“Le véritable et grand sport se court dans des salles remplies de milliers personnes, pas à Riyad”, Olivier Robert
Depuis hier et jusqu’à samedi, Olivier Robert suit sur Clipmyhorse.tv la quarante-quatrième finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles. Lui-même finaliste en 2017 à Omaha et en 2019 à Göteborg, le Girondin livre chaque jour son éclairage sur ce sommet printanier. Il dresse aujourd’hui le bilan du premier acte, évoque une bonne surprise, les performances françaises, ainsi que le choix controversé de Riyad pour acceuillir ce sommet printanier.
Un parcours intéressant
Le compte-rendu de l'acte un est disponible ici
“Ce qui ressort de cette amorce, c’est que la finale va être très serrée. L’épreuve de cet après-midi s’annonce palpitante, car elle compte beaucoup pour la suite du championnat. Le parcours sera certainement sélectif, car à ce stade, treize ou quatorze chevaux sont bien partis. Le tour d’hier m’a semblé raisonnable, particulièrement en ce qui concerne la hauteur. Il a toutefois été assez fautif, mais pas tellement dans les combinaisons, ce qui est une bonne chose. Il y avait notamment une option franche sur le mur, c’était intelligent de la part du chef de piste (l’Allemand Frank Rothenberger, ndlr) de proposer cela. Ceux qui ne la prenaient pas n’ont pas perdu énormément de temps, mais il était préférable de la prendre pour gagner.”
Les meilleurs
“J’ai été agréablement surpris par certains chevaux. Celui de Hans-Dieter Dreher (Elysium, ndlr) s’est montré vraiment frais et figure selon moi parmi les favoris, de même que Peder Fredricson, dont le cheval Catch Me Not S était vraiment dans le coup malgré ses dix-huit ans. J’ai apprécié leurs parcours et j’ai hâte de voir la suite en fin d’après-midi ! Je crois que Henrik von Eckermann est loin d’avoir déjà gagné, car la concurrence est solide derrière lui. Il va falloir qu’il soit irréprochable. Son cheval (King Eward,ndlr) est en belle forme et saute magnifiquement bien, mais il faudra qu’il soit présent à chaque instant.”
Tout le monde semble à sa place après l’acte un
“C’est tout à fait juste. Par exemple, la jument de Steve Guerdat, Is-Minka, a commis une faute car il voulait gagner. Tout le monde se bat pour la victoire et je crois que chacun est à sa place après cette amorce. Le parcours de ce soir va être palpitant !
J’avais quelques réserves concernant le cheval de Martin Fuchs (Commissar Pezi, avec qui le Suisse n’est pour l’heure que vingt-troisième, ndlr) et celles-ci se sont confirmées hier. Cela ne veut toutefois pas dire qu’ils ne vont pas gagner l’épreuve de ce soir !
En ce qui concerne Richard Howley, qui a remporté les étapes d’Oslo et Helsinki en octobre (avec Equine America Consulent du Prelet Z, ndlr), je ne suis pas surpris de cette contre-performance, car lui et son cheval n’étaient plus vraiment dans le coup depuis. Ils n’étaient selon moi ni dans les favoris, ni dans les outsiders.
Parmi les bonnes surprises, je dirais que Skylar Wireman a tiré son épingle du jeu. J’ai apprécié sa belle équitation américaine, empreinte de générosité et de spontanéité. C’était chouette à regarder et cela m’a fait penser à Hunter Holloway, troisième de la finale l’an passé (avec la formidable Pepita Con Spita, ndlr) en crevant l’écran avec son sourire et sa qualité d’équitation. Cela amène de la fraicheur, et j’espère que ce soir, Jeanne aura ce même sourire.”
Les performances françaises
“Bien sûr, Julien (Épaillard, pour l’heure quatrième avec Dubaï du Cèdre, ndlr) court cette année pour la victoire. Il a pris les risques qu’il fallait et a joué d’un peu de malchance sur sa faute. Je ne pense pas que cela l’empêchera de se battre pour la victoire dimanche. Il a pris les risques nécessaires, tout comme Kevin Staut l’a fait pour gagner. Ce dernier comptait sur une jument d’expérience pour bien figurer, mais cela n’a malheureusement pas suffi (le Normand a été éliminé après que Visconti du Telman a sauté le vertical n°4 à l’envers alors que son cavalier lui demander de tourner pour l’option avant le mur n°8, ndlr). Cela n’arrive quasiment jamais, mais ça s’est produit au mauvais endroit. Ils allaient chercher la victoire et il n’y a semble-t-il pas de faute technique. Hier, je le citais parmi les favoris, et il se trouve que sa jument sautait en effet très bien. Il ne manque qu’eux aux avant-postes. J’ai vu la vidéo au ralenti et il se trouve qu’ils ont l’air de sauter en dehors des fanions, ce qui pose question.
Quant à Jeanne, elle a déroulé un parcours prudent mais avec beaucoup d’envie. Elle est dans le coup et un double zéro aujourd’hui pourrait lui permettre d’intégrer les six ou huit meilleurs. C’est son objectif, elle mériterait d’y parvenir et cela semble réaliste compte-tenu de sa saison.”
Vivement l’année prochaine à Bâle
“Vivement l’année prochaine à Bâle, où le public sera dingue et présent en nombre, contrairement à Riyad, où l’ambiance semble nulle. Les gens semblent à peine prêter attention à ce qu’il se passe en piste… Je déteste l’endroit et l’atmosphère. Je pense toutefois que les chevaux s’y sentent heureusement bien car le paddock est grand et qu’ils ont été bien accueillis. Malgré tout, le véritable et grand sport se court dans des salles remplies de milliers de personnes qui vibrent comme à Göteborg, Bâle, Lyon, Bordeaux, Leipzig, pas à Riyad. Le sport est formidable quand les gens transpirent le bonheur ou pleurent dans les tribunes. Voir une finale de la Coupe du monde à Riyad est insensé.”
À NOS LECTEURS
Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions; et l’homosexualité est pénalisée de mort…
Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper: cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.
Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, GRANDPRIX a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de GRANDPRIX ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.