“Cette victoire en Grand Prix 5*, je l’attendais depuis longtemps”, Ludovic Escure

Groom de Kevin Staut, Ludovic Escure parcourt le monde auprès des chevaux du champion olympique par équipes depuis quatre ans. Dimanche passé, dans l’enceinte du Grand Palais éphémère, il a vécu grâce à Cheppetta sa première victoire en Grand Prix 5* à l’occasion du Saut Hermès. Un succès ardemment espéré et à la saveur particulière, car il intervient après une longue et constructive phase de remise en question. Le globe-trotteur de vingt-huit ans revient sur son rôle auprès du champion Tricolore et évoque ce 20 mars qu’il n’oubliera pas de sitôt.



Dimanche en fin d’après-midi, le paddock s’est animé autour de Kevin Staut à l’issue du Grand Prix 5* du Saut Hermès, qu’il a remporté avec Cheppetta. Cela faisait six ans qu’il n’avait plus mené de tour d’honneur dans une épreuve de ce niveau. Aux côtés de la baie, Ludovic Escure a eu de quoi se réjouir puisqu’il célébrait quant à lui sa première victoire en Grand Prix 5* comme groom. Un succès qu’une ancienne cavalière internationale bien informée et fine observatrice avait quasiment prédit. “Il y a quelques semaines, Jessica Kurten, qui commentait un parcours de Kevin au CHI d’Al Shaqab, a dit qu’il allait réussir quelque chose de grand prochainement compte-tenu de la solidité de son piquet et de sa forme du moment”, se souvient celui qui soigne quotidiennement les chevaux du numéro trois français. “Je fais d’ailleurs écouter cette vidéo régulièrement à Kevin pour le galvaniser !”, ajoute-t-il dans un sourire. 

Le 20 mars, Ludovic Escure a répété un rituel qu’il connait bien avant le Grand Prix du Saut Hermès. “J’ai commencé à préparer Cheppetta deux heures avant l’épreuve, car j’aime que mes chevaux puissent se reposer, et ne plus avoir qu’à les seller juste avant qu’ils partent au paddock. Elle était donc piontée et brossée, ce qui m’a permis de voir le début d’épreuve et de me rendre compte que le parcours était vraiment difficile”, raconte le groom, avant de revenir notamment sur l’accident qui a interrompu l’épreuve. “Le paddock était relativement petit et il n’y avait qu’un vertical et un oxer, ce qui complique toujours les choses. Lors des Grands Prix, il y a toujours un peu plus de tension qu’habituellement, cela s’est ressenti dimanche. Alors que Kevin et Cheppetta commençaient tout juste à détendre sur l’oxer, l’épreuve s’est subitement arrêtée en raison de l’accident qui a touché Twentytwo (des Biches, ndlr), la jument de Bryan Balsiger. Cela m’a beaucoup touché car Bryan est un garçon super, tout comme son entourage. Pendant vingt minutes, nous avons donc dû patienter sans trop savoir ce qui allait advenir. Une fois que Twentytwo a pu être évacuée, l’épreuve a pu reprendre, nous avons dû nous remobiliser, et Cheppetta a sauté de façon magistrale”, relate le jeune homme, qui ne croyait d’abord pas à la victoire. “Comme Kevin, j’étais sûr sur nous allions terminer deuxièmes, alors que d’ordinaire, il est toujours très pessimiste et moi très optimiste sur le fait que nous allons monter dans le classement. Henrik von Eckermann et King Edward étaient les derniers à partir et ce cheval est juste un phénomène, je pense qu’il est le meilleur du moment. À la fin de leur barrage, j’ai entendu le public hurler, donc je me suis dit que c’était fichu pour nous… jusqu’à ce que je comprenne au bout de cinq secondes que le public s’enthousiasmait pour la victoire de Kevin! J’étais comme un gosse!”, se remémore Ludovic. 



“Nous avons traversé une importante phase de remise en question l’an passé”

“En sortie de piste, il m’a dit avec un sourire assez révélateur que Cheppetta était « de la même trempe que Silvana »”, raconte Ludovic Escure, ici en photo après la victoire du 3* de Vilamoura.

“En sortie de piste, il m’a dit avec un sourire assez révélateur que Cheppetta était « de la même trempe que Silvana »”, raconte Ludovic Escure, ici en photo après la victoire du 3* de Vilamoura.

© Sportfot

Si les succès à un tel niveau n’ont pas été légion ces dernières saisons, le champion olympique par équipes a apporté des ajustements à son fonctionnement, comme le confirme Ludovic Escure. “Depuis deux ou trois mois, Kevin a un peu changé d’état d’esprit. Nous avons traversé une importante phase de remise en question l’an passé après les Jeux olympiques (auxquels le Normand n’a pas participé, ndlr) et avons beaucoup discuté. J’ai le sentiment que nous avons trouvé un nouvel élan, grâce notamment à de récents partenariats pour le soin des chevaux avec des machines très développées et une physiothérapeute, Élodie Chenet”, débute-t-il. “Kevin voit une différence depuis que nous avons fait ces ajustements avec des outils très utilisés dans le sport de haut niveau, notamment pour les footballeurs par exemple. L’une de ces machines masse le cheval et permet la relaxation musculo-tendineuse, tandis qu’une autre propose un système de compression active et de cryothérapie, qui accélère la guérison et permet de réduire les douleurs et contractures en favorisant la cicatrisation des tissus notamment. Cela nous a notamment été très bénéfique dans la guérison de Viking(Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie, le cheval sur lequel Kevin Staut comptait pour les Jeux olympiques de Tokyo, ndlr). Nous avons aussi un inhalateur qui permet une meilleure oxygénation. Kevin est d’ordinaire assez sceptique quant à l’utilisation de ces systèmes, mais en l’occurrence, il sent une différence sur les chevaux”, détaille le groom. “Élodie est venue avec nous à Vilamoura (où Kevin Staut a concouru pendant trois semaines entre fin janvier et février, ndlr), où elle a beaucoup œuvré pour que les chevaux se sentent bien. Pour l’anecdote, elle avait loupé la victoire de Cheppetta à Vilamoura bien qu’elle ait essayé de retarder au maximum son départ du concours pour l’aéroport, ce qui lui avait d’ailleurs fait louper son avion ! Le jour du Grand Prix du Saut Hermès, l’horaire de son avion ne lui permettait pas non plus d’assister au barrage. Avant l’épreuve, je lui ai donc dit de décaler son vol afin que l’histoire ne se répète pas. Il se trouve qu’elle a bien fait, car elle a pu voir Cheppetta gagner !”, raconte aussi Ludovic. 

Comme l’avait confié Kevin Staut à GRANDPRIX, il a retrouvé Cheppetta très en forme à Vilamoura, en début d’année. “Au Portugal, j’ai vu Kevin sortir de piste avec Cheppetta de petites épreuves préparatoires avec le genre de sourire enthousiaste qu’il avait avec Rêveur (de Hurtebise*HDC, qui l’a mené jusqu’à l’or olympique par équipes en 2016, ndlr). Là-bas, il avait déjà dit qu’elle était exceptionnelle avant même de remporter le Grand Prix (3*, le 13 février, ndlr)”, décrit le groom. “À la suite de sa pause, il l’a retrouvée complètement différente et clé en main grâce au travail remarquable de l’équipe de Château Bacon et leur cavalière Laura Rayjasse (après avoir des connu des soucis oculaires, la baie avait repris la compétition avec cette dernière, ndlr). Nous l’avons récupérée avec une envie de sauter qu’elle avait perdue. Kevin a tout de suite vu à Vilamoura qu’elle était très différente. Il adore la monter depuis qu’elle est revenue. Cette victoire au Portugal l’a encore plus conforté dans l’idée qu’elle était prête. En sortie de piste, il m’a dit avec un sourire assez révélateur qu’elle était « de la même trempe que Silvana ». Il est vrai que toutes deux ont des points communs ; elles sont grandes et un peu raides. Il l’aime beaucoup!”, complète-t-il.  



“Le cheminement jusqu’à cette victoire la rend encore plus belle”

Bien qu’embauché par l’un des les plus éminents cavaliers du circuit, Ludovic Escure a parfois dû prendre son mal en patience, comme il le décrit. “En signant mon contrat chez Kevin, j’ai eu l’impression d’atteindre une forme de consécration et je m’attendais naïvement à être de tous les championnats, à obtenir des classements en Grand Prix chaque week-end. Je ne pensais pas que j’allais attendre quatre ans pour remporter un Grand Prix 5*. Kevin et moi avons traversé des épreuves, car quelques mois après mon arrivée dans ses écuries, il a quitté le haras des Coudrettes pour tout recommencer à zéro. Alors qu’il était numéro un français, nous nous sommes retrouvés avec deux chevaux dans ses écuries familiales. J’ai le sentiment d’avoir travaillé dur pour en arriver là car nous avons dû tout reconstruire. Il a fallu réinventer un système, améliorer les écuries, trouver des chevaux... Le cheminement jusqu’à cette victoire la rend encore plus belle. Je crois qu’elle n’aurait pas eu la même saveur si tout avait été facile depuis le début et que nous avions enchainé les grandes succès juste après mon arrivée. Pendant ces quelques années, j’ai appris l’humilité”, résume le groom. “Comme cette réussite a tardé à arriver, j’ai parfois un peu perdu espoir. Avec toute la modestie du monde car je suis son premier fan, Kevin est tellement exigeant quant à la qualité de son équitation qu’il ne laissera jamais de côté l’esthétisme. Il ne mettra jamais un cheval dans le rouge non plus, ce qui est tout à son honneur. En tant que groom, cela a parfois pu être un peu frustrant car j’attendais les grandes victoires. Je prends aujourd’hui conscience qu’il avait une vision à long terme et qu’il voulait simplement construire les choses avec patience”, ajoute-t-il

Si le succès parisien n’est pas une surprise, Ludovic nourrit des espoirs mais reste évidemment prudent, car il sait bien que tout peut basculer rapidement dans les sports équestres. “Depuis quelques mois, les chevaux sont prêts, le piquet devient très correct, et je trouve que Kevin monte avec un petit supplément d’âme qui lui permet de transformer un parcours à quatre points en sans-faute. Ses tours sont non seulement magnifiques, mais aussi efficaces. Je suis très heureux de voir que les choses se mettent en place et que Kevin a retrouvé cet état d’esprit, qui appellera – je l’espère – d’autres succès. Le mood est bon en ce moment, mais j’ai appris que dans ce sport, on peut très vite redescendre. J’espère ne pas avoir à attendre quatre ans de plus pour la prochaine victoire de ce niveau !” 



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