“J’ai vraiment envie de participer à une Coupe des nations de première division”, Aurélien Leroy
Quatre ans après avoir laissé de côté le concours complet, Aurélien Leroy continue de faire sa place petit à petit dans le monde du saut d’obstacles. Pouvant compter sur ses expérimentés Croqsel de Blaignac et Vendôme d’Ick, le Toulousain espère enfiler la veste bleue au printemps à l’occasion d’une Coupe des nations de première division. Père de famille, mari, cavalier, gérant d’un poney-club, d’une écurie de propriétaire et éleveur, le trentenaire aux multiples casquettes tient les rênes des écuries de Corbières, sises près de Castres, dans le Tarn, d’une main de maître. Désormais aiguillé par Jean-Maurice Bonneau, il évoque ses objectifs, ses rêves et sa vie à tout vitesse.
Fin mars, vous avez terminé quatrième d’un Grand Prix 4* à Vejer de la Frontera avec Vendôme d’Ick (SF, Arko III x Chin Chin), comment s’est déroulée cette épreuve?
J’ai participé aux deux dernières semaines du Sunshine Tour. Vendôme s’est classée huitième du Grand Prix le week-end précédent et elle était déjà sans-faute lors de deux épreuves intermédiaires. Je la sentais très bien. La dernière semaine, elle a simplement sauté une épreuve à 1,40m le vendredi avant le Grand Prix. Le cheminement était optimal et ça m’a permis d’avoir une jument en pleine forme et fraîche pour le dimanche. Le parcours était un peu plus haut que les autres semaines puisque coté à 1,60m mais j’ai trouvé le tracé très bien, difficile, assez subtile mais délicat à la fois. Il demandait davantage aux cavaliers de monter correctement avec des contrats de foulées un peu partout sans pénaliser les chevaux. La preuve, il y a eu douze sans-faute sur cinquante partants, le pourcentage idéal. J’ai Vendôme depuis quatre ans. C’est une jument qui a déjà obtenu beaucoup de résultats mais elle a vraiment progressé depuis six mois. Elle a gagné en confiance et en amplitude. Elle a toujours été très respectueuse et compétitive, avec beaucoup de cœur. Je pense qu’elle n’est pas la seule à avoir évolué, ça vaut pour moi aussi. J’avais du mal à gérer mes émotions et à sauter sur l’herbe. J’ai participé au Sunshine Tour il y a deux ans et j’avais trouvé que c’était un concours exceptionnel, avec des pistes diverses. Je voulais me faire ma propre opinion. J’avais toujours entendu que c’était une super tournée mais très difficile et durant laquelle seuls des chevaux expérimentés en CSI 4 et 5* pouvaient sauter les Grands Prix. Effectivement, ça s’était bien moins passé mais j’en avais tiré du positif et beaucoup d’expérience. C’était peut-être un peu tôt par rapport aux chevaux que j’avais. Je n’y suis donc pas allé l’année dernière. Cette année, à partir de la moitié de saison, j’ai trouvé que mes chevaux avaient vraiment bien évolué et moi aussi, surtout moi d’ailleurs (rires) donc j’ai décidé d’y retourner pour préparer la suite.
Qu’avez-vous modifié dans votre entrainement, engendrant une telle progression?
J’ai pris un peu d’expérience et je m’entraine depuis près d’un an avec Jean-Maurice Bonneau (ancien sélectionneur de l’équipe de France, nldr). C’est un échange et un partage qui m’aide beaucoup. Il est venu spécialement pour moi à Vilamoura la deuxième semaine. C’est vrai qu’à force de regarder les meilleurs cavaliers, en discutant un peu, j’ai changé quelques petites choses au fur et à mesure.
Depuis quand Jean-Maurice Bonneau vous accompagne-t-il comme entraineur? À quelle fréquence? Que vous apporte son appui?
Nous avons commencé à travailler ensemble mi-avril 2022. Nous échangeons beaucoup à travers différentes vidéos parce que nous n’habitons pas à côté. Il m’aide notamment sur les choix stratégiques des engagements. On débriefe de la partie technique des parcours et il essaie de venir environ quatre fois par an à la maison ou en concours. Il se déplace dès que possible si je suis demandeur ou lors d’une compétition importante. Nous échangeons beaucoup par téléphone. Il m’apporte énormément sur le plan technique et stratégique ainsi que sur la sérénité.
Entre Vilamoura, Valencia et Vejer de la Frontera, vous avec enchainé les tournées extérieures pour débuter la saison. Pourquoi avoir choisi un tel programme? Vous sentez-vous prêt à affronter les échéances à venir?
Oui, je me sens prêt. Il ne me reste qu’à le prouver, ça c’est autre chose (rires). J’essaye d’abord de prendre du plaisir, de travailler le mieux possible et de donner le meilleur de moi-même. Aujourd’hui, j’essaye surtout de m’améliorer tous les jours, quand je monte à cheval, d’être un peu meilleur que la veille.
“Les Coupes des nations me tiennent à coeur”
Vous avez deux chevaux de tête très performants, Vendôme et Croqsel de Blaignac (SF, Ugano Sitte x Rubynea). Quels sont vos objectifs avec chacun d’eux??
J’aimerais évoluer encore et continuer à être plus performant en CSI 4 et 5*. Ensuite, les opportunités viendront principalement de l’équipe fédérale en fonction de mes résultats. J’ai vraiment très envie de participer à des Coupes des nations, c’est une épreuve qui me tient à cœur.
Ermès Di Tai et Déesse des Embruns ont quitté vos écuries en 2022, avez-vous de nouveaux partenaires pour épauler vos chevaux de tête??
J’ai Enjoy Blue (SF, Plot Blue x Esterel des Monts), neuf ans, qui a beaucoup progressé. Il était auparavant monté par Lucas Fournier, un jeune cavalier de notre région. Je l’ai récupéré en juin 2022 et nous nous sommes laissés le temps de trouver nos codes. Il a terminé quatrième du Grand Prix 2* de Vidauban en octobre dernier. Nous l’avons laissé tranquille cet hiver puis il a repris la compétition à Vilamoura lors d’épreuves à 1,35m et 1,40m. Je l’ai emmené au CSI 2* de Valencia avant de partir à Vejer de la Frontera. Là-bas, il a conclu trois de ses cinq parcours sans faute et a terminé quatrième du Grand Prix à 1,50m du Medium Tour, sa première expérience sur ces hauteurs. C’est un cheval auquel on croit beaucoup. Je monte aussi Grazina Comme Il Faut (Holst, Comme Il Faut 5 x Lordanos), qui a également neuf ans que l’on a acheté à l’étranger il y a un an. L’année dernière, elle a réalisé une très bonne saison et a redémarré cette année à Valencia et Vejer de la Frontera. J’ai un très bon sentiment. J’ai aussi quelques chevaux de sept ans prometteurs et deux huit ans auxquels je crois beaucoup. Nous sommes très axés sur les jeunes chevaux.
La partie commerciale de votre activité est-elle toujours si développée? Comment fonctionne votre système et quels propriétaires vous soutiennent?
Beaucoup n’est pas l’adjectif adéquat mais je fais du commerce. C’est une partie qui me plait énormément et qui est obligatoire économiquement parlant pour les structures équestres. Mes propriétaires sont plutôt des partenaires. Je travaille beaucoup avec le docteur Serge Lenormand, propriétaire de Croqsel de Blaignac, qui possède le haras de Conques. Il fait naître énormément de poulains et, chaque année, une dizaine de chevaux intègrent mon écurie. Nous voyons les choses de la même manière et ça se passe très bien. C’est une chance qu’il me fasse confiance. J’ai d’autres propriétaires qui sont supers. Il y a aussi Edgar Berthau qui possède plusieurs chevaux dont Vendôme. L’écurie est remplie alors j’essaye de travailler avec des personnes qui partagent mes valeurs. Je suis très attaché à ça, nous sommes une équipe et avons vraiment des affinités. La structure est assez imposante et cela peut surprendre, d’où mon choix de Jean-Maurice Bonneau ; en plus de sa technique, il a la même vision que moi, c’est un plus. Je travaille aussi en parallèle avec Antoine Bach depuis une quinzaine d’années sur le plan technique. Maintenant, nous sommes trois dans l’échange.
“La Baule a été un échec personnel mais a engendré une bonne remise en question”
Espérez-vous intégrer les rangs de l’équipe de France première cette année? Si oui, ambitionnez-vous de participer aux championnats d’Europe de Milan, qui se tiendront du 29 août au 3 septembre?
Les Coupes de nations, oui. Cependant, en ce qui concerne les championnats d'Europe, j’ai conscience qu’il existe de nombreux cavaliers qui montent très bien et sont compétents. J’ai tout de même un plan en tête, avec Jean-Maurice. Sans se dire que nous irons, nous nous sommes dit que cela valait le coup d’orienter les choses dans ce sens. C’est ce qui nous a poussés, quand nous avons senti les chevaux prêts, à participer au Sunshine Tour. C’est un bon point puisque la plupart des Coupes des nations sont sur herbe (La Baule, Rome, Saint-Gall, Falsterbo, Hickstead, Dublin et Aix-la-Chapelle, ndlr), de même que Milan. Nous avons élaboré un premier plan sans évoquer à 100% les championnats d’Europe mais l’objectif de l’année serait de prendre part à une Coupe des nations de première division. Cependant dans le sport, tout peut aller dans un sens comme dans l’autre. Participer à une Coupe des nations avec Kevin Staut et Simon Delestre serait super. Ce sont deux cavaliers que j’observe depuis longtemps, que je trouve aussi bons dans le sport et la durabilité. Pour mon expérience personnelle, échanger avec eux sur ce genre de compétition serait bénéfique.
Depuis 2021, vous avez participé à quelques CSI 5*. Espérez-vous en faire davantage cette année??
Là encore, la décision viendra de l’équipe fédérale (rires). Tant que j’aurai des opportunités, j’irai. Je vise les Coupes des nations de première division dans les prochains mois et un peu de CSI 5*. J’ai peu concouru à ce niveau en 2022 mais j’ai énormément appris, même si c’était assez difficile à digérer après. À La Baule, le Grand Prix a été très difficile, les chevaux sautaient très bien et je suis totalement passé à côté de l’épreuve (avec Croqsel de Blaignac, il avait cumulé quarante-six points, ndlr). En revanche, cela a amené une bonne remise en question. Les semaines suivantes ont été difficiles, ça a été un véritable échec personnel mais Jean-Maurice m’a aidé à tirer beaucoup de conclusions et d’expérience de ce qui s’était passé.
“Je rêve des Jeux mais j'essaye d’être réaliste”
Où êtes-vous installé?? Comment se déroule une journée type dans votre quotidien??
J’ai construit mes propres installations à côté de Toulouse, à Damiatte, dans le Tarn. Tous les soirs, je fais un planning pour les quarante chevaux en box et mes élèves. Généralement, les chevaux mangent vers 7h puis nous curons les box. Cela demande une certaine logistique puisque tous les chevaux sont au travail. Ils vont sur le tapis roulant ou au marcheur un jour sur deux et au pré la moitié de la journée. Cela fait beaucoup de travail mais nous avons la chance la chance d’avoir une propriété avec beaucoup d’hectares et une vingtaine de prés. J’aime monter six ou sept chevaux par jour donc je me mets en selle vers 8h. J’ai une pause de trente minutes vers 13h30 puis je reprends. Je laisse les jeunes chevaux à mes cavaliers et j’ai aussi quelques clients pensionnaires à l’écurie. J’essaye de finir vers 18h puis je rentre et m’occupe de mes enfants. Évidemment, j’ai un peu d’aide mais je gère tout. À l’heure actuelle, j’ai un poney club, des écuries propriétaires, un petit élevage avec une quinzaine de poulains, une quinzaine de chevaux en pension retraite, au pré, et une trentaine de chevaux de concours, des jeunes et d’autres plus âgés. Je supervise tout mais je suis bien épaulé par mes beaux-parents sur la comptabilité. Je suis même en train d’organiser un concours aux écuries ce week-end (entretien réalisé fin mars, ndlr). Le matin, je me concentre sur mes chevaux et mon sport, ce qui me prend du temps puisque j’ai un protocole à respecter. Chaque cheval marche vingt minutes en forêt avant d’aller en carrière. Aucun d’eux ne sort du box pour aller directement travailler et c’est un plaisir de le faire, c’est important.
Quels sont vos modèles??
Marlon Módolo Zanotelli (à l’affiche du dernier épisode de Riders club, ndlr) est très fort, je regarde ses parcours depuis très longtemps. J’ai un rituel, le dimanche quand je rentre chez moi, même tard dans la nuit, je regarde les vidéos de Kevin Staut, j’adore ce cavalier. J’aime également beaucoup Harrie Smolders et Daniel Deusser. Il y en a tellement que faire un choix est compliqué. Simon Delestre m’impressionne beaucoup, il est très fort et a une réussite globale depuis tant d’années. Ce qui me parle beaucoup chez lui, c’est ce côté famille.
À moins de cinq-cents jours des Jeux olympiques de Paris 2024, rêvez-vous d’y participer ?
Évidemment que j’en rêve, mais j’essaye d’être réaliste. La toute petite chance que j’ai de m’y rendre passera par une participation aux championnats d’Europe cette année. Je vais avancer petit à petit et je verrai ce que nous réserve l’avenir.
Avez-vous pris des billets?? Si oui, pour quelle discipline??
Non, je pense que je suivrai avec énormément d’attention mais je ne m’y rendrai pas si je n’y participe pas. Ça m’aurait intéressé de les vivre de l’intérieur en tant qu’athlète mais, si c’est pour être assis dans les tribunes, je préfère être devant ma télévision!
Vous êtes papa de deux enfants, n’est-ce pas trop compliqué de concilier vie de famille et le métier de cavalier ?
Ça peut l’être, c’est quand même beaucoup de changements (rires). Cependant, j’ai une épouse incroyable qui sait ce que représente le sport pour moi. Ça fait maintenant douze ans que nous sommes ensemble. Nous avons toujours rêvé de fonder une famille et savions dans quoi nous nous lancions. Nous parvenons à gérer les choses au mieux. Nous avons aussi une fille au pair chez nous alors, pour l’instant, nous arrivons à trouver un équilibre qui nous convient. Ma femme travaille dans les écuries aussi et nous avons trouvé une solution pour que je puisse passer du temps avec mes enfants quand je suis compétition. Ils ne sont pas encore scolarisés donc ils viennent avec nous sur tous les concours depuis le début de l’année. C’est vraiment super comme ça.
Quels sont vos prochaines échéances??
Je vais participer au championnat Pro Élite à Fontainebleau (qui se déroulera à l’occasion du Printemps des sports équestres du 19 au 23 avril, ndlr). C’est un choix stratégique décidé en collaboration avec Jean-Maurice puisque je vais m’y rendre seulement avec Croqsel. Ce sera une première. J’ai l’habitude de monter beaucoup de chevaux mais j’ai envie de me préparer à ce championnat avec un seul. Ça sera plus difficile de gérer mon temps, j’aime bien faire beaucoup de choses mais c’est une situation qui peut se présenter en Coupe des nations alors j’y travaille. C’est une expérience, économiquement et professionnellement parlant, que je ne vais faire qu’une fois mais, pour l’occasion, je vais la tenter.