La physiothérapie manuelle au service de la préparation et de la récupération du cheval de sport

Le cheval de sport, qu’il concoure à haut niveau international ou en Amateurs, nécessite un environnement adapté. Dans l’optique d’une prise en compte optimale de ses besoins physiologiques, en préparation, en compétition et en récupération, une équipe complète et solidaire doit l’entourer: cavalier, soigneurs, coach, vétérinaire, maréchal-ferrant, mais aussi ostéopathe et pourquoi pas physiothérapeute manuel. Explications.



Pratique différente du shiatsu, technique culturelle japonaise, ou de méthodes complémentaires, dites “d’un nouvel âge”, comme la kinésiologie, qui cherche à effectuer un rééquilibrage physique, la physiothérapie propose une approche “rationnelle et mécaniste”, selon Florian Courraud, physio-massothérapeute équin.
La physio-massothérapie comprend différentes techniques manuelles de massage sportif visant à favoriser le confort locomoteur de l’athlète, le fonctionnement des organes, mais aussi l’assimilation des aliments, la circulation sanguine et lymphatique ou l’élimination des toxines dans le cadre de “réadaptations physiques mais aussi de façon préventive. Il traite donc la peau, les muscles et les tendons”, poursuit le thérapeute “autorisé” par la Fédération équestre internationale. “Il s’agit prioritairement de se concentrer sur les capacités physiques du cheval en visant un mieux-être en matière d’endurance, de résistance, de force et de puissance”. Pour ce faire, le thérapeute travaille en proprioception, considérant la perception que chacun d’entre nous a, de manière consciente ou non, de la position dans l’espace des différentes parties de son corps. Cette notion “favorise la coordination interne musculaire, le synchronisme et la justesse du mouvement”. En physiothérapie, le masseur recherche la moindre déficience qui pourrait nuire à un fonctionnement optimal.



Une approche individualisée

La préparation musculaire d’un cheval peut s’étendre, en physiothérapie manuelle, sur une période plus ou moins longue. “Je travaille avec de très jeunes chevaux, dont j’oriente la préparation sportive à long terme, voire des poulains, que j’accompagne dans leur croissance. Cependant, j’accompagne aussi fréquemment des chevaux en préparation musculaire pour une compétition définie”, décrit encore Florian Courraud. Dans tous les cas, il dispose de plusieurs techniques: effleurage, friction, palper-rouler, pétrissage et vibration. 
En compétition, le réveil musculaire se révèle très bénéfique. “Il prépare le corps à une activité donnée de façon préventive, et permet de limiter les blessures. Bien sûr, il est alors obligatoire d’adapter les techniques de massage: à chaque cheval, à chaque discipline ses particularités”. Un cheval préparant une épreuve de dressage sera ainsi accompagné pour se décontracter et gagner en souplesse, tandis que les massages d’un cheval de saut d’obstacles viseront à le tonifier. “Les étirements dynamiques peuvent alors intervenir, avec des mouvements pendulaires sollicitant des muscles agonistes et antagonistes, avec un procédé de contracté-relâché. L’important reste alors d’écouter attentivement le corps du cheval, d’analyser comment il réagit, pour cibler alors une réaction et constater qu’un muscle n’est pas encore complètement réveillé”, mais aussi de faire part de ses observations au vétérinaire dès que nécessaire.

Le masseur travaille aussi en phase de récupération musculaire. Il considère alors le moment où l’organisme revient à ses constantes de base après un effort. Dans cette optique, le thérapeute accompagne parfois des chevaux jusqu’à la retraite… Il existe plusieurs types de récupération, tous orientés autour de l’élimination des toxines produites lors de l’effort. La récupération active, par exemple, est très souvent pratiquée par les cavaliers. “Elle est intéressante, mais ce n’est qu’un apport à court terme. Le masso-physiothérapeute peut, lui, proposer à l’athlète des étirements passifs de récupération. Ils sont destinés à détendre et lever les tensions, et favorisent la vascularisation et donc la diminution des contractures. Brefs, puisqu’ils ne doivent pas dépasser dix secondes, ils sont exercés sans chercher le maximum d’amplitude”. On les différencie des étirements passifs posturaux, “qui se concentrent sur la souplesse musculaire, avec une amplitude maximale, et sont pratiqués à distance d’une échéance sportive. Le but est alors de développer la résistance à l’effort, mais aussi la masse musculaire. Souvent réalisés en hiver, ces étirements, fatigants pour les chevaux, peuvent se prolonger jusqu’à une minute”. Le physiothérapeute pratique aussi le massage de vasodilatation, dont “les objectifs sont l’élimination des toxines, mais aussi l’amélioration de l’apport en oxygène, la décontraction musculaire, la souplesse et l’amplitude articulaire”, détaille encore Florian Courraud.

L’accompagnement du cheval de sport ne doit donc pas être laissé au hasard. Pour être efficient, il doit être ciblé et le fruit de la concertation d’un ensemble de professionnels. Le cheval restant au centre de ces préoccupations, il faut avant tout savoir écouter ses réactions, à froid prioritairement, pour mieux comprendre les raisons de son comportement et rester dans le domaine de la physiologie. De façon systématique, lors d’un premier rendez-vous, le masseur interroge le cavalier pour connaître l’âge, la discipline, le niveau en compétition, les éventuelles pathologies et la date de la dernière visite avec un ostéopathe. “Ensuite, je demande à le voir marcher et trotter en ligne droite pour analyser sa manière de se déplacer. Une fois repérées les asymétries, au pas, au trot, puis à la palpation, je pose un premier bilan et propose un massage de bien-être, avant d’expliquer la fréquence à laquelle je pourrais envisager de voir le cheval concerné, en période de concours, mais aussi hors-saison. En s’adaptant au profil du cheval, je sélectionne différentes façons de masser, d’étirer. À la suite de ces manipulations, je revois le cheval en ligne droite au pas et au trot pour juger de l’effet du travail effectué”. 
À n’en pas douter, l’accompagnement du cheval de sport passe aussi par les explications et le dialogue.



La massothérapie et la médecine vétérinaire 

Interrogée sur la massothérapie, le docteur Isabelle Burgaud, docteure vétérinaire pratiquant à la clinique vétérinaire de l’IFCE-Site du Cadre Noir de Saumur et titulaire du D.I.E d’Ostéopathie Vétérinaire, apporte quelques précisions. La première notion convoquée est le rappel du rôle de l’ostéopathe, qui va plutôt se consacrer à travailler sur de petits muscles, très profonds, “les muscles paravertébraux”, muscles posturaux (qui servent à gérer l’équilibre), pour s’efforcer de libérer leurs tensions et les blocages articulaires. En levant les dysfonctions ostéopathiques, le praticien s’attend donc à observer une “modification de la posture”. Le masseur, lui, travaille sur les muscles superficiels permettant les mouvements de grands rayons osseux. Par son action, il va détendre ces grandes masses musculaires qui permettent l’amplitude du mouvement.  Par exemple, pour mobiliser le membre antérieur, l’un des muscles sollicités, le muscle brachio-céphalique (il fait plus d’un mètre de long et relie la tête au bras), participe, en se contractant, à l’avancée de l’antérieur (protraction). Quand le grand dorsal, placé derrière lui, se contracte, il permet à l’antérieur de reculer pour faire la propulsion. Si l’un de ces muscles souffre de contracture, le cheval présentera une gêne pour la réalisation d’un de ces mouvements. L’intérêt du massage, dans ce type de cas, sera “d’assouplir ces muscles pour augmenter leur élasticité. Il est important de toujours combiner les massages avec les étirements adaptés”.

Le massage sera utilisé autant en préparation qu’en récupération. Un muscle mal oxygéné (par exemple par compression de la selle) gagnera à être massé pour aider à drainer les toxines, soulager les douleurs et à retrouver une certaine souplesse après le travail.

“Le travail du masseur et celui de l’ostéopathe sont donc complètement complémentaires”. L’idéal est de ne pas solliciter le masseur en même temps que l’ostéopathe. “Le corps aurait en effet trop d’informations à gérer sur un temps trop court”. Le massage est intéressant lorsqu’il est répété. Il est long et difficile de masser efficacement la totalité des masses musculaires d’un cheval sur une seule séance, et en plus, un tel massage risquerait d’être fatigant pour l’équidé. Il faut considérer ce paramètre pour la préparation du cheval de sport, se souvenir que le massage va drainer beaucoup de toxines. Le choix de faire déjà intervenir le masseur, puis l’ostéopathe, est particulièrement judicieux : le masseur aura permis de relâcher toutes les tensions superficielles et l’ostéopathe travaillera alors plus facilement en profondeur si le cheval n’est plus douloureux au niveau de ses grandes chaines musculaires.

La clinique de l’IFCE utilise un appareil de massage en complément du travail en ostéopathie : les chevaux de sport viennent régulièrement profiter d’un massage. Avant une grosse échéance, ils recevront généralement, en plus de leur séanced’ostéopathie, trois séances de massages espacées d’une semaine avec une application préalable de cataplasme d’algues disposées sur les zones les plus contracturées (algothérapie).  Le massage aura lieu à la suite, sur un muscle bien préparé et bien chauffé par les algues (vasodilatation), ce qui permettra un meilleur drainage des toxines alors.

Pour la récupération après le travail, l’IFCE travaille en mettant les chevaux sur une plate-forme qui vibre et qui bouge, ce qui permet au cheval de travailler à la fois son équilibre et donc ses muscles posturaux profonds en même temps que de bénéficier d’une meilleure vascularisation et donc d’un meilleur drainage de ses masses musculaires. 

“En physiothérapie, aujourd’hui, il y a donc beaucoup d’outils très complémentaires les uns des autres pour le suivi du cheval athlète, comme il existe pour l’athlète humain. La plupart des outils peuvent aussi se combiner pour permettre l’amélioration de la performance”, rappelle en conclusion Isabelle Burgaud.