“Mon vœu le plus cher serait que Kevin trouve les moyens de conserver Viking”, Maxime Baldeck

Kevin Staut l’avait déjà exprimé dans les colonnes de GRANDPRIX en mars 2019, Viking d’la Rousserie est à vendre et il compte bien tout faire pour le garder sous sa selle. Seulement voilà, en deux saisons, l’alezan de douze ans est devenu le cheval numéro un du Français. Sa valeur ayant grimpé au rythme de ses remarquables performances, son propriétaire Hubert Beck a pris la décision de le céder, acceptant finalement de laisser trois mois au leader de l’équipe de France pour trouver des investisseurs dans l’objectif de le conserver à ses côtés. En charge de la carrière du hongre, le jeune marchand de chevaux Maxime Baldeck fait le point sur la situation. 



Ici à gauche, Maxime Baldeck est aux côtés de sa maman Sylvie.

Ici à gauche, Maxime Baldeck est aux côtés de sa maman Sylvie.

© Sportfot

Ce n’est un secret pour personne, Viking d’la Rousserie est à vendre. Alors que l’alezan se révélait il y a deux ans sur la piste d’Al Shaqab, à Doha, Kevin Staut l’avait déjà expliqué à GRANDPRIX. Si la situation n’avait pas beaucoup évolué depuis, le propriétaire du hongre Hubert Beck a toutefois pris la décision de s’en séparer prochainement, sa valeur étant au plus haut. Voilà donc pourquoi Kevin Staut n’apparaît dans la liste préolympique de l’équipe de France qu’avec Tolède de Mescam*Harcour, et non pas avec le tempétueux alezan. Seulement, si le fils de Quaprice Bois Margot venait à quitter Pennedepie et les écuries du champion olympique par équipes, il s’agirait d’une lourde perte, tant pour ce dernier que pour l’équipe de France. “Tous les chevaux qui ont été recensés dans cette liste préolympique l’ont été car les choses sont bien définies avec leurs propriétaires. Dès lors qu’il y a un doute ou une ambiguïté, le couple n’est pas annoncé, ce qui est le cas avec Viking”, expliquait il y a quelques jours le sélectionneur national Thierry Pomel dans les colonnes de GRANDPRIX.

S’il y en a un qui suit cette affaire de près, c’est Maxime Baldeck. Fils et petit-fils de marchands, son grand-père Pierre ayant formé le couple Kevin Staut & Kraque Boom, champions d’Europe en 2009 à Windsor, le marchand est en charge de la carrière de Viking d’la Rousserie pour le compte de son propriétaire, Hubert Beck. Le mordu d’élevage, âgé seulement de vingt-trois ans, suit l’évolution du propre frère de Ratina d’la Rousserie avec attention depuis de nombreuses années. “Nous avons détecté le cheval à l’âge de quatre ans. À l’époque, Stéphane Dufour, qui était son cavalier et copropriétaire, ne souhaitait pas le commercialiser car il croyait beaucoup en lui. Nous lui avions dit que le jour où il souhaitait le faire, il pouvait nous contacter en premiers car nous étions très intéressés par le cheval et que nous pouvions trouver des investisseurs rapidement”, se souvient Maxime Baldeck. “Lorsque Viking a eu six ans, il a finalement accepté de le vendre. Nous sommes venus tout suite avec Fabrice Schmidt, qui était alors le cavalier de l’écurie des Laurentides, et nous avons fait acheter le cheval à monsieur Hubert Beck, que connaissait le directeur des écuries des Laurentides”, raconte le jeune homme. 

Outre la détection du hongre, le rôle de la famille Baldeck a été de suivre tout le procédé de valorisation de Viking d’la Rousserie. Une aventure qui n’a en rien été un long fleuve tranquille. “Par la suite, Viking s’est montré atypique, et n’était pas spécialement démonstratif au début dans des épreuves à 1,40m. Avec l’écurie des Laurentides, nous avons toujours collaboré pour des chevaux ayant le potentiel de prendre part au grand sport, mais nous ne les avons jamais poussés à le faire à tout prix, car leur qualité était plus facilement détectable pour les observateurs. Par exemple, pour Confu (le hongre monté par l’Américaine Laura Kraut, qui a notamment remporté un Grand Prix CSI 4* à Wellington en décembre, ndlr), on pouvait voir dans ses jeunes années qu’il s’agissait d’un cheval destiné à prendre part à des parcours importants. De premier abord, sans être monté dessus et en l’ayant assez peu observé, il était impossible de prédire que Viking prendrait part aux plus grands concours du monde”, analyse Maxime Baldeck, qui pense alors à son proche ami Kevin Staut pour la suite de la carrière du hongre. 



“J’imagine difficilement quelqu’un s’entendre aussi bien avec lui”

Viking concourt ici à Grimaud avec Kevin Staut.

Viking concourt ici à Grimaud avec Kevin Staut.

© Sportfot

“Lorsque nous nous sommes rendu compte du potentiel de Viking et qu’il allait falloir l’amener au niveau supérieur pour le commercialiser, j’ai proposé à Kevin de l’essayer. Je lui ai dit que Viking avait du caractère et qu’il avait des choses à prouver pour justifier une certaine somme. On ne pouvait pas le vendre sur l’espoir qu’il allait être un bon cheval, compte tenu de son caractère et des choses qui lui restait encore à prouver”, résume-t-il. Mais l’alezan, du nom d’un explorateur scandinave, n'est pas encore prêt à affronter le grand sport. “Kevin l’a essayé et l’a bien aimé, mais Viking n’était pas encore prêt. C’est donc Mathis (Burnouf, alors installé dans les écuries de Kevin Staut, ndlr) qui a monté Viking pendant une demi-saison pour faire la transition entre Fabrice et Kevin. Un jour, ce dernier a décidé de l’engager dans le CSI 3* de Dinard, car il était devenu régulier dans des épreuves à 1,40m. Il y a signé deux parcours parfaits à 1,40m et un sans-faute, couronné d’une cinquième place, dans sa première épreuve à 1,45m. Kevin a dit : « Je vais le tester dans un concours un peu plus costaud : je l’emmène à Dublin la semaine prochaine ». Il était supposé y courir les épreuves intermédiaires. Finalement, une semaine après sa première 1,45m, il signait son premier sans-faute dans une épreuve à 1,60m. Là, Kevin a dit : « Nous ne sommes pas ridicules avec notre cheval ! »”, raconte le jeune passionné. 

Pas peu fier d’une telle trouvaille, Maxime Baldeck ne tarit pas d’éloges sur l’impétueux alezan. “En 2020, je pense que Viking a été le cheval français le plus régulier dans tous les Grands Prix. Les gens ont changé leur regard sur lui. Alors que beaucoup estimaient qu’il était encore en formation en 2019 malgré ses résultats, en 2020, tout le monde s’est dit qu’il était prêt. Aujourd’hui, compte tenu de son expérience et de sa fraicheur physique, il est au point pour affronter un championnat”, soutient-il. “Bien sûr, il a du caractère et oblige son entourage à faire beaucoup de concessions. Il faut lui laisser passer beaucoup de choses car il lui arrive d’être mal luné (rires) ! Il a ses têtes ; il y a des gens qu’il ne peut pas supporter et d’autres qu’il tolère. Il peut aussi bien être un lion que doux comme un agneau quand il en a envie. Il y a un protocole assez particulier avec lui. Peut-être que les gens voyaient plus ce côté qui le desservait, mais maintenant, vu ses résultats, tout le monde fait totalement abstraction de son caractère. Une fois que la ligne de départ est passée, même s’il peut se mettre en difficulté dans le parcours, il a le génie de se sortir de la situation délicate dans laquelle il se met parfois tout seul”, complète Maxime Baldeck

Parmi les meilleurs chevaux français du moment, Viking d’la Rousserie pourrait bien partir vers de nouveaux horizons, si personne ne souhaitait investir pour garder l’alezan sous la selle du Tricolore. “Mon vœu le plus cher serait que Kevin trouve les moyens de conserver le cheval”, affirme Maxime Baldeck. “Pour moi, ils forment un vrai couple. J’imagine difficilement quelqu’un s’entendre aussi bien avec lui et fasse autant concessions. Je suis très heureux que Kevin et le propriétaire ont réussi à trouver un accord avec ce délai de trois mois. J’ai un profond respect pour l’athlète, l’ami et l’homme qu’est Kevin. Je pense sincèrement qu’il mérite de pouvoir garder ce cheval. Les deux se méritent mutuellement et je crois qu’ils ont encore des pages de leur histoire à écrire, il me semble important qu’on leur laisse cette chance. On pourrait écrire un livre sur ce cheval tant il est spécial”.