Agathe Martin, la relève assurée

Le nom d’Agathe Martin, sélectionnée pour représenter la France le week-end dernier à l’occasion de la finale des Coupes des nations Junior qui s’est tenue à Kronenberg, émerge dans les esprits. Cavalière Poneys jusqu’à ses dix ans puis membre de l’équipe de France Enfants, la jeune femme n’est pas inconnue du grand public. Issue d’une famille de sportifs et plongée dans la grande marmite de l’équitation à l’âge de trois ans, l’amazone de seize ans fait aujourd’hui partie du futur de notre sport. Portrait de la vice-championne de France Juniors 2021.



Née le 17 août 2005 dans l’Avesnois, près de Maubeuge dans le Nord-Pas-de-Calais, Agathe Martin, désormais âgée de seize ans, fait partie de ces cavaliers passionnés dont la réussite est une évidence.
Issue d’une famille étrangère au monde de l’équitation, Agathe Martin est “tombée dans la marmite” par hasard, au détour d’une sortie familiale. “J’ai commencé l’équitation lorsque j’avais à peine trois ans. Mes parents ne sont pas du tout issus du milieu du cheval, personne ne pratique ce sport dans ma famille. Nous sommes allés une fois dans un centre-équestre par curiosité, et je n’en suis plus jamais sortie”, déclare la jeune cavalière.
L’année de ses six ans, la Nordiste débute les compétitions à poney dans le poney-club de Monceau Saint Waast, remportant sa première épreuve en juin 2011 avec un dénommé Océan à l’occasion d’une épreuve Poney 4 (composée de barres à soixante-dix centimètres à l’époque). La même année, la cavalière fait la rencontre de Mylord de Jalena, un poney B qui l’emmènera sur ses premières belles épreuves. Avec lui, Agathe Martin découvre les championnats de France, en 2012, dans la catégorie Poney 3 B, s’offrant une belle onzième place sur cent-cinquante-et-un partants. Au fil des années, le couple s’aguerrit, jusqu’à prendre part aux plus hautes épreuves réservées aux poney B, les poney élites, participant même à quelques épreuves As Poney 2 C en 2015.
En février 2014, Agathe Martin apparaît pour la première fois en compétition avec celle qui marquera ses années à poney: Nuance du Halage. “Mes parents m’ont toujours acheté de bons poneys pour que je progresse”, avoue avec reconnaissance la cavalière. En juillet 2016, alors qu’elle est âgée de dix ans, Agathe Martin s’offre la médaille de bronze des championnats de France As Poney 1 avec sa partenaire favorite. Un mois plus tard, le couple prend part à sa première As Poney Elite, une véritable prouesse pour une si jeune cavalière. “Nuance a marqué mes années poney. Elle a eu un poulain cette année, c’est notre chouchoute. Elle nous appartient toujours et est retournée chez sa première propriétaire qui lui offre une belle retraite”, détaille l’amazone.
En parallèle de ses performances avec Nuance du Halage, Agathe Martin évolue avec Acrobatte des Islots, champion de France des poneys de sept ans en 2017 sous la selle de Dylan Ringot et bien connu des amateurs de poneys pour ses performances sur le circuit As Poney Elite depuis.
À l’âge de dix ans, Agathe Martin se hisse petit à petit à cheval et s’illustre notamment aux côtés de Waikiki K (KWPN, Cantos x Metall), avec qui elle remporte le championnat des As Enfants à Barbaste en 2016. Au cours de sa jeunesse, la cavalière a bien tenté d’autres activités comme le tennis ou la danse mais a toujours été rattrapée par sa passion pour l’équitation.
Lorsqu’elle est questionnée sur sa précocité, la Nordiste ne peut trouver d’explication précise : “J’ai l’impression que c’est un peu inné. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont toujours soutenue et qui m’ont acheté d’excellents poneys et chevaux, me permettant de toujours progresser.



L’évidence nommée Chacelle

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Il y a cinq ans, en 2016, Agathe Martin rencontre Alexis Borrin et, de là, naît leur collaboration. “Je suis arrivé aux écuries de Magne, que j’ai louées durant un an, en 2016. Agathe était déjà cliente là-bas et j’ai naturellement commencé à l’entraîner, puis elle m’a suivi lorsque je me suis installé dans mes propres écuries”, raconte Alexis Borrin, coach de la jeune cavalière et cavalier professionnel ayant évolué jusqu’en CSI 5*.
En septembre 2017, Agathe Martin apparaît en compétition avec celui qui lui permettra d’être appelée pour la première fois en équipe de France: Ateis de Clarence. D’abord monté par Alexis Borrin, le fils de Diamant de Semilly et petit-fils d’Alfa d’Elle a fait ses armes sur les épreuves réservées aux chevaux de sept ans avec le cavalier.
En avril 2018, pour sa première sélection au sein de l’équipe de France, Agathe Martin frappe fort. Avec son complice, la cavalière, alors âgée de douze ans, s’octroie le Grand Prix du CSIO Enfants d’Opglabbeek, devançant ainsi quarante-et-un partants. En 2019, le couple participe à l’échéance européenne de Zuidwolde, aux Pays-Bas. Depuis, l’Avesnoise continue son ascension vers le haut niveau grâce à divers chevaux.
La carrière d’Agathe connaît un tournant en 2020, lorsqu’elle croise la route de Chacelle (Meck, Chacco-Blue x Silvio I), une jument désormais âgée de onze ans. “L’histoire de Chacelle est une bonne anecdote”, confie Alexis Borrin, avant de poursuivre: “Ma femme a accouché un mercredi et Agathe m’a proposé de monter quelques-uns de mes chevaux pour me dépanner. Je lui ai alors dit d’essayer Chacelle. Elle était à vendre, une cavalière devait l’essayer la semaine d’après, c’était donc le bon moment pour voir son comportement lorsqu’elle était montée par une femme. J’ai demandé à mon cavalier de leur faire sauter une dizaine d’obstacles. Après cette séance, il m’a envoyé la vidéo en me disant ‘je crois que c’est sa jument’. C’est vrai qu’elle sautait vraiment très bien avec Agathe. La vente ne s’est pas faite avec la personne qui est venue l’essayer et, par la suite, le père d’Agathe a évoqué un éventuel achat. Je voulais être sûr que le couple fonctionne alors j’ai dit à Agathe de s’engager sur un petit concours près de chez nous. En trois jours de compétition, sur des épreuves allant d’1,20m à 1,35m, la jument n’a pas touché une seule barre. Désormais, elles font des épreuves à 1,45m. Parfois, les hasards de la vie font bien les choses.
Lorsqu’elle parle de sa jument, Agathe Martin ne peut cacher sa joie et son enthousiasme. “Chacelle appartenait à Alexis. Lorsque je l’ai essayée, je me suis directement dit ‘c’est ma jument, je ne peux pas passer à côté’. J’ai évoqué le sujet avec mes parents qui me soutiennent toujours à fond. Le feeling est tellement bien passé, c’est inexplicable. Il y a une connexion différente de toutes celles que j’ai pu avoir avec mes précédents chevaux.
Si nous ne devions retenir qu’une seule et unique performance du couple, ce serait évidemment leur titre de vice-champion de France cet été, à Canteleu, dans la catégorie Junior.



Alexis Borrin, une rencontre salvatrice

Pour optimiser son ascension vers son rêve de haut niveau, Agathe Martin a pensé tout son quotidien pour progresser à cheval. Actuellement en première générale, la cavalière bénéficie des cours dispensés par le CNED (Centre national d'enseignement à distance) en parallèle de son inscription à l’E-School, un sport étude situé à Paris. “J’ai des cours en ligne le matin et le soir avec un professeur par matière pour avoir le temps de monter mes chevaux”, explique-t-elle. “J’ai seize ans, je ne suis que Cadet deuxième année donc je peux encore participer aux épreuves Junior pendant deux ans. Je vais essayer d’être la plus régulière possible.J’aimerais vraiment participer aux championnats d’Europe, c’est mon objectif. Je veux continuer dans ce circuit et essayer de sauter les épreuves Jeunes Cavaliers plus tard. Je pense en faire mon métier, je suis tombée dedans et suis vraiment mordue désormais. Ma vie sans les chevaux n’est plus imaginable.” Pour atteindre son objectif, la cavalière de seize ans pourra toujours compter sur Alexis Borrin, son coach. “Tant que nous nous entendons bien et que nous allons dans le même sens, nous continuerons. C’est très intéressant de voir son évolution, elle a commencé sur des épreuves à 1,10m et est désormais membre de l’équipe de France Junior. Si elle continue à évoluer, mon accompagnement se fera naturellement. Cela me ferait plaisir de la voir progresser encore et s’épanouir dans ce métier”, se projette le cavalier.
En dehors d’une relation de professeur à élève classique, Alexis Borrin est un réel mentor pour la jeune femme ainsi qu’un soutien hebdomadaire. Il joue également un rôle important dans la préparation de ses chevaux. “Elle est habituée à ma présence. Nous avons nos habitudes et procédons toujours de la même manière en concours. C’est important d’être présent sur les plus gros événements comme ici à Kronenberg. Je suis là pour l’aider à régler des détails techniques, je l’épaule sur les reconnaissances du fait de mon expérience. Je l’aide également à gérer la pression. J’essaye d’avoir toujours les mots justes et adaptés à chaque situation. Elle est encore jeune alors j’aime dire que nous avons une relation semi- professionnelle”, reprend le Nordiste. Pour Agathe, le fait de bénéficier de l’expérience de son entraîneur est un vrai plus et la jeune cavalière, qui n’hésite pas à s’en inspirer : “Alexis a déjà participé à des CSI 5*. J’ai vraiment envie de suivre le même chemin que lui. J’écoute tout ce qu’il me dit et prends note de chaque conseil. Tout est bénéfique, il a envie que je réussisse.”
Présente au CSIO de Kronenberg pour les finales des Coupes des nations Jeunes le week-end dernier, Agathe Martin y a présenté sa jument Chacelle, qui a effectué un bon parcours pénalisé de quatre points dans le Grand Prix Junior, ainsi qu’un jeune cheval de huit ans, Ibis Tn (Eldorado Van De Zeshoek x Fuego du Prelet), ayant déjà participé à des épreuves à 1,45m. “Ibis a un bel avenir, c’est un très bon cheval. Je possède également Diva du Temple (Radieux x For Pleasure). Elle a huit ans et est pour l’instant présentée par Alexis sur des épreuves allant jusqu’à 1,55m. Je viens également d’acquérir un cheval de sept ans, Erwinn van Broekhoven WS Z (Echo van het Neerenbosch x Winningmood vd Arenberg)”, révèle la cavalière à propos de son piquet. Si Agathe Martin dispose de plusieurs chevaux d’expérience, c’est en partie grâce au travail réalisé en amont par Alexis Borrin: “J’ai monté presque tous les chevaux qui sont passés sous la selle d’Agathe. Nous les achetons assez jeunes, je les monte généralement durant une année puis elle les récupère. Avec des chevaux expérimentés, elle peut progresser tranquillement.”
Dans le cadre de la préparation des chevaux d’avenir d’Agathe, Alexis Borrin s’est d’ailleurs vu confier Diva du Temple. “Diva est une jument très spéciale, un peu trop pour Agathe qui doit continuer à faire ses armes. Cela pourra cependant lui faire une bonne jument pour les épreuves Jeunes Cavaliers mais pour l’instant je vais la monter jusqu’au niveau CSI 3 et 4*. Elle a encore besoin d’être montée d’une manière qui n’est pas adaptée aux cavaliers Juniors”, concède l’ancien pilote de Ruby de La Fosse.
Outre ses entraînements à cheval, Agathe Martin prend soin d’avoir le rythme d’une véritable athlète. Ainsi, une fois par semaine, elle fait appel à un coach sportif qui lui propose des exercices de musculation et de cardio afin de se maintenir en forme et de travailler sa concentration. “Je pense que faire uniquement de l’équitation n’est pas l’idéal. Il faut avoir d’autres activités, se vider la tête et respirer de temps en temps”, estime la cavalière.
S’il est bien connu que les cavaliers ont régulièrement des préparateurs mentaux pour gérer la pression, notamment lors des stages fédéraux proposés par l’encadrement tricolore, les jeunes sont aussi libres de faire leur propre préparation mentale. Issue d’une famille ayant baigné dans le haut niveau à travers la carrière de son père, boxeur professionnel, Agathe Martin a appris à se servir de ces différentes expériences pour faire face au stress. “Mon coach mental est mon père. Grâce à son expérience, il m’aide à tenir la pression, il me prodigue des conseils. Je ne viens pas d’une famille de cavaliers mais j’ai baigné dans le sport de haut niveau et, aujourd’hui, cela m’est vraiment utile”, reconnaît l’amazone.
Bien qu’elle ne soit pas une jeune fille très stressée, la pression fait partie du quotidien de tout athlète. Le principal est de transformer cette énergie de nature négative en quelque chose de positif. “Agathe a forcément un peu de stress, et heureusement. Je pense que quelqu’un qui ne ressent aucune pression lorsqu’il monte pour son pays est quelqu’un qui n’a pas d’intérêt pour l’équipe. Agathe est une cavalière de compétition, sa pression vient du fait qu’elle a toujours envie de bien faire mais elle gère bien ses émotions. Elle sait rester focalisée sur ce qu’elle a à faire et évacuer toute pression négative”, confie son coach, qui tente toujours de l’aider à gérer le stress qui peut surgir.

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“Agathe a ses chances d’atteindre le haut niveau”, Olivier Bost

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Cavalière ultra motivée, Agathe Martin ne rêve que d’une chose: atteindre le haut niveau. Si cette détermination à toute épreuve dont fait preuve la jeune fille peut être le défaut de sa qualité, elle n’oublie néanmoins jamais de se remettre en question. Malgré cela, la cavalière des écuries Alexis Borrin sait contenir son impatience et prendre le temps qu’il faut lorsqu’il s’agit de ses chevaux. Son entraîneur lui-même souligne sa grande motivation et son professionnalisme. “Malgré son jeune âge, elle ne laisse rien au hasard et est très professionnelle. Parfois, elle peut être un peu désordonnée mais elle se crée son propre ordre!”, s’amuse-t-il.
À l’occasion du CSIO Jeunes de Kronenberg, le week-end dernier, Agathe Martin a été désignée comme cinquième cavalière de l’équipe de France, synonyme de place de réserviste. “J’ai sélectionné Agathe parce qu’elle est tout de même vice-championne de France Junior et qu’elle obtient de nombreux résultats en CSI 2*. Elle était à sa place ici. Nous avons hésité à l’intégrer dans l’équipe qui a couru la Coupe des nations mais avons jugé qu’elle n’avait pas encore tout le métier et le recul pour participer à cette finale”, justifie ainsi Olivier Bost, sélectionneur des équipes nationales Jeunes. Bien qu’il lui ait donné le rôle de réserviste sur cette échéance, le chef d’équipe des Bleuets n’a montré aucune inquiétude quant au futur de la jeune fille et à la place qu’elle pourrait occuper au cours des prochains mois. “C’est une cavalière que je suis depuis longtemps, elle a déjà participé aux championnats d’Europe Enfants ainsi qu’à des Grands Prix CSIO. Elle monte en puissance grâce à Alexis Borrin et a de très bons chevaux. Nous la suivons pour une éventuelle entrée dans l’équipe première l’année prochaine. Bien sûr qu’elle a ses chances d’atteindre le haut niveau, ce n’est qu’une question de réflexion et de travail.” Ayant préféré faire ses armes en équipe de France Enfant plutôt qu’à poney, Agathe Martin a connu un passage à cheval plus simple et précoce, ce qui lui permet, depuis plusieurs mois, d’aborder sereinement les compétitions Juniors. “Agathe est le parfait exemple de la cavalière passée à cheval assez tôt qui se retrouve donc opérationnelle sur le circuit Junior alors qu’il lui reste encore deux années à ce niveau. Ses parents la suivent de très près et son coach est très impliqué. Elle est bien entourée, il n’y a aucune raison pour qu’elle n’atteigne pas ses objectifs”, conclu Olivier Bost.
Maintenant qu’elle a toutes les cartes en main pour réussir, Agathe Martin ne semble pas prête à abandonner ses rêves. “De nombreuses personnes m’entourent. Je dois tout ce qu’il m’arrive à mes parents et mon coach. Depuis toujours, ils ont tout fait pour que je dispose de bons chevaux et ont toujours été derrière moi. Mes parents m’ont engagée sur les plus beaux concours pour que je puisse progresser. Mon coach me suit depuis cinq ans, il effectue des allers-retours pour venir m’encadrer, comme ici aux Pays-Bas, alors que son écurie se trouve à trois heures de route. Je ne pourrai jamais assez les remercier, tout comme le maréchal, le dentiste, l’ostéopathe et tous ceux qui veillent au bien être de mes chevaux”, tient à souligner la jeune fille. “Mon papa m’apporte beaucoup, il filme tous mes parcours sans exception. Avec ma maman, ils sont toujours là, ils me poussent à devenir meilleure. Je ne pourrai jamais assez les remercier.”

Une chose est certaine, nous n’avons pas fini d’entendre parler d’Agathe Martin et de ses chevaux.