“Mon objectif est de retrouver des chevaux pour être sélectionné en championnats”, Nicolas Delmotte
D’un naturel discret, Nicolas Delmotte l’est un peu plus que d’ordinaire au plus haut niveau depuis un an. Le ricochet logique des ventes de ses deux chevaux de tête, les extraordinaires Urvoso du Roch et Dallas Vegas Batilly, en 2021 et 2022. Bien loin d’être abattu, le cavalier de quarante-cinq ans à l’équitation remarquable trace sa route et espère retrouver durablement les sommets grâce à un système dont il est l’un des principaux acteurs. Meilleur représentant tricolore aux Jeux olympiques de Tokyo, il y a deux ans, Nicolas Delmotte a répondu aux questions de GRANDPRIX sur la route pour Dinard.
En route pour le Jumping international de Dinard, partez-vous avec l’objectif de faire aussi bien qu’en 2017, année de votre sacre dans le Grand Prix avec Ilex VP ? Cette piste vous réussit régulièrement !
Oui absolument, c’est l’objectif ! C’est d’ailleurs Ilex qui y courra le Grand Prix. J’aime beaucoup ce concours, il s’agit de l’une des plus belles pistes qui existe, le cadre est formidable et il est très agréable d’y monter. Même lorsque le concours était labellisé 3* ou 4*, j’y réussissais en effet de bons classements.
Citadin du Chatellier a remporté sa vingt-neuvième victoire internationale le week-end passé à l’occasion du CSI 4* de Moerzeke. Jusqu’où ira-t-il ?
Ce cheval est extraordinaire ! Il est très intelligent, aligne les sans-fautes et se montre très rapide naturellement. Souvent, lorsqu’il prend le départ d’un barrage ou d’une épreuve au barème A, il est si rapide et chaud qu’il lui arrive de gagner même si je ne courrais pas forcément après la victoire. En tournant court mais sans lui demander d’aller trop vite, il est déjà plus rapide que les autres. De temps en temps, je l’engage dans des Grands Prix, comme à Grimaud, où il s’était placé deuxième dans le 4* (le 16 octobre, ndlr). Avec lui, je dois un peu alterner et le déclasser ponctuellement tant il est respectueux et généreux. Citadin est très sensible, il peut très bien courir à 1,45m-1,50m comme de temps en temps prendre part à un Grand Prix 4*.
Pourquoi n’avez-vous pas pris part au Grand Prix 4* de Moerzeke ?
Ilex a quinze ans et signe un bon début de saison donc nous tenons à le gérer au mieux. Il a plu un peu et le terrain n’était pas optimal, beaucoup de chevaux glissaient. En concertation avec sa propriétaire (Béatrice Mertens, ndlr), nous avons décidé de le préserver en vue de Dinard, et surtout, nous ne voulions prendre aucun risque.
À quinze ans, votre cheval de tête Ilex VP se montre très en forme, vers quels objectifs le dirigez-vous ?
En fin d’année dernière, Ilex a été opéré du cornage car il avait des soucis respiratoires. Cela lui a fait énormément de bien et lui a redonné une seconde jeunesse. L’objectif avec lui est de courir de beaux Grands Prix 5*. J’aimerais l’emmener à Bruxelles ainsi qu’à Grimaud.
Cette saison, il a représenté la France dans la Coupe des nations de Saint-Gall. Sera-t-il amené à porter le tapis bleu, blanc et rouge à nouveau ?
De temps en temps, il pourra en effet courir une Coupe des nations et s’aligner en 5*. Nous essayons toujours de le gérer au mieux. Sur certains terrains, je préfère ne pas prendre de risques, car en 2019, il s’était blessé sur l’herbe à La Baule. Pour cette raison, dès que j’ai un petit doute sur le terrain, je ne prends pas le départ de l’épreuve.
“L’objectif est d’être autonome, avoir suffisamment de chevaux et éviter les creux”
Baladin des Matis vous a permis de participer à la victoire de la France lors du Sotheby’s International Realty CSIO Deauville, demi-finale du circuit CSIO 3* de la Fédération équestre européenne (EEF). Que pensez-vous de cette série ?
Je trouve qu’il s’agit d’un excellent circuit, qui permet de mettre des chevaux en avant, de les faire évoluer et de leur faire passer un cap. Cela est très intéressant pour leur progression. Pour cette raison, j’ai voulu y prendre part avec Baladin. Cela permet aussi à d’autres couples d’être testés avant de concourir en CSIO 5*.
Quel est votre objectif avec Baladin des Matis ?
À terme, le projet est de le vendre. Ce week-end, il court le 3* à Dinard et devrait prendre part à des 4* à Grimaud. Je devrais pouvoir alterner étant donné qu’il y aura cinq week-ends de concours, il devrait y prendre part à quelques Grands Prix.
Y a-t-il des chevaux sur lesquelles vous misez particulièrement pour l’avenir ?
Nous avons de bons chevaux de huit ans, à l’instar de Kalippo van de Wolfsakker. Nous avons aussi de très bons sept ans. Avec Mégane (Moissonnier, ndlr), nous nous partageons les chevaux, car la plupart de ceux que je monte désormais m’appartiennent au moins en partie. Je suis copropriétaire d’un certain nombre avec Laurent Guillet et Emmanuel Portet. En fonction de l’évolution des chevaux, ceux-ci sont répartis entre Mégane et moi. En prenant l’exemple d’Éclair Lande, un cheval que je montais en début d’année, j’ai fini par le lui passer car elle a eu l’opportunité de le faire progresser dans des concours importants tels que le CHIO d’Aix-la-Chapelle.
Le fait d’être copropriétaire des chevaux que vous montez vous confère une certaine liberté dans leur gestion ainsi que pour leur avenir, n’est-ce pas ?
Exactement ! Établir un programme devient beaucoup plus simple. Le choix de leur faire sauter deux ou trois épreuves, de les emmener à tel ou tel concours me revient donc tout est plus facile. Nous n’hésitons pas à acquérir pas mal de chevaux, afin d’essayer d’en trouver de bons car mon objectif est le haut niveau et de retrouver des chevaux pour être sélectionné en championnats. Pour cela, certains chevaux ont dû être vendus car il le fallait. Parfois, des propriétaires sont heureux d’avoir un retour, c’est notamment pourquoi Dallas a été vendue. Le but est toujours de pouvoir en racheter, nous avons par exemple quelques chevaux en vue en ce moment. Si nous voyons un très bon neuf ou dix ans, nous pouvons nous porter acquéreurs. L’objectif est d’essayer d’être autonome, avoir suffisamment de chevaux et éviter les creux.
“Pour Paris 2024, le temps est réduit, mais la motivation est là !”
Laurent Guillet, Emmanuel Portet et vous êtes donc les investisseurs de ce système, dans lequel Mégane Moissonnier et vous-même êtes les cavaliers, n’est-ce pas ?
Tout à fait ! Romain Ozzola, le cavalier de Laurent, réalise également un très bon travail. Le but est de toujours trouver de bons chevaux. Certains propriétaires prennent aussi des parts avec nous, comme notamment Didier Jacquart, afin de pouvoir investir et conserver des chevaux.
Vous l’évoquiez, Dallas Vegas Batilly a été cédée en septembre et évolue désormais avec succès avec le champion olympique Ben Maher, qui en pense le plus grand bien. Cette commercialisation vous a-t-elle permis de nourrir votre système ?
Cela nous a permis d’acquérir d’autres chevaux très prometteurs de sept et huit ans. En faisant investir des propriétaires, certains aiment avoir un retour afin que les choses soient concrètes. Ces réalisations les motivent à racheter d’autres bons chevaux car ils voient que le système fonctionne, c’est important. Nous sommes dans une optique de construction à long terme afin d’avoir davantage de chevaux et de pouvoir en conserver autant que possible. Je suis confiant ! Nous croyions en Dallas depuis très longtemps. La voir atterrir chez un tel cavalier nous fait vraiment plaisir après avoir réalisé une bonne partie du travail. Tout évolue dans le bons sens, nous avons eu raison de croire en elle et cela nous fait très plaisir.
À un an des Jeux olympiques, la FFE vient de rappeler que les listes olympiques restent encore ouvertes et que rien n’est encore joué. Espérez-vous pouvoir l’intégrer d’ici les prochains mois ?
Comme je l’avais fait savoir, je trouve que ces listes peuvent froisser les propriétaires. Certains voient que leur cheval n’apparaît pas sur la liste alors que d’autres oui. Cela leur donne l’impression que leur cheval a été oublié. Dans l’autre sens, certains propriétaires voient leurs chevaux dans ces listes et imaginent qu’ils pourront aller aux JO, alors que c’est en réalité un peu juste. Pour prendre l’exemple d’Ilex, je comprends qu’ils ne l’aient pas mis au départ car il a été blessé l’an passé et opéré du cornage. La liste prend en compte l’état de forme des chevaux mais cela peut de temps en temps fâcher certains propriétaires. Je pense que ces regroupement pourraient être un peu élargis.
Pour Paris 2024, je pourrais peut-être y prétendre avec un cheval que j’ai aujourd’hui ou un que nous trouverons bientôt. C’est aléatoire, ce sont les chevaux qui nous le diront. En tout cas, nous faisons tout pour essayer de trouver une pépite. Le temps est réduit, mais la motivation est là !