Patrik Kittel remporte sa première finale de la Coupe du monde au terme d’un scénario totalement inattendu

Alors qu’il disputait sa neuvième finale de la Coupe du monde à Riyad avec Touchdown, Patrik Kittel est monté pour la première fois sur le podium de ce championnat ce vendredi 19 avril…et sur la plus haute marche! Au terme d’un scénario complètement inattendu, le Suédois a devancé de 0,232 point la Danoise Nanna Skodborg Merrald avec Blue Hors Don Olymbrio, et de 0,257 point l’Allemande Isabell Werth, qui avait sellé Quantaz. Cette épreuve, tout au long de laquelle le jury s’est montré plutôt exigeant, a également été marquée par l’élimination de Charlotte Fry et Everdale. Seule Française engagée, Morgan Barbançon Mestre a remonté sept places par rapport au Grand Prix d’ouverture de mercredi pour se classer septième avec son fidèle Sir Donnerhall II.



Si l’on entend parfois que le dressage peut être ennuyant et proposer à ses spectateurs des scénarios peu palpitants, cela a été loin, très loin même, d’être le cas durant cette édition 2024 de la finale de la Coupe du monde! Mercredi, d’abord, la relative contre-performance d’Isabell Werth et Quantaz dans le Grand Prix d’ouverture avait créé une demie sensation. Ce vendredi 19 avril, le cours des événements a été bien plus inattendu encore dans le Grand Prix Libre, seule épreuve comptant réellement pour l’attribution du trophée mondial. Déjà, les organisateurs avaient fait un choix plutôt surprenant en décidant de ne pas décomposer la liste de départ en groupes égaux, alors même que l’ordre de départ est, lui, déterminé par un tirage par groupes de cinq. Ainsi, le jeune Raphael Netz, vingt-cinq ans, qui faisait partie du Top cinq du Grand Prix de mercredi et que le tirage au sort avait désigné ouvreur de son groupe, a dû s’élancer avant la deuxième et dernière pause, alors que seuls quatre concurrents devaient entrer en piste après celle-ci. Cela ne l’a pas empêché de dérouler une bonne reprise avec le sensible Great Escape Camelot, que l’on a vu parfois ouvrir la bouche alors que le contact adopté par son cavalier semblait pourtant plutôt léger. Ayant notamment livré de belles sessions de passage, le couple a terminé cinquième avec une moyenne de 76,482%.



Première à s’élancer après la dernière pause sus-nommée, Charlotte Fry portait pour beaucoup le statut de favorite aujourd’hui avec Everdale, en raison de leurs performances des derniers mois, mais aussi des difficultés rencontrées par Isabell Werth plus tôt dans la semaine. Oui mais voilà…la Britannique n’a même pas pu pénétrer au sein du rectangle de compétition! En effet, alors qu’elle en faisait le tour sur son étalon noir avant de débuter sa reprise libre, du sang a été observé dans la bouche du fils de Lord Leatherdale. En vertu du règlement, le président du jury, Hans-Christian Matthiesen, a donc éliminé le couple. Restaient alors trois cavaliers sur la liste de départ: Nanna Skodborg Merrald, Isabell Werth et Patrik Kittel. Présentant une nouvelle reprise sur le thème de Spiderman avec son Blue Hors Don Olymbrio, la première avait déjà terminé deuxième de la finale de la Coupe du monde l’an passé, à Omaha, où le niveau était plus élevé que lors de cette édition saoudienne, aux rênes de Blue Hors Zepter. Tout au long de sa prestation, Don Olymbrio s’est montré très tonique, aujourd’hui à Riyad. Abaissant vraiment ses hanches et prenant du poids sur son arrière-main dans les pirouettes et les piaffers - où il a en revanche parfois eu du mal à trouver le bon rythme en début d’exercice - notamment, le fils de Jazz a adopté globalement un équilibre très montant, a fortiori dans le travail au galop. Pouvant en revanche être parfois un peu trop fermé dans son attitude et ouvrir la bouche de temps à autre, l’alezan n’a pas eu le moindre mal à enchaîner les difficultés de sa reprise, obtenant d’ailleurs des notes entre 9,4 et 9,8 pour son degré de difficulté! Au total, l’étalon et sa cavalière ont récolté 81,429% des points, établissant le premier score de référence de l’épreuve.

Entrant en piste à la suite du couple danois, Isabell Werth et Quantaz semblaient tout à fait capables de le devancer. Le hongre, qui n’aurait initialement pas dû disputer cette finale, se montrant tendu autour du rectangle, la quintuple vainqueure en finale de la Coupe du monde a tenté de le décontracter avant d’entamer sa prestation. Dès le début de sa reprise, le fils de Quaterback a cependant montré quelques signes de stress, ouvrant notamment régulièrement la bouche alors même que l'Allemande semblait monter de manière plutôt prudente. Ayant livré de belles sessions de passage ainsi que plusieurs piaffers empreints d’élasticité et présentés dans une bonne cadence, le couple n’a pas brillé dans les lignes de changements de pied mais a tout de même réussi à les réaliser sans faute, contrairement à mercredi… Ce qui ne lui a pas suffi pour reprendre la tête, puisqu’il est sorti de piste avec une moyenne de 81,404%!



Vainqueurs de l’étape de la Coupe du monde de Herning en octobre dernier, Patrik Kittel et Touchdown étaient les derniers à s’élancer à Riyad. Onzième de la Libre des Européens en 2023 et septième de celle des Mondiaux en 2022, le couple évoluait, comme à l’habitude, sur un accompagnement de musiques épiques. Présentant un passage qui a parfois des airs de trot stylisé et manque donc un peu de rassembler, le second fils de Quaterback au départ a réalisé ses appuyers au trot avec une belle amplitude latérale et dans une bonne cadence. Ouvrant régulièrement la bouche, peut-être en raison du contact parfois très franc adopté par Patrik Kittel, le bai a en revanche livré des pirouettes bien serrées et des lignes de changements de pied amples. Et à la sortie de piste du duo, c’est un score de 81,661% qui s’est affiché sur l’écran géant…lui offrant ainsi la victoire. Visiblement très ému, Patrik Kittel, qui avait déjà disputé huit finales de la Coupe du monde avant celle-ci sans jamais monter sur le podium, a expliqué avoir été “nerveux toute la journée.” “J’ai essayé de contrôler mon stress et Touchdown a été incroyable”, a-t-il poursuivi. “Je savais qu’Isabell et Nanna avaient obtenu des scores élevés et la situation était particulière pour moi, car c’était la première fois que je m’élançais en dernière position, mais mon cheval était déjà fantastique à la détente. Je suis absolument submergé par l’émotion, ce qui ne m’arrive pas souvent. On espère toujours gagner, mais y arriver, c’est absolument génial! Pour autant, la plus belle victoire pour moi réside dans la puissance et l’esprit combatif que montre Touchdown.”



Outre le fait que seul 0,617 point de pourcentage sépare le vainqueur d’Isabell Werth, troisième, un autre élément montre à quel point les résultats ont été serrés ce vendredi. Parmi les sept juges de cette finale de la Coupe du monde, deux voyaient Patrik Kittel en tête de leur classement personnel, tandis que deux autres ont attribué leur meilleure moyenne à Nanna Skodborg Merrald et…trois à Isabell Werth! Globalement, le jury s’est montré uni et assez exigeant tout au long de la compétition, semblant la plupart du temps prêter une attention particulière aux éventuelles rigidités présentées par les chevaux et aux contacts adoptés avec leur bouche par les cavaliers. D’ailleurs, même le couple vainqueur a obtenu une moyenne inférieure à ses standards, puisque lors de ses trois sorties de la saison indoor 2023/2024, il avait dépassé les 84%. 

Seule Française au départ de la compétition avec son fidèle Sir Donnerhall II, Morgan Barbançon Mestre a gagné sept places dans cette Libre par rapport à son classement dans le Grand Prix de mercredi! Déçue de sa note ce jour-là, la cavalière s’était exprimée à ce sujet sur les réseaux sociaux (lire ici). Aujourd'hui, elle et son complice ont notamment présenté des appuyers au trot assez jolis, amples et expressifs, ainsi que des sessions de passage assez élégantes et avec une belle suspension. En revanche, le fils de Sandro Hit, âgé de dix-huit ans, a semblé trop avancer dans ses piaffers, qui manquaient également d’élévation. Pour leur cinquième finale de la Coupe du monde ensemble, Morgan Barbançon et son étalon ont été évalués à 75,336% et ont ainsi égalé leur meilleur classement - obtenu à Leipzig en 2022 - dans ce championnat indoor en terminant septièmes! “Je suis très heureuse du comportement de mon cheval”, a déclaré la Française. “Je suis très fière de lui et ravie qu’à dix-huit ans, il soit encore en pleine forme et puisse toujours concourir au plus haut niveau. C’est un cheval tellement incroyable, avec un cœur en or. Il veut toujours travailler pour me faire plaisir!” “Il est mon cheval de cœur et le sera toujours”, a-t-elle ajouté avec beaucoup d’émotion dans la voix.

Les résultats
Les deux épreuves de la finale de la Coupe du monde de dressage sont disponibles à la demande sur ClipMyHorse.tv, où elles ont été commentées par Odile van Doorn



À NOS LECTEURS

Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions; et l’homosexualité est pénalisée de mort…

Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper: cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.

Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, GRANDPRIX a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de GRANDPRIX ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.



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