Hormis quelques défaillances, les favoris sont au rendez-vous dans l’acte un de la finale de la Coupe du monde

Comme les observateurs aiment à le rappeler, il n’y a rien à gagner mais tout à perdre dans l’acte un de la finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles. Aujourd’hui à Riyad, l’adage s’est confirmé avec une amorce parfaite des deux représentants suédois, des performances solides de la plupart de leurs principaux concurrents, ainsi que de véritables contre-performances de quelques duos attendus. La France n’y a pas échappé, avec du très bon, une prestation encourageante et un scénario catastrophe.  



Des favoris qui répondent présent…

Malgré une faute, Julien Épaillard et Dubaï du Cèdre sont en haut de tableau ce soir.

Malgré une faute, Julien Épaillard et Dubaï du Cèdre sont en haut de tableau ce soir.

© HippoFoto

L’acte un de la finale de la Coupe du monde Longines de Riyad s’est conclu avec une domination suédoise nette. Face à des tribunes plutôt garnies, ce premier rendez-vous a été entrecoupé de deux pauses, qui ont quelque peu cassé le rythme et enlevé de saveur à cette entame. Imaginé par l’Allemand Frank Rothenberger, le premier parcours jugé au barème C sur une grande piste indoor a proposé diverses options aux trente-quatre engagés de ce championnat printanier, offrant un scénario captivant. Si pour certains, le tracé a été une formalité, celui-ci s’est révélé être un véritable casse-tête pour d’autres.

Archi favori dans cette finale du circuit indoor, qu’ils ont remporté haut la main l’an passé, Henrik von Eckermann et son indissociable King Edward Ress ont frappé un grand coup d’entrée de jeu en s’imposant. Le minuscule alezan, qui a déjà mené son cavalier vers l’or olympique par équipes et deux titres de champion du monde en 2022, s’est montré particulièrement en forme et réactif. “Notre parcours a été excellent, bien meilleur que l’an passé à Omaha, même si le résultat est le même. King Edward était beaucoup plus calme et a sauté de manière formidable, sans que je n’aie à le pousser en avant”, a commenté le Suédois, qui arbore le brassard de numéro un mondial depuis plus de vingt mois. En coupant les cellules d’arrivée en 66“28, le duo a devancé un autre couple venu de Suède, composé de Peder Fredricson et son très en forme Catch Me Not S, le vétéran de l’épreuve du haut de ses dix-huit ans. La paire court sa deuxième finale du circuit, la première datant déjà de six ans, à Göteborg, où le gris avait mené son cavalier sur la troisième marche du podium, bien aidé par l’extraordinaire double vice-champion olympique H&M All In. “Je suis très heureux car j’ai réussi à imprimer un bon rythme et mon cheval a très bien sauté. J’espère pouvoir continuer ainsi”, s’est réjoui le cavalier des écuries Grevlunda. 

Derrière l’hégémonie scandinave, Hans-Dieter Dreher a livré une excellente prestation avec Elysium, qu’il a sagement préparé sur trois petits parcours au CSI 2* de Lier, il y a deux semaines. Quatrième à Bâle et Stuttgart, le gris pourrait bien mener l’Allemand vers une première grande performance individuelle, lui qui n’a connu que les dix-huitième et dix-neuvième places en finale de Coupe du monde, respectivement en 2015 et 2013. 

Figurant bien sûr parmi les favoris pour cette épreuve face au chronomètre, qu’il défie à longueur de temps, Julien Épaillard a bien entendu réussi son entrée en matière, paré des couleurs de l’équipe de France. Bien que déçu par sa faute sur le n°5, tombé après que lui et sa bouillonnante Dubaï du Cèdre ont fait bouger le chandelier, le Normand pointe ce soir au quatrième rang du championnat. Pour rappel, le système de point est différent des autres championnats ; les épreuves d’aujourd’hui et demain tiennent compte du classement et non pas du résultat. Demain soir, la somme des deux premiers actes sera divisée par deux, ce qui donnera les écarts de points entre chaque duo. Henrik von Eckermann cumulant aujourd’hui trente-cinq points, contre trente-et-un pour Julien Épaillard, tous deux ne sont en réalité séparés que par deux réels points de la finale dominicale. En bref, tout est encore très ouvert pour le cavalier du haras de la Bosquetterie ! 

Parmi les excellentes amorces, notons aussi celles de Kent Farrington et Toulayna, ainsi que des très rapides mais fautifs sur l’avant-dernier saut Ben Maher et Dallas Vegas Batilly, vainqueurs de l’étape véronnaise. Mentionnons encore les lauréats de l’étape de fin d’année à Malines, Christian Ahlmann et Mandato van de Neerheide. En tête du tour d’honneur à Bordeaux, Steve Guerdat et Is-Minka sont aussi toujours dans le coup à la neuvième place, malgré une franche faute sur la palanque. La surprise du soir est venue des États-Unis avec l’ultime partante du jour, Skylar Wireman, âgée de vingt ans. Gagnante à Fort Worth avec son exceptionnel Tornado, celle-ci a montré une combativité remarquable, qui l’a menée au dixième rang de l’épreuve. Après l’impressionnant coup d’éclat d’Hunter Holloway, troisième l’an passé à Omaha, le Stars and Stripes lui aurait-il trouvé un relais en Skylar Wireman ? 

Idéalement lancé, Peder Fredricson est aux trousses de son compatriote Henrik von Eckermann.

Idéalement lancé, Peder Fredricson est aux trousses de son compatriote Henrik von Eckermann.

© HippoFoto



Des outsiders qui impressionnent ou jouent placé…

Courant pour la première fois dans un grand championnat avec leurs chevaux respectifs, ce qui ne leur permettait pas de figurer parmi les favoris au titre, les cadors Grégory Wathelet, Scott Brash, ou encore Marcus Ehning, pointent ce soir entre les onzième et dix-neuvième places. Avec Ace of Hearts, un cheval découvert dans l’écurie du dresseur français Alexandre Ayache, le Belge a été battu sur l’entrée du troisième double. L’Écossais a connu un tour plus musclé sur Hello Valentino, signant le premier sans-faute de l’épreuve avec un chronomètre honorable. “Pour nous, cette épreuve était la plus difficile”, a reconnu Scott Brash en fin de course. Quant au centaure allemand, ouvreur de l’épreuve, le bilan est un peu amer. Vainqueur à Madrid, celui-ci n’a pu dérouler un parcours aussi fluide qu’espéré. “C’est une entame un peu difficile, mon cheval n’était pas réellement prêt à aller vite directement en début de tour”, a reconnu le vainqueur de l’étape madrilène avec Coolio. 

Parmi les outsiders compte-tenu de sa saison réussie et notamment auréolée d’une deuxième place dans l’étape bordelaise, Jeanne Sadran a réussi son entrée en matière, puisqu’elle occupe ce soir le seizième rang, en première moitié de classement. La Toulousaine, qui court sa toute première finale à vingt-trois ans, se serait certainement bien passé de sa faute sur la palanque n°4, placée en bout de ligne, sans laquelle elle aurait pu intégrer le Top 10. Chaque parcours étant comptabilisé, rien n’est toutefois perdu.  

À ce stade, tout reste ouvert pour Jeanne Sadran et son génial Dexter de Kerglenn.

À ce stade, tout reste ouvert pour Jeanne Sadran et son génial Dexter de Kerglenn.

© HippoFoto



Et quelques manqués…

N’ayant jamais figuré au-delà du onzième rang en finale du circuit indoor, Martin Fuchs va devoir se relever pour conserver cette statistique.

N’ayant jamais figuré au-delà du onzième rang en finale du circuit indoor, Martin Fuchs va devoir se relever pour conserver cette statistique.

© HippoFoto

Bien que sa prestation ne relève pas de la catastrophe, on aurait pu imaginer Martin Fuchs bien plus haut dans le classement. Homme de championnats, le Suisse, qui a déjà remporté ce rendez-vous en 2019 à Leipzig, n’est pourtant “que” au vingt-troisième rang après ce barème C. Le numéro quatre mondial a cette fois misé sur Commissar Pezi, engagé pour la première fois dans un championnat à onze ans. Délicat, le bai brun qui avait conclu sa préparation sur une victoire dans le Grand Prix 3* de Gorla Minore, a laissé à terre le n°6 et complètement traversé le vertical n°12. Un parcours à oublier pour le duo. 

Deuxièmes de la finale de Paris en 2018, derrière Beezie Madden et Breitling LS, Devin Ryan et Eddie Blue ne sont que vingt-cinquièmes ce soir, le gris ayant laissé trois barres à terre, ajoutant neuf secondes à son chronomètre. Pour ces représentants du Stars and Stripes, gravir à nouveau le podium semble relever de l’utopie à ce stade. 

Lauréat des deux première étapes de la saison à Oslo et Helsinki, en octobre, Richard Howley et Equine America Consulent de Prelet Z abordaient ce tout premier championnat avec de légitimes ambitions. Après une excellente amorce de parcours et un tournant très serré, le bai a refusé le vertical n°10A, premier élément d’un double, semblant surpris par le bidet posé à son pied. Manifestement surpris par la réaction du fils de Fuego du Prelet, l’Irlandais a mis du temps à se remettre en route pour se représenter devant la combinaison, laissant filer les secondes… 

Enfin, la soirée a été particulièrement éprouvante pour Kevin Staut, engagé dans sa douzième finale du circuit, et sa partenaire de longue date Visconti du Telman. Après un début de parcours convaincant, le numéro quinze mondial a tenté de prendre la même option que bon nombre de ses confrères pour aborder le mur placé en n°8. À l’amorce du tournant, le Normand et la fille de Toulon de quinze ans ne se sont toutefois pas compris, celle-ci prenant son appel pour sauter le vertical n°4 à l’envers, ce que le pilote n‘a pu empêcher. Dès la réception, Kevin Staut a poursuivi son parcours, franchissant plusieurs obstacles, avant que le jury ne sonne la cloche pour lui signifier son élimination. Douzième l’an passé, le duo ne pourra poursuivre la compétition. 

Le deuxième des trois actes de la finale de la Coupe du monde se tiendra demain dès 17h50. Il s’agira d’une épreuve au barème A avec un barrage, dans laquelle les couples s’élanceront dans l’ordre inverse du classement provisoire. 

Le résultat de l’épreuve au barème C

Le plan de parcours

Le classement général

La finale de la Coupe du monde Longines commentée par Kamel Boudra et Fabienne Daigneux-Lange est à suivre en direct et en intégralité sur Clipmyhorse.tv



À NOS LECTEURS

Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions; et l’homosexualité est pénalisée de mort…

Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper: cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.

Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, GRANDPRIX a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de GRANDPRIX ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.



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