Comment bien aménager l’espace pour son vieux cheval?

L’espérance de vie des équidés augmente, et il faut s’en réjouir! Compagnon de longue date de l’Homme, le cheval est désormais choyé et accompagné tout au long de sa retraite. Il y a peu de temps encore, cette réalité n’était pas franchement une évidence. Plus fragile que ses congénères dans la fleur de l’âge, un vieux cheval nécessite une grande attention, des soins accrus, ainsi que quelques aménagements du quotidien.



“En 2021, 126 000 équidés sont âgés de plus de vingt ans”, rapportait le collectif formé par Pauline Doligez, Laetitia Le Masne et Marie Delerue au sein d’un article publié sur le site d’équipédia, le pendant encyclopédique de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Plus significatif, “en l’espace de dix ans, la population d’équidés de plus de vingt ans est passée de 81 000 (en 2011) à 126 000 (en 2021), alors que, dans le même temps, la population totale a légèrement diminué. Cela est notamment dû à une augmentation des naissances dans les années 1990-2000 et à une forte diminution des abattages.” Mieux soignés, mieux nourris et mieux considérés, les chevaux ont vu leur espérance de vie s’allonger ces dernières décennies. Aujourd’hui, les plus âgés d’entre eux font l’objet d’une attention particulière, et leurs propriétaires, pour l’immense majorité, s’évertuent à leur offrir la plus belle vieillesse possible. Souvent, l’alimentation est d’ailleurs la première dépense évoquée lors de la prise en charge d’un vieux cheval. Avec sa table dentaire très usée, voire avec des dents manquantes, celui-ci mastique en effet moins bien, salive difficilement et assimile plus mal les nutriments. Globalement dominé dans le groupe, il a souvent moins accès au fourrage s’il vit en troupeau et doit quasi systématiquement être complémenté en concentrés, tant il est rare que ses besoins nutritionnels soient entièrement couverts par le foin ou l’herbe. En sus, due à la fréquence d’exposition, le cheval d’âge est régulièrement touché par des pathologies respiratoires causées par les poussières, les moisissures, les spores et les bactéries contenues dans le fourrage.

L’étuveur à foin permet de réduire drastiquement les agents pathogènes responsables des maladies respiratoires.

L’étuveur à foin permet de réduire drastiquement les agents pathogènes responsables des maladies respiratoires.

© Taylor Pence/Haygain



Sus aux poussières!

Pour permettre l’éviction de la poussière, de nombreux propriétaires pratiquent le mouillage ou le trempage du foin. Si ces techniques contribuent à réduire le nombre de particules respirables présentes dans le foin, elles ont malheureusement le désavantage de lessiver les brins de leurs qualités nutritionnelles et de leurs sucres, voire de devenir un milieu favorable au développement des bactéries. Pour limiter l’infusion du foin, il est ainsi recommandé de ne pas dépasser une heure de trempage. Plus coûteuse mais terriblement efficace, l’étuvage est une technique de purification du foin grâce à une longue exposition à la vapeur d’eau, chauffée à 100°C. 

Le purificateur de foin, dont les premiers modèles sont arrivés sur le marché en 2009, a rapidement conquis le public. Son prix élevé reste malheureusement un frein, que certains acheteurs essaient de contourner en fabriquant eux-mêmes leur propre machine. “Attention aux purificateurs faits maison via des poubelles en plastique ou des congélateurs: ces matériaux ne sont pas destinés à être chauffés à hautes températures et présentent des risques de contamination de plastique. En outre, ce genre de bricolage crée plutôt un milieu chaud et humide servant d’incubateur aux moisissures, au lieu de stériliser le foin”, alerte Sandrine Lacomme, présidente d’À Cheval, société normande notamment distributrice officielle en France des purificateurs de foin Haygain, marque leader dans ce domaine. 

Même bien fabriqué et soudé, il est très rare en effet qu’un purificateur artisanal puisse maintenir une telle température jusqu’à complète suppression des agents pathogènes, lorsque la marque leader – et unique à ce jour – Haygain avance des taux abaissés à 98% pour la contamination par les bactéries, et même 99% pour la contamination des moisissures. Bonus non négligeable, si le foin étuvé est bénéfique pour les chevaux emphysémateux, il est également plus appétant et plus digeste, une aubaine pour les vieux chevaux, à l’appétit et l’estomac fragiles. Pour profiter de ces bienfaits et amortir le coût, plusieurs propriétaires d’une même écurie forment parfois un groupe d’acheteurs et se partagent ensuite l’étuveur. Étant donnée son utilisation fragmentée, l’ambition d’un partage est tout à fait possible. 

Quelles sont, à ce sujet, les conditions d’usage d’un étuveur à foin? “Un purificateur Haygain a besoin d’un coin abrité, d’une alimentation secteur et de quelques litres d’eau (de 3,5 l à plus de 8 l selon les modèles, ndlr) à transvaser à l’arrosoir. On réalise généralement deux tournées de foin, soit successives, soit matin et soir”, reprend Sandrine Lacomme, en précisant: “Nous conseillons de donner le foin purifié dans les vingt-quatre maximum, afin d’éviter une recontamination. Une prise programmatrice permet d’anticiper les besoins de temps de stérilisation. Une purification réussie dure généralement une heure, en comptant minimum vingt minutes à 80°C dans toute la malle et 100°C au cœur du foin.” Si le foin monte à très haute température, il garde néanmoins l’avantage de se refroidir rapidement à l’air libre et de pouvoir être distribué dans un délai très court. “Il est à noter, enfin, qu’un foin purifié garde ses valeurs nutritionnelles, même si l’on relève une légère perte au niveau des sucres (d’environ 3% selon des études, quand aucun effet n’a été trouvé sur la teneur en protéines brutes, ndlr)”, conclut la présidente d’À Cheval.



Box, stabulation: quand le vieux cheval vit à l’abri

Pour les chevaux âgés susceptibles de mal calculer leurs mouvements, il est possible d’installer des pads de protection sur les parois, en complément d’une litière confortable et d’un tapis de couchage.

Pour les chevaux âgés susceptibles de mal calculer leurs mouvements, il est possible d’installer des pads de protection sur les parois, en complément d’une litière confortable et d’un tapis de couchage.

© Cheval Liberté

“Les propriétaires hébergeant de vieux chevaux aménagent en général de grands espaces pour le box ou la stabulation, si le cheval est rentré la nuit ou en hiver”, commente Cléa Durand, directrice des opérations de la société équipementière Cheval Liberté. Si la libre circulation est nécessaire à tous les équidés, quel que soit leur âge, il est vrai que l’on remarque assez vite qu’un vieux cheval cherchera plus fréquemment un abri pour se mettre au chaud ou au frais, se coucher, ou tout simplement se reposer de la proximité de congénères trop actifs. À un âge très avancé, il hésite souvent à se coucher, car il craint l’humidité et le froid du sol, ou appréhende de ne pouvoir se relever, faute d’avoir de bons appuis. Cette dernière intention n’est d’ailleurs pas toujours bien anticipée par les équitants, tant ils sont habitués à voir un cheval en pleine force de l’âge se rouler et se relever prestement sans nécessiter un sol très adéquat. Pourtant, tout propriétaire de vieux cheval a déjà angoissé en voyant son partenaire patiner sur un sol relativement glissant ou, pire, tomber lourdement et se casser quelque chose. “Pour gagner en confort, nous proposons de capitonner le sol avec des dalles en caoutchouc antidérapantes, qui absorbent les chocs et les chutes. Il est également possible d’installer des “kick pads” sur les parois”, reprend Cléa Durand, de Cheval Liberté, proposant des équipements et accessoires d’écurie, dont des protections murales et de sols. 

“En France, le revêtement protecteur en caoutchouc a longtemps été considéré comme un produit réservé aux élites, alors qu’il est bien plus répandu en Allemagne ou dans les pays scandinaves, par exemple, où la gestion du bien-être animal est globalement plus avancée”, note François Perier, gérant de l’entreprise normande PM Environnement, spécialiste de l’aménagement et de la conception équestres grâce à une très large gamme de produits. Pour les revêtements destinés aux sols, le choix du produit repose plutôt sur la capacité du caoutchouc à être isolant et à supporter ou non des charges lourdes comme des engins mécaniques. “Il y a plusieurs gammes de prix selon le matériau, pour s’adapter aux besoins et aux budgets”, poursuit le gérant. “Concernant les protections de parois, on note souvent trois catégories: la plus fine, de l’ordre de moins d’un centimètre d’épaisseur, l’intermédiaire, faisant quatre centimètres, et la dernière, contenant jusqu’à quinze centimètres, très souvent utilisée en salle de réveil au sein des cliniques vétérinaires. Nous mettons souvent en avant l’épaisseur intermédiaire, car c’est la plus polyvalente pour absorber les chocs. Au lieu de très grandes plaques de caoutchouc, très lourdes à manœuvrer, il est préférable de se tourner vers des panneaux de taille plus modeste, de l’ordre de trente centimètres de large. En cas de pépin, il est ainsi possible de ne changer qu’une seule portion, pour un produit se maintenant facilement une vingtaine d’années.” Les prix de production et de livraison ayant considérablement augmenté ces dernières années, il est préférable de miser sur de gros volumes à l’achat. “Nous travaillons également des panneaux sur mesure pour les besoins des clients. Nous avons dernièrement développé des suspensions en caoutchouc pour paddocks, ronds de longe, barrières de boxes, etc. Elles évitent les blessures et, surtout, les blocages si un cheval se roule trop près du bord. Elles sont particulièrement utiles pour les jeunes et vieux chevaux, qui ont tendance à mal calculer leurs roulades”, conclut François Perier. En voyant son partenaire coincé contre une paroi, n’importe quel propriétaire aura également envie de pousser les murs, tant la situation peut devenir dangereuse… “Les séparations coulissantes de boxes (autre spécialité de Cheval Liberté, ndlr) sont d’un grand secours dans ces cas-là. En quelques secondes, la paroi est bougée, et le cheval, libéré”, souligne Cléa Durand.



Surveiller d’un bon oeil...

Appui visuel et factuel par excellence, la surveillance des boxes par caméra est de plus en plus plébiscitée. Au terme d’un sondage en ligne effectué par GRANDPRIX et Horse Development en 2021 auprès d’un panel de neuf cent huit lecteurs, un peu plus de la moitié des sondés s’étaient déclarés favorables à accepter un surcoût de la pension afin de bénéficier de ce service. “Notre caméra connectée s’adresse à tous, de l’athlète au cheval retraité. Nous avons, bien sûr, déjà eu des clients ayant acheté une caméra pour surveiller spécifiquement leurs vieux chevaux”, entame Sébastien Dubois, président et cofondateur de l’entreprise iséroise Coho, récemment choisie comme fournisseuse des équipes de France. “Il est possible de paramétrer la caméra Coho pour alerter si le cheval reste couché trop longtemps, s’il le fait fréquemment et, plus globalement, si son budget-temps (temps attribué à une action au cours d’une journée, ndlr) change. Une de nos clientes l’avait installée pour surveiller son vieux cheval, toujours très régulier dans ses activités. Durant une semaine, l’intelligence artificielle a noté un décalage des heures de coucher, puis une absence totale de coucher. Quelque chose n’allait pas! Le vétérinaire a été appelé et a pu soigner l’équidé. Ce genre de détection précoce est quasi impossible à faire avec une stricte surveillance humaine. Dans la même veine, notre caméra est capable d’opérer un relevé de températures heure par heure et d’indiquer les minimales, les maximales, etc. En un seul coup d’œil, on peut anticiper la pose d’une couverture, ce qui est primordial pour un vieux cheval, souvent frileux.” La digitalisation des données – photos prises en time lapse, courtes vidéos – permet, en outre, leur partage virtuel et peut être un appui de choix pour le diagnostic du vétérinaire.



... jusqu’au bout

C’est un sujet que tout propriétaire et cavalier aimerait éviter: anticiper la mort de son équidé. Si celle-ci fait partie du cycle de la vie, elle n’en demeure pas moins une difficile épreuve, tant sur le plan émotionnel que logistique. Sauf de très – très – rares exceptions à la règle où le cheval peut être enterré sur place, tout corps d’équidé doit être enlevé par un équarisseur, dont le camion de 19 tonnes (2,55m de large, 8m de long et 3,6m de haut) nécessite de nombreuses conditions de déplacement et de ramassage: un sol porteur, loin des toitures, des poteaux et des fils électriques – qui foisonnent davantage que l’on n’y prête attention –, d’une route très passante, des clôtures, d’un arbre ou d’une haie, ni au milieu d’un champ ni dans un box, etc. Il est donc malheureusement nécessaire de réfléchir en amont à un emplacement, planifier d’emprunter un petit tracteur si besoin, ainsi que prévoir une importante quantité de paille pour recouvrir le corps dans l’attente de son déplacement, la bâche étant déconseillée – et même interdite lors du ramassage – par la société d’équarrissage. Nul besoin de préciser qu’un deuil est toujours moins difficile lorsqu’il est épargné de galères logistiques, donc l’anticipation est un bon maître-mot en la matière.

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.