Myself de Brève, petite lionne au destin accompli

Indissociable partenaire de Marie Hécart à haut niveau, Myself de Brève (ISO 174, SF, Quidam de Revel x Grand Veneur) a conquis les cœurs par son courage et son caractère hors norme. Née chez Marine Payant et Xavier Rémy, l’accomplie petite jument a également engendré de bons chevaux, à l’image d’Ultime et Ti’Punch de la Roque. En pleine forme du haut de ses vingt et un ans, Myself a conservé sa personnalité singulière et ses qualités, qu’elle continue de transmettre à ses descendants.



Arpège de Coudre, la mère de Myself, s’est avérée être une géniale reproductrice.

Arpège de Coudre, la mère de Myself, s’est avérée être une géniale reproductrice.

© Collection privée

Notre série de portraits baptisée “Trésors de championnes” s’intéresse aujourd’hui à Myself de Brève. Pour rappel, GRANDPRIX s’est appuyé sur une sélection de juments nées après 1995, ayant obtenu d’excellents résultats sportifs, matérialisés par l’obtention d’un indice de performances supérieur à 160, et ayant engendré au moins deux produits eux-mêmes indicés à 140 et plus.

Myself de Brève est très spéciale et importante à mes yeux. C’est elle qui m’a permis de disputer mes premiers beaux Grands Prix CSI 5* et de remporter un Grand Prix Coupe du monde de niveau 5*. Pour moi, c’est la jument d’une vie”, lance, sans la moindre hésitation Marie Hécart. Avec sa géniale alezane, la cavalière a gravi les échelons jusqu’au plus haut niveau, parcourant les plus beaux terrains du monde, en Europe, mais aussi aux États-Unis. 

Myself de Brève a vu le jour le 17 mai 2000 chez Marine Payant et Xavier Rémy, à Belforêt-en-Perche, dans l’Orne. Cette alezane, petite “pour ne pas dire minuscule” – selon les mots de son naisseurs – est une fille du chef de race Selle Français Quidam de Revel (ISO 185), ancien complice d’Hervé Godignon, et père d’un très grand nombre de chevaux performants au plus haut niveau, à l’image de Verdi TN, Rahotep de Toscane, Si Gracieuse Ardente, Sultane des Ibis et tant d’autres. “Arpège de Coudre (SF, Grand Veneur x Barigoule, AA), la mère de Myself, est une jument que nous avions achetée à l’âge de deux ans, dans un pré chez François de la Béraudière, sur un coup de cœur, sans même la voir se déplacer ni sauter”, se souvient Xavier Rémy, fondateur du haras de Brève avec sa compagne Marine Payant. “À l’époque, nous venions de décider de nous lancer dans l’élevage”, reprend l’ancien ingénieur, reconverti en éleveur à succès pour suivre la passion de sa bien-aimée. “Arpège était une sœur utérine de Marconne, la première jument d’envergure d’Éric Navet.

Outre Marconne (ISO 172, Diableur), Echo d’Hera, la mère d’Arpège, a aussi donné Ora IV (ISO 156, Diableur) et Ebony des Opaly (ISO 135, Sheriff d’Elle). “Arpège est morte à vingt-sept ou vingt-huit ans. Un matin, je l’ai vue manger, et deux heures après, elle s’est fracturé le canon en marchand dans un trou. Elle était encore debout, marchait et venait nous voir sur trois pattes. [...] Arpège mesurait à peine 1,60m. Elle était toute noire, compacte, tendue, avec un dos fort, du sang et un peu d’os mais pas plus que cela”, se souvient avec émotion Xavier Rémy.



Une souche prolifique mais un patrimoine génétique éparpillé

Trop tôt disparu, Krunch de Brève, demi-frère de Myself, a produit quelques bons chevaux.

Trop tôt disparu, Krunch de Brève, demi-frère de Myself, a produit quelques bons chevaux.

© Collection privée

En s’appuyant sur les informations enregistrées en France, la production d’Arpège de Coudre, 100% SF, peut sembler assez ordinaire de prime abord. Cependant, de nombreux produits de cette bonne génitrice ont été exportés. Ainsi, Éleusis de Brève (ISO 119, Quidam de Revel), première pouliche d’Arpège et propre sœur de Myself, s’est envolée pour la Suède à cinq ans après s’être qualifiée pour la finale du Cycle classique de la Société hippique française. “Avec Ellen Whitaker, elle a notamment gagné le Derby de Dinard”, détaille Xavier Rémy, dont les connaissances sont intarissables. L’ancienne propriétaire d’Éleusis, Else Werner Pousette, a ensuite acquis Loly Pop de Brève (Quidam de Revel), qu’elle a voué à l’élevage.

Pour sa part, Glamour de Brève (ISO 110, Paladin des Ifs) a rejoint le jeune Belge Vincent Lambrecht, participant aux championnats d’Europe Juniors. Krunch de Brève, propre frère de Glamour, a été cédé aux ventes Fences et a pris la direction des Pays-Bas. Là-bas, l’étalon a été approuvé haut la main par le stud-book KWPN. “C’était la première fois qu’un cheval issu d’un stud-book étranger gagnait l’épreuve des cent jours du KWPN”, précise le naisseur du bai. Malheureusement, Krunch s’éteint à quatre ans, des suites d’un accident. Il a malgré tout laissé quelques produits intéressants derrière lui, comme Anemone’s Vicky (Animo) ou Vaillante (Indoctro), bons performeurs internationaux. Dans l’Hexagone, Ventou (ISO 147, KWPN, mère par Monaco) a gagné à 1,40m et a concouru jusqu’en Grands Prix Pro Élite à 1,55m avec Florian Bilquez, et Vadorijke (ISO 142, KWPN, mère par Burggraaf), s’est régulièrement classé à 1,35m.  Enfin, Halloween de Brève (I Love You) a été gratifiée d’un ISO 131, après s’être qualifiée pour les finales nationales à quatre et six ans.

Contraint de liquider leur élevage en 2018 en raison de graves problèmes de santé, Marie Payant et Xavier Rémy ont vu tous les collatéraux de Myself de Brève se disperser dans la nature. Certaines juments ont été rachetées par un groupe d’éleveurs irlandais, marqués par un petit-fils d’Arpège, acquis par le père de Darragh Kenny une poignée d’années auparavant. 



Un caractère de championne

Ici à quatre ans, Myself de Brève a pris part à la finale nationale de Fontainebleau.

Ici à quatre ans, Myself de Brève a pris part à la finale nationale de Fontainebleau.

© Collection privée

Myself, quant à elle, est donc née en 2000. “Pouliche, elle montrait déjà une tonicité et une énergie hors norme. Parmi le lot de poulains de cette année-là, malgré sa taille, c’était elle la cheffe. Elle était toujours devant”, décrit le co-naisseur de la fille de Quidam de Revel, qui la cède foal aux ventes Fences. La petite alezane tape alors dans l’œil de Michel Hécart. “Je l’ai achetée un peu par hasard. Dans le ring, elle m’a fait marrer parce qu’elle avait une personnalité étonnante. J’ai alors levé la main et l’ai achetée”, résume l’éleveur et cavalier, sacré champion de France en 2005 avec le regretté Kannan. “Ensuite, je suis allé la voir dans son box et là, je me suis aperçu que c’était une ponette. Je n’avais pas du tout regardé ça ! Je l’ai faite sauter en liberté à deux ans. Elle était étonnante et extrêmement courageuse. Par rapport aux autres, elle pouvait toujours prendre la foulée d’avant sur de petits obstacles, sans aucune émotion et avec une facilité déconcertante.”

À quatre ans, Myself, qui ne dépasse pas 1,60m, s’initie à la compétition sous la selle de Marie Hécart. “Elle a toujours eu beaucoup de sang, d’énergie et de respect. C’était une vraie jument de concours, très agile, avec une super tête”, relate la cavalière. Après avoir disputé la finale du championnat de France des chevaux de quatre ans à Fontainebleau, Myself donne naissance, l’année suivante, à Razzia de la Roque (ISO 124, Capital, Holst), sa deuxième pouliche. La crack retrouve les terrains de concours en 2006. “Elle avait un petit peu de retard, qu’elle a rattrapé en fin de saison”, précise Marie Hécart. 

En 2007, Myself de Brève passe sous la selle de Michel Hécart. Le duo saute quelques Préparatoires et épreuves internationales Jeunes Chevaux. Le binôme se classe notamment sixième de la finale du CSI YH disputé sur la mythique piste d’Aix-la-Chapelle, quelques rangs derrière un certain Casall. La paire enchaîne ensuite les classements à Dinard, Chantilly et Lyon, puis s’aguerrit au niveau 2*. Poursuivant son ascension avec régularité, la généreuse alezane débute à 1,50 puis 1,55m et s’impose notamment à 1,45m au CSI 3* de Neufchâtel-Hardelot, en 2008. Après de nouveaux classements avec Michel, celle que l’on surnomme “Mini Me” retrouve sa cavalière formatrice aux États-Unis, en 2010. Débute alors une véritable success story.



Hickstead, Chantilly, Rome, La Baule, Wellington, etc.

Retraitée depuis 2017, Myself de Brève reçoit régulièrement des visites de Marie Hécart.

Retraitée depuis 2017, Myself de Brève reçoit régulièrement des visites de Marie Hécart.

© Collection privée

Rapidement, les deux complices retrouvent leurs marques et trustent le sommet des classements outre-Atlantique. Le couple revient en Europe en 2012, se classe à La Boissière et Bourg-en-Bresse, s’offre une victoire au CSI 3* de La Clusaz et prend la direction d’Hickstead. En Grande-Bretagne, elles s’illustrent sans complexe, décrochant une troisième place dans la mythique King George V Cup, le Grand Prix à 1,60m de ce CSIO 5*. “Elle était très sûre d’elle en piste. Elle était comme chez elle alors qu’elle n’avait jamais sauté sur un terrain comme celui-là. Elle était très confiante, courageuse, et montrait beaucoup d’assurance”, loue encore Marie Hécart.

Facile à gérer, “Mini Me” n’a jamais souffert de sa taille en piste. “Elle avait quand même une grande action donc cela ne m’a jamais dérangé. Au contraire, elle allait tellement de l’avant que je me retrouvais parfois serrée dans les combinaisons. Il me fallait obtenir du calme et du relâchement car elle n’avait qu’une envie: sauter de gros parcours et galoper”, souligne sa cavalière. Et Michel Hécart de reprendre: “Elle était un peu exceptionnelle. En termes de caractère, elle était incroyable. Elle n’avait peur de rien, elle était à la fois courageuse et respectueuse. Sa technique n’était pas parfaite mais son courage lui a permis de gérer ce petit défaut. Et surtout, elle avait le sens de la barre.

Après ses belles performances à Hickstead, en 2012, la paire est sélectionnée pour la Coupe des nations de Gijón. Avec deux parcours pénalisés d’un, puis quatre points, Myself et Marie permettent à l’équipe de France, également composée de Kevin Staut, Pénélope Leprevost et Aymeric de Ponnat, de s’imposer. S’ensuivent de fastes saisons. En Amérique, d’abord, où le couple se classe sixième du Grand Prix Coupe du monde de Washington, puis deuxième et huitième de Grands Prix 4 et 5* à Wellington. Sur le Vieux Continent, en 2013, “Mini Me” enchaîne les plus beaux CSIO, de Lummen à Dublin en passant par La Baule, Rotterdam et Hickstead. Dans les Grands Prix comme dans les Coupes des nations, le duo assure. L’année suivante, il poursuit sa route avec autant de réussite, avant la consécration, en janvier 2015. Myself et Marie s’imposent alors de main de maître en Coupe du monde lors d’un CSI 5*-W couru à Wellington, devant Ben Maher, champion olympique par équipes à Londres en 2012, Éric Lamaze, sacré quatre ans plus tôt à Hong Kong, ou encore le redoutable Kent Farrington.

Quelques mois plus tard, Myself se blesse à un suspenseur. “Je l’ai remise en route, mais elle n’était pas aussi à l’aise qu’avant. Malgré tout, elle a très bien fini en Floride dans des épreuves à 1,50m, mais j’ai décidé de la mettre à la retraite”, concède Marie Hécart. “Je ne voulais pas courir de petites épreuves ni la pousser, alors qu’elle m’avait tout donné.” Myself de Brève raccroche officiellement les crampons au printemps 2017, après quelques derniers classements.

Attachante, la lionne a conquis les cœurs par son caractère et sa personnalité hors norme. À nos confrères américains de The Chronicle of the HorseBenoît Lecomte, fidèle groom de la championne, disait d’ailleurs qu’elle était trilingue, comprenant le français, l’anglais et l’espagnol. “Elle fait en sorte que le monde tourne autour d’elle. Elle a beaucoup de tempérament mais reste très gentille”, ajoute Marie Hécart.

Myself de Brève s’est illustrée sur certaines des plus belles pistes du monde.

Myself de Brève s’est illustrée sur certaines des plus belles pistes du monde.

© Sportfot



Une prometteuse production

Ultime de la Roque est le meilleur produit de Myself de Brève.

Ultime de la Roque est le meilleur produit de Myself de Brève.

© Sportfot

En parallèle de sa carrière sportive, la jument, créditée d’un ISO 174 en 2013, a donné plusieurs produits au haras de la Roque et à Marie Hécart. Le meilleur d’entre eux, Ultime de la Roque (ISO 146, Kannan), évolue jusqu’à 1,45m avec la jeune Tricolore Ramatou Ouedraogo. Avant cela, le Selle Français avait obtenu de bons classements jusqu’en Grands Prix 2* avec Michel Hécart. Ti’Punch de la Roque (ISO 141, Kannan) fait également partie du piquet de Ramatou Ouedraogo et apparaît en compétitions cotées d’1,25 m à 1,40m. “Sa production est bonne”, juge Marie Hécart, bien qu’aucun produit de Myself ne soit encore parvenu à atteindre le très haut niveau. Parmi ses autres descendants, citons Razzia de la Roque (ISO 124, Capital), mais surtout Volte de la Roque (ISO 127, Kannan). Cette dernière a permis à Charlotte Hermon de faire ses armes en compétition. De plus, elle a engendré sept produits, dont Nickel de la Roque (ISO 138, BWP, Elvis Ter Putte). “Je pense qu’il va vraiment être très bon et l’un des meilleurs descendants de Myself. Il a de vrais moyens et je pense qu’il va sauter de très gros parcours”, estime Marie Hécart. 

Coulant désormais une paisible retraite dans les prairies bretonnes de Christian Planchon, Myself de Brève a donné quelques poulains à son ancienne cavalière, par Kannan, Ogrion des Champs et Baloussini. Ces jeunes pousses semblent avoir hérité des qualités qui ont fait de leur mère une excellente compétitrice. Attendant un produit du génial Emerald van’t Ruytershof dans quelques jours, la championne se porte comme un charme du haut de ses vingt et un ans. “Myself va très bien, elle est en pleine forme. Elle reste la cheffe de son troupeau donc tout va bien!”, sourit Marie. Courage, assurance et générosité. Voilà sans doute à quelles qualités on reconnaît les cracks, tant dans le sport qu’à l’élevage.






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