés pour le classement final. Au tiers du parcours, les mousquetaires tricolores pointaient dans le Top cinquante d’un classement très provisoire. Les deux boucles suivantes ont permis aux Bleus, toujours prudents en piste, de remonter dans le top trente, en embuscade pour une médaille par équipes. 

D’autres nations ont préféré partir sur un train beaucoup plus soutenu comme les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn ou encore l’Espagne. Au départ de l’ultime boucle de 20km, les Emirats Arabes Unis et l’Espagne, avec seulement trois coéquipiers encore en lice, ne disposaient plus d’aucune marge de sécurité. En cas d’élimination d’un équipier supplémentaire, le classement par équipes se serait envolé.



La France en argent au bout du suspense

Vers 14h30, heure française, après un peu plus de 7h30 de course, les trois médaillés individuels ont franchi la ligne d’arrivée à l’issue d’un sprint qui a semblé sans fin. Après vingt minutes de récupération, tous se sont présentés au contrôle vétérinaire final. C’est finalement le Bahreïni Al Khalifa hh sh Nasser Bin Hamad qui l’a emporté en selle sur Darco La Majorie, alors que les deux équipiers des Emirats Arabes Unis ont été éliminés en raison d’un rythme cardiaque trop élevé de leurs chevaux. La médaille d’argent individuelle est revenue à l’Émirati Al Kitbi Salem Hamad Saeed Malhoof aux rênes de Haleh et le bronze à l’Espagnol Punti Dachs Jaume avec Echo Falls. 

C’est à la nuit tombée que les équipiers tricolores sont arrivés, après plus de 9h30 de course. Ils ont franchi la ligne d’arrivée au galop, brandissant le drapeau français sous les applaudissements du public et de leurs proches. L’inspection finale a été une formalité pour les Bleus puisque les quatre chevaux, en pleine forme, ont été acceptés haut la main par le jury et les vétérinaires de la compétition. L’équipe de France était composée de Virginie Atger et Raya de Jalima, onzièmes en individuel, Vincent Gaudriot et Bum Baya d’Aqui, douzièmes, Clémentine Chaud et Winaruz El Djin, treizièmes, Philippe Tomas et Biwaka de Chalendrat, quatorzièmes, Justin Mourou et Dragueuz D Pacouli, éliminés lors de la deuxième boucle et Simon Menez et Sliman El Ramaadi, les réservistes. 

L’équipe du Bahreïn a décroché l’or tandis le Portugal s’est emparé de la médaille de bronze par équipe. La France, qui avait décroché l’or aux Jeux équestres mondiaux en 1994, 2002 et 2006 puis terminé deuxième en 2010 et 2014, a confirmé sa position de nation leader de la discipline et a une nouvelle fois démontré son esprit d’équipe irréprochable qui a permis d’aller décrocher cette nouvelle médaille d’argent.

Virgine Atger et Raya de Jalima, douzièmes en individuel.

Virgine Atger et Raya de Jalima, douzièmes en individuel.

© FEI/Jon Stroud



“La course s’est bien déroulée. Nous avons eu raison de partir dans le calme comme Jean-Michel (Grimal, ndlr) nous l’avait demandé. Nous sommes parvenus à aller à notre rythme en nous entraidant. La course était très difficile à cause de la chaleur et de la profondeur du sable. Physiquement, c’était dur pour tous les cavaliers aussi de se retrouver au mois de février dans ces conditions. Je suis très heureux de cette médaille, de mon cheval et de mes coéquipiers. Nous avons passé une super semaine, c’était un régal !”, s'est réjoui Philippe Tomas après la course.  

“Je suis très heureux que l’on ait réussi à préserver nos chevaux. Ils pouvaient tous courir plus vite, mais il n’y avait aucune raison de prendre ce risque. Nous avons suivi les consignes du coach qui étaient les bonnes. On voit d’ailleurs que ceux qui ont voulu jouer devant nous ont généralement perdu. On a fait ce qu’on sait faire en France et, à l’arrivée, nos chevaux étaient très frais. Une médaille d’argent aux championnats du monde c’est énorme, surtout avec cette superbe équipe !”, a déclaré Vincent Gaudriot.  

Clémentine Chaud a elle aussi salué l’esprit de cette équipe, évoquant une “cohésion entre les six cavaliers et tout le staff qui nous a entourés.”, tout comme Virginie Atger. “J’ai trouvé l’esprit d’équipe incroyable, et pour affronter une course avec de telles conditions, je pense que c’était la clé. On a oublié nos objectifs individuels pour se consacrer à l’équipe et ça a payé. Les chevaux se sont vraiment bien comportés et on a eu d’excellentes sensations sur la dernière boucle. Je remercie Simon Menez, qui était le réserviste ici et qui s’est vraiment investi dans l’équipe d’assistance aujourd’hui. C’est vraiment une expérience sportive et humaine incroyable à vivre.”

De son côté, Justin Mourou, naturellement déçu de sa chute, est revenu sur cet incident. “Ce matin ma jument a fait un petit écart et est tombée sur un bourrelet de sable en bord de piste. C’est un accident que je n’aurai pas imaginé. Je suis un peu déçu ce soir, mais ma jument devrait bien se remettre. Nous allons refaire un contrôle demain avec le vétérinaire de l’équipe.”  

De son côté, le sélectionneur national Jean-Michel Grimal n’a pas caché sa joie. “La course s’est déroulée comme on l’avait prévu, c’est une vraie satisfaction. Nous sommes passés à rien de terminer avec nos cinq couples, ce qui aurait été une vraie belle démonstration avec des conditions de course aussi difficiles, mais nous sommes tout de même pas loin, je crois, de la vraie belle endurance. Cette médaille est amplement méritée par ce groupe !” 

“C’est un beau travail d’équipe. Ce n’est jamais facile quand on court en individuel toute l’année de former une équipe pour un championnat. Il ne faut pas oublier le vétérinaire et le maréchal-ferrant qui font un travail formidable et qui font aussi partie de cette équipe. La dynamique mise en place par la FFE depuis quelques années sur le groupe France porte ses fruits, avec aussi les préparateurs mentaux qui sont intervenus sur différents stages pour travailler sur le collectif. La stratégie mise en place est discutée entre le staff et les cavaliers en amont et tout le monde est impliqué et responsabilisé. La journée à été dure, mais l’ambiance, le collectif et le résultat sont au bout, bravo à tous !” a conclu Martin Denisot, CTN pour l'endurance.