“Je ne comprends pas que la FEI ne rende pas la vaccination contre la rhinopneumonie obligatoire”, Philippe Rozier (2/2)

Alors qu’il a fêté ses soixante ans le cinq février dernier, Philippe Rozier est bien loin de raccrocher les bottes. Coaching, compétition, jeunes et vieux chevaux, conseils sur les réseaux sociaux, le champion olympique par équipes de Rio de Janeiro multiplie les casquettes. À la tête d’un piquet de chevaux bien fourni et prometteur, emmené par le délicat mais si doué Le Coultre de Muze, le francilien a toujours soif de succès. Rencontré à l’occasion du Saut Hermès, qui s’est tenu au Grand Palais éphémère du 17 au 19 mars, le Français s’est confié sur ses objectifs, sa vie à Bois-le-Roi et sur les Jeux de Paris. Présent à Oliva lorsque des cas de Rhinopneumonie équine ont été recensés en février, celui qui a bien failli perdre son partenaire olympique des suites de cette maladie il y a deux s’est également exprimé quant à la gestion de cette nouvelle crise. La première partie de cet entretien est parue ici. 



L’arrêt des compétitions et ce confinement ont dû vous rappeler de mauvais souvenirs. Comment l’avez-vous vécu cette fois-ci ?

Avec beaucoup de recul. J’ai vécu l’enfer il y a deux ans alors je savais de quoi il s’agissait. Mes chevaux étaient à l’opposé de la tente dans laquelle se trouvaient ceux qui étaient malades, ils étaient dans des boxes extérieurs en dur et très éloignés. Nous avons pris leur température tous les jours et il n’y avait aucun symptôme. Nous savions ce que nous faisions et, lorsqu’on nous a dit de partir, nous avons pris la route, refait des tests et tout était en ordre. J’étais beaucoup moins inquiet. 

Avez-vous noté des différences entre la gestion des organisateurs de 2021 et celle de 2023 ? 

Le plus gros changement a été la présence de boxes de quarantaine, ce qui n’existait pas il y a deux ans. Cette année, au moindre doute sur un cheval, il partait en quarantaine et était examiné. À Valencia, c’était un véritable bouillon de culture, les chevaux ne pouvaient pas être isolés. Aujourd’hui, la FEI exige la présence de boxes de quarantaine et une prise de température dès la descente du camion. Nous vaccinons également de plus en plus. Ça n’est pas obligatoire à l’international mais ça l’est en France (pour les chevaux de course, les étalons reproducteurs et les chevaux participant à des compétitions SHF, ndlr). Je ne comprends d’ailleurs pas que la FEI ne fasse pas de même. Aujourd’hui, les gens sont également mieux informés et des mesures sont mises en place dès qu’un cheval présente une température anormale.

Peut-être étiez-vous, vous-même, mieux préparé ? 

Naturellement je sais quoi faire, ce qui n’était pas le cas avant. C’est comme avec le Covid-19, nous nous y sommes habitués et avons du recul. La seule chose que je peux reprocher est que certains cavaliers arrivent en compétition avec des chevaux fiévreux mais le cachent. Selon moi, c’est à cause de ce genre de comportement que nous avons eu des problèmes à Oliva. Certains attendent plusieurs jours avant de le signaler et cela suffit à en contaminer d’autres. La prise de température est systématique en arrivant sur le site mais, lors de compétitions comme Oliva où nous restons trois semaines avec trois-mille chevaux qui arrivent et repartent, il peut y avoir de la fièvre à un moment. Cependant, il faut le signaler et contrôler au moindre doute. Mettre un cheval en quarantaine pendant une journée ne prend pas beaucoup de temps et cela évite de mettre en danger tous les autres. 

Cela éviterait également de revivre des moments comme ceux que vous avez vécus il y a deux ans… 

Bien sûr. Il y a deux ans, les cavaliers se prévenaient entre eux de chevaux malades, nous n’étions pas informés par l’organisateur. Quand on m’a dit qu’il s’agissait finalement de la rhinopneumonie, il ne m’a fallu qu’un quart d’heure pour mettre tous mes chevaux dans le camion et rentrer chez moi. Je me suis dit qu’il fallait vite que je me sauve parce que je pourrai mieux soigner mes chevaux aux écuries que sur le concours. Je ne suis sûr de rien, je ne suis ni vétérinaire ni devin mais, ce que je sais, c’est que Rahotep serait aujourd’hui mort s’il était resté à Valencia. Mentalement, être chez lui plutôt qu’à l’autre bout du monde a aidé à sa guérison. Bien entouré, dans un endroit qu’il connaît, je suis certain qu’il s’est davantage battu que s’il était resté sous une tente pendant un mois en plein soleil.

D’ailleurs, comment va Rahotep ? 

Il va très bien. Il est chez M. Baillet (Christian Baillet, son propriétaire, ndlr) dans son haras en Normandie (le haras de la Coudraie, ndlr).



“Les réseaux sociaux laissent une grande place à l’hypocrisie”

Vous avez annoncé il y a peu l’arrivée de la cavalière finlandaise Maiju Mallat au sein de vos écuries. Quel est l’objectif ? Dans une vidéo, on la voit notamment avec Diego de Toscane, que vous montiez auparavant… 

C’est une cavalière qui a déjà participé à des CSI 5*, notamment à Lyon, Helskinki ou encore Oslo. J’apprécie beaucoup sa façon de monter. Elle est arrivée chez nous au départ pour louer des boxes avec son compagnon puis, de fil en aiguille, je lui ai proposé de travailler avec moi. Je les connais très bien, il y a plusieurs années son compagnon avait déjà travaillé chez nous. C’est une cavalière qui est douée et sérieuse. Je lui ai proposé quelques chevaux, dont Diego de Toscane. Je ne peux pas tous les monter alors ça me soulage. 

Vous continuez donc de développer le coaching. C’est une activité qui vous plaît réellement…?

Oui, bien sûr. J’entraîne toujours l’équipe de Monaco et nous avons également accueilli des Chinois avec lesquels nous avons signé un contrat jusqu’aux Jeux de Paris (Marcel Rozier sera en charge de leur entrainement, ndlr). Ils sont installés à Bois le Roi depuis début mars. Il y a également toujours Abdelkebir Ouaddar (entraîné par Marcel Rozier, ndlr). Cela fait partie du lieu. Le haras de Bois-le-Roi est un centre d’entraînement, pas un centre-équestre. C’est une écurie privée qui a été créée pour ça par mon père, avec toutes les infrastructures qui vont avec. Nous avons tout ce qu’il nous faut et sommes très bien placés. Nous disposons de cent boxes qui sont presque toujours pleins.

Cet hiver, vous avez posté des vidéos sur les réseaux sociaux dans lesquelles vous donnez quelques conseils et partagez les coulisses de votre quotidien. Est-ce une manière pour vous de vous rapprocher de ceux qui vous suivent et de populariser notre sport?

J’ai eu énormément de demande, c’est de là que ces vidéos sont nées. Je me suis aperçu qu’au bout d’un moment, les gens qui travaillent en autonomie et les entraîneurs ne savent plus quels exercices proposer à leurs chevaux, surtout l’hiver. Poster des vidéos avec des petits conseils et pistes de travail leur est bénéfique. D’ailleurs, je croise régulièrement des personnes qui me disent qu’elles ont testé tel ou tel exercice et les retours sont extrêmement positifs. Je ne pensais pas que cela fonctionnerait autant. Moi-même, j’observe souvent mes collègues et je prends note de certaines façons de faire. C’est un sport de transmission, on ne peut pas apprendre à monter avec un livre. J’ai eu beaucoup de bons retours et suis agréablement surpris. J’aime transmettre et si je peux aider, je ne vois pas pourquoi je garderais tout ça pour moi. J’essaye de faire simple et que cela aille dans le sens du cheval. J’applique la même philosophie lorsque j’organise des stages. Je dis souvent aux personnes qui viennent que je ne suis pas là pour les faire sauter haut. Je me fiche de savoir qui passe la barre la plus haute ou qui est le meilleur. Je leur donne une ligne de conduite pour qu’ils prennent du plaisir, qu’ils s’amusent en dressant leurs chevaux et qu’ils aient une bonne complicité avec eux. Mon objectif n’est pas de prouver aux cavaliers qui viennent vers moi qu’ils peuvent sauter dix à vingt centimètres de plus. J’essaye d’amener une meilleure compréhension avec des exercices simples.

Certaines personnes en ont d’ailleurs profité pour y aller de leur critique. Cette expérience vous a-t-elle fait prendre conscience des mauvais côtés des réseaux sociaux ? N’est-ce pas décourageant de recevoir ce genre de commentaire ? 

Je ne lis pas tout ça, ça ne m’intéresse pas. Je ne sais d’ailleurs même pas de quoi nous parlons. Critiquer derrière un écran est facile, je suis également capable de le faire. Cependant, les critiques ne me reviennent pas aux oreilles en face à face. J’ai mes idées et cela ne m’atteint pas. Naturellement, en étant sur le devant de la scène, nous sommes toujours la cible de critiques mais ça ne me fait ni chaud ni froid. Il y a certainement des choses que je ne fais pas bien, cela peut arriver, je suis loin d’être parfait, mais les critiques sur les réseaux ne m’intéressent pas, à l’inverse des commentaires positifs. Lorsque je croise des personnes sur les terrains de concours qui me font des retours, on me dit souvent que c’est super. Ces remarques m’intéressent bien plus que le commentaire de quelqu’un qui est derrière son écran et qui se croit plus fort que tout le monde mais qui dira l’inverse si je le croise. Les réseaux sociaux laissent une grande place à l’hypocrisie. Je veux rester hermétique à tout cela, j’ai passé l’âge.



“Lors des Jeux, j’espère que nous serons à la hauteur de l’événement”

Pierre Durand a récemment confié qu’il allait vivre les JO de l’intérieur en tant que bénévole. Comment espérez-vous les vivre ? Représenter l’équipe de France est-il toujours dans votre esprit ? 

C’est une très bonne question, je n’y ai pas encore réfléchi pour être franc. Paris, c’est déjà l’année prochaine. Je fais mon job puis je dresserai mon bilan à la fin de l’année, qu’il s’agisse d’un point de vue personnel avec mes chevaux ou de mon travail avec Monaco, la Chine… Je ne me suis pas demandé ce que je ferai pendant Paris. Je vais déjà réaliser ma saison puis j’y réfléchirai en novembre.

Avez-vous réussi à obtenir des places pour assister à certaines épreuves ? 

Non, rien du tout pour l’instant.

Que pensez-vous du prix des billets ? Notamment pour les épreuves équestres, montant à près de 150€… 

C’est compliqué à dire. D’après ce que j’ai compris, il y a très peu de places, ce que je ne comprends pas forcément mais peut-être qu’il n’est pas possible d’en proposer davantage. J’observe tout cela avec beaucoup de recul pour l’instant et je fais confiance aux organisateurs. Évidemment, je trouve cela dommage qu’il soit si difficile d’y accéder mais je ne peux pas juger quelque chose que je ne connais pas. Nous verrons au fur et à mesure. J’espère que cela se passera bien, que tout le monde pourra y assister et que cela sera un beau spectacle. C’est en tout cas ce que je souhaite. J’ai participé à cinq Jeux olympiques (Los Angeles en 1984, Sydney en 2000 et Rio de Janeiro en 2016 ainsi que Séoul en 1988 et Atlanta en 1996, tous deux en tant que réserviste, ndlr) et, à chaque fois, j’ai vécu des moments incroyables et fous, dans tous les sens du terme, alors j’espère que nous serons à la hauteur de l’événement, tout simplement.



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