“Nous devons prendre des décisions fortes pour assurer la pérennité et la croissance de notre sport”, Dominique Mégret

Dans une lettre publiée sur le site Horses.nl, Dominique Mégret rappelle les missions du Club des propriétaires de chevaux de saut d’obstacles (Jumping Owners Club, JOC), qu’il préside depuis plusieurs années. Le Français, cofondateur du haras de Clarbec avec son épouse, Geneviève, saisit aussi l’occasion offerte par nos confrères néerlandais de détailler la philosophie et les points de vue du JOC, qui entend bien continuer à jouer son rôle de porte-parole des chevaux, avec l’espoir que sa voix soit davantage écoutée et surtout prise en compte dans les processus de décision de la Fédération équestre internationale. Voici cette lettre traduite en intégralité.



Le Jumping Owners Club a été créé pour que les propriétaires puissent partager leur passion commune pour le saut d’obstacles et l’équitation et pour défendre leurs intérêts auprès de l’ensemble des acteurs impliqués dans notre sport. Nous travaillons main dans la main avec la Fédération équestre internationale (FEI), la Fédération équestre européenne (EEF), ainsi que toutes les fédérations nationales et les autres parties prenantes de notre sport. Nous n’hésitons pas à exprimer clairement et avec force notre point de vue à chaque fois que cela est nécessaire sur l’organisation du sport, son fonctionnement et ses règlements, de même que sur toutes les décisions stratégiques que nous pensons importantes à prendre pour le futur. Nous croyons en un avenir brillant pour notre sport si nous sommes capables, tous ensemble, de prendre les bonnes décisions. Le saut d’obstacles est confronté à des enjeux importants et il est aujourd’hui clairement à la croisée des chemins. Dans les années à venir, nous devons tous avancer avec détermination et prendre des décisions fortes pour assurer la pérennité de notre sport et sa croissance future.



“La pression de l’extérieur augmente à un rythme alarmant”

Premièrement, nous devons absolument veiller à ce qu’il reste un sport propre, et que le bien-être du cheval soit une priorité absolue. Beaucoup a déjà été fait en la matière, mais nous constatons que la pression de l’extérieur augmente à un rythme alarmant, la plupart du temps du fait de gens ne connaissant, ni ne comprenant notre sport. Quoi qu’on en pense, il faut reconnaître que c’est un enjeu majeur. Nous courons un grand risque si nous restons passifs. Nous pourrions même nous retrouver dans une situation où nous ne serions plus autorisés à concourir avec nos chevaux – bien que personne ne sache à quel horizon cela pourrait intervenir – ni même à monter nos chevaux. Malheureusement, très peu de personnes dans notre sport ne se soucient de cet enjeu, considérant que cela n’arrivera pas ou alors dans longtemps, et donc que cela ne les affectera pas.



“Le mérite plutôt que l’argent”

Deuxièmement, la crédibilité de notre sport repose sur un principe simple: le mérite plutôt que l’argent. Nous devons lutter pour l’égalité des chances pour tous. Nous devons donc nous assurer que le système d’invitation pour les concours internationaux respecte ce principe. Bien sûr, cela limitera peut-être un peu la capacité des organisateurs à financer leurs concours. Cependant, il faut s’attaquer à ce problème dans la transparence. Ce principe de méritocratie doit être soutenu fermement. Pour autant, nous devons parvenir à une réglementation équilibrée qui tienne également compte des attentes des organisateurs. À cet égard, nous devons travailler à une position claire sur les pay-cards, ce qui ne sera pas une tâche facile. Celles-ci existent sous de nombreuses formes, et le mieux serait probablement de trouver tous ensemble une position équilibrée. Cela va nécessiter beaucoup de travail.



“Si l’on veut que le cheval ait voix au chapitre, les propriétaires devraient être représentés au comité de jumping”

Troisièmement, la démocratie et la transparence entre toutes les parties prenantes de notre sport sont essentielles si nous voulons avancer et créer ensemble un avenir meilleur. Il est important que chacun, à son niveau, puisse exprimer son opinion et qu’elle soit réellement prise en compte dans les processus de décision. Dans ce cadre, les règles de vote à la FEI, une voix par pays, sont très strictes. À notre avis, elles confèrent un poids disproportionné aux petites nations par rapport aux plus grands pays. Nous comprenons les raisons de cette règle, mais peut-être, devrait-il y avoir des exigences quant au nombre minimal de chevaux et cavaliers, par exemple, pour qu’une fédération puisse voter à l’assemblée générale de la FEI.

Nous pensons aussi que les principales parties prenantes du sport (cavaliers, propriétaires, organisateurs, officiels, chefs d’équipe et autres), devraient être toutes représentées au sein du Jumping Committee (comité technique de saut d’obstacles, ndlr) de la FEI. Le JOC estime que cela favoriserait l’implication de tous les acteurs de notre sport et garantirait l’engagement de ses membres. Cela garantirait également la consultation systématique par la FEI des principales parties prenantes sur tous les problèmes majeurs de notre sport. Nous pensons que ce comité serait ainsi plus efficace et crédible. Les propriétaires considèrent cette participation au Jumping Committee comme particulièrement importante. Le cheval est un athlète, et son représentant naturel est son propriétaire. Aussi, si l’on veut que cet athlète ait voix au chapitre, il serait très logique que les propriétaires soient représentés au comité, en plus des cavaliers qui le sont déjà.



“Redynamiser les Coupes des nations et la Coupe du monde ”

Quatrièmement, notre sport est incroyable. Il crée des émotions intenses et la connexion avec le cheval est fantastique. Il faut tout faire pour qu’il redevienne un sport populaire. En Europe, l’équitation est globalement le troisième sport en nombre de licenciés. Pourtant, il garde l’image d’un sport réservé à une élite. Il faut changer cela et faire revenir le public dans nos concours. Nous y parviendrons en faisant naître des émotions, en redynamisant les plus beaux formats de notre sport que sont les Coupes des nations et la Coupe du monde et en permettant au public de mieux comprendre quelles sont les plus grandes compétitions. Quand il y a plus de cent CSI 5* au programme de la FEI, comment le grand public peut-il savoir où se joue le meilleur de notre sport ? Au tennis, il n’y a que quatre tournois du Grand Chelem, et tout le monde sait que les meilleurs joueurs y seront. Peut-être est-il temps de sélectionner parmi les meilleurs CSI 5* du monde quelques événements qui bénéficieraient d’un label 6*, “la crème de la crème”. Par ailleurs, le nombre d’étoiles attribuées aux concours ne devrait peut-être plus seulement être directement lié à leur dotation, mais aussi en fonction d’autres critères, dont l’audience et la couverture médiatique.

Les Coupes des nations étaient l’ADN de notre sport, permettant aux cavaliers et aux chevaux de concourir pour leur pays. Ces épreuves par équipes étaient considérées comme un objectif ultime, à tel point qu’elles ont très souvent été une raison majeure d’investissement des propriétaires dans notre sport. Enfin et surtout, ces épreuves permettent à la jeune génération d’aborder le haut niveau d’une manière unique et très positive. Hélas, pour un certain nombre de raisons, cette série a beaucoup perdu de son prestige. L’une des raisons est évidemment le niveau des dotations, trop bas par rapport aux séries concurrentes. Une autre raison vient des règles de qualification, qui sont trop complexes et rendent l’ensemble du système difficile à appréhender. Le JOC soutiendra tous les efforts déployés pour restaurer l’attractivité des Coupes des nations.

De même, la Coupe du monde était, il y a encore peu, reconnue comme la meilleure compétition indoor. Comme celle des Coupes des nations, cette série a perdu une partie de son prestige et de son lustre. Et là aussi, cela s’explique par le niveau des dotations, trop bas par rapport aux meilleurs autres concours indoor. Par ailleurs, la Coupe du monde se dispute selon un système d’invitation différent et trop complexe. Nous pensons, mais cette conviction n’est pas partagée par toutes les parties, qu’on pourrait redonner de l’attrait à la Coupe du monde en utilisant le système d’invitation en vigueur pour les CSI classiques. Quoi qu’il en soit, le JOC soutiendra tous les efforts déployés pour restaurer l’attrait de cette série.



“Créer un Prix du cheval de l’année”

Peut-être faut-il aussi mettre davantage les chevaux à l’honneur, et en faire des stars. À cet égard, il est très surprenant qu’aucun Prix du cheval de l’année ne soit décerné lors du gala des FEI Awards, organisé après l’assemblée générale de la FEI. Le JOC a donc proposé à la FEI la création d’un nouveau prix. Notre idée ne serait pas forcément de récompenser le meilleur du classement, mais un cheval, toutes disciplines confondues, qui aurait marqué l’année par ses performances, d’autres réalisations majeures ou par son charisme.

En conclusion, le JOC est très optimiste quant à l’avenir du saut d’obstacles mais il faut travailler dans un esprit de collaboration entre toutes les parties prenantes pour mettre notre sport sur la bonne voie pour les dix prochaines années. À cet égard, le travail réalisé par la Fédération équestre européenne avec sa table ronde sur l’avenir du saut d’obstacles en Europe, auquel le JOC a participé et dont les conclusions seront bientôt présentées au président de la FEI (le Belge Ingmar de Vos, ndlr), constitue une avancée importante.

Toutes mes amitiés,
Dominique Mégret