Pour Jérôme Guéry, l'aventure vers le haut niveau a commencé avec Papillon Z

Qu’ils collectionnent les honneurs ou multiplient les victoires, tous les champions gardent en tête le souvenir d’un cheval ayant joué un rôle déterminant dans leur chemin vers le succès. Médaillé de bronze par équipes aux Jeux olympiques de Tokyo l'été dernier avec Quel Homme de Hus (Holst, Quidam de Revel x Candillo), Jérôme Guéry, fait aujourd'hui partie de l'élite du saut d'obstacles international. Issue d'une famille étrangère au monde équestre, le Belge a gravit un à un les échelons jusqu'à se hisser parmi les meilleurs. Plutôt que d'évoquer une monture ayant marqué ses débuts en compétition, le cavalier a préféré revenir sur le premier cheval à l'avoir mené vers le sommet de sa discipline, l'attachant Papillon Z.



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Quel cheval a marqué un tournant dans votre carrière ? 

Depuis que j’ai commencé ce sport, chaque période de ma vie a été partagée avec un cheval différent et chacun d’entre eux tient une place particulière dans mon cœur. Dire que l’un d’eux a plus compté que les autres serait difficile, mais lorsque j’y réfléchis, j’ai tout de même une pensée particulière pour Papillon Z (Z, Perhaps x Cassini I), qui est le premier cheval à m’avoir permis de remporter un Grand Prix 5*. 

Comment est-il arrivé sous votre selle ? 

Avant d’arriver chez moi, il était chez Grégory Wathelet. Comme il ne s’entendait pas très bien avec lui, il a décidé de le rendre à son propriétaire qui m’a contacté pour me demander si le cheval m’intéressait. À l’époque, il me semblait difficile de faire mieux que Grégory, qui faisait déjà partie des meilleurs cavaliers mondiaux. Je n’étais donc pas très emballé, mais j’ai tout de même accepté d’essayer. La première fois que je l’ai monté, je l’ai tout de suite apprécié. Dès les premiers sauts, j’ai senti que ce cheval avait quelque chose de spécial. Je dis souvent que comme avec les humains, des affinités peuvent se créer spontanément avec les chevaux que l’on rencontre et c’est ce qu’il s’est passé entre Papillon et moi. C’était un cheval plutôt fainéant au travail, mais qui adorait sauter. Il a une technique un peu particulière, mais est extrêmement respectueux. 

Quelle a été votre évolution ensemble ? 

Progressivement, une belle histoire s’est créée entre lui et moi. Je pense en fait qu’il avait besoin qu’on lui accorde une attention particulière et chez moi, il était le numéro un de l’écurie. Je pense qu’il a réellement senti cela et que cela l’a incité à se dépasser pour moi. Dès nos premières compétitions ensemble, nous avons commencé à enchaîner les victoires, jusqu’à signer plusieurs sans-fautes dans des Coupes des nations.



“Remporter un Grand Prix 5* pour la première fois est le genre d’événements dont on se souvient toute sa vie”

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Pourquoi ce cheval conserve-t-il une place particulière dans votre esprit ? 

Je ne suis pas issu d’une famille de cavaliers. J’ai commencé à monter dans un poney club et j’ai appris ce métier “sur le tas”. Plus tard, j’ai dû monter ma structure et créer mon écurie, ce qui a pris énormément de temps à se mettre en place avant que je puisse ne serait-ce qu’espérer atteindre le haut niveau. C’est pour cela que ma carrière a commencé assez tard. En 2015, Papillon m’a permis de remporter mon premier Grand Prix 5* à l’occasion du CSIO de Lummen, chez moi, en Belgique. C’est le genre d’événements dont on se souvient toute sa vie. Juste avant le barrage, avant d’aller sauter l’obstacle numéro un, Papillon s’était arrêté et cabré. Je me suis donc un peu fâché et je l’ai monté en le poussant plus que d’habitude pendant ce parcours, ce qui nous a permis d’être les plus rapides. Je ne pensais pas du tout gagner cette épreuve ! D’ailleurs, ce n’était même pas l’objectif, car à l’époque, prendre part au barrage d’un Grand Prix 5* était déjà quelque chose de fantastique pour moi. 

Quelles ambitions nourrissiez-vous à cette époque ? 

J’avais déjà des rêves olympiques, comme tout jeune sportif, mais quand Papillon est arrivé dans mes écuries, j’étais très loin d’imaginer que je me qualifierai pour les Jeux avec ce cheval. C’est pourtant ce qui est arrivé, grâce aux bons résultats que nous avons accumulés. La Belgique n’étant pas qualifiée par équipes pour les Jeux de Rio de Janeiro, en 2016, la seule manière pour que le pays y soit représenté était d’y envoyer un couple en individuel. Pour l’anecdote, c’est Grégory Wathelet qui m’a fait remarquer que j’avais mes chances. Pour cela, il me fallait me hisser parmi les six meilleurs cavaliers mondiaux. Grégory, lui, était déjà au sommet avec Conrad. À cinq mois des qualifications définitives, j’ai augmenté un peu l’intensité des concours pour tenter de décrocher ma place pour les Jeux et cela a payé. Néanmoins, je n’ai pas été aux Jeux olympiques avec Papillon, car j’estimais qu’il avait énormément donné tout au long de la saison pour me permettre d’obtenir cette qualification et je sentais qu’il était fatigué. On sait combien ces épreuves sont éprouvantes pour les chevaux, j’ai donc décidé de ne pas l’y emmener par respect pour lui. Même si son propriétaire aurait évidemment aimé voir son cheval participer à un tel événement, c’était un véritable choix, le bien-être animal étant une priorité. L’histoire s’est donc poursuivie avec Grand Cru van de Rozenberg (BWP, Malito de Rêve x Heartbreaker), mais si je n’avais eu que Papillon pour participer à ces Jeux, j’aurais choisi de ne pas y aller. 

À quoi ressemble sa vie désormais ? 

Papillon est encore chez moi aujourd’hui. Il est d’ailleurs le premier cheval que mon fils Mathieu a monté après avoir évolué à poney et ils ont concouru ensemble pendant une saison et demie. J’étais pleinement confiant, car c’est vraiment un gentil cheval, on aurait presque dit un cheval de club tellement il était tranquille. À ses dix-neuf ans, j’ai décidé de lui offrir une retraite bien méritée. Aujourd’hui, il vit paisiblement dans son pré et fait encore partie de la famille. Une fois par semaine, une fille du village où nous sommes situés vient s’occuper de lui, le brosser et le monter, ce qui lui fait du bien. Je suis heureux de savoir qu’il finira ses jours auprès de nous.

Ci-dessous, une vidéo prise par Jérôme Guéry de son fils Mathieu et Papillon Z s'entrainant à domicile  :