Le rôle du vétérinaire lors des courses d’endurance

Lors des compétitions d’endurance, les vétérinaires sont les garants du bien-être animal et de la santé des chevaux. Sans eux, les courses ne peuvent ne dérouler! Michel Payan et Lionel Payen, tous deux officiels de compétition, témoignent de leur rôle lors d’une course sous l’égide de la Fédération équestre internationale (FEI), et évoquent les enjeux auxquels ils font face.



En compétitions internationales, on distingue deux rôles pour les vétérinaires, véritables partenaires pour le bon déroulé d’une course. Lors de cette épreuve, les chevaux produisent un effort important pour lequel ils sont sélectionnés et entraînés. Tout d’abord, il y a les vétérinaires officiels, qui font partie d’une commission et tiennent un rôle de “juge”. Leur objectif est de contrôler la bonne santé des chevaux et leur capacité à continuer la course, du contrôle initial au contrôle final, en vérifiant qu’ils présentent des constantes physiologiques et de locomotion satisfaisantes. Pour cela, à la fin de chaque boucle, soit tous les vingt à trente kilomètres, ils examinent le rythme cardiaque, véritable indice de la récupération, le bon état métabolique, observent les chevaux sur un trotting aller-retour, etc. En cas d'apparition de pathologies ou de fatigue, ils vont suggérer au jury les mesures nécessaires pour ne pas faire courir le moindre risque au cheval concerné: par exemple, le mettre hors course ou demander à ce qu’il soit à nouveau observé juste avant de repartir sur la boucle suivante. Les vétérinaires officiels peuvent également envoyer le cheval vers une équipe traitante spécialisée, qui lui apportera des soins. Ces vétérinaires traitants sont là pour prévenir d’une éventuelle blessure grave. Ils sont formés pour prendre en charge le plus vite possible et de manière pertinente les pathologies qui peuvent apparaître. “Le vétérinaire est garant du bien-être des chevaux pendant la course et aux écuries. Nous sommes aussi là pour conseiller les organisateurs sur la modulation des temps de repos en fonction du terrain et de la météo”,précise Michel Payan, vétérinaire depuis plus de quarante ans et officiel de compétition depuis plus de vingt ans. Le vétérinaire joue aussi un rôle dans la lutte contre le dopage. “Des vétérinaires préleveurs sont mandatés par la FEI, mais sur certains critères, quand nous avons un doute ou quand il y a un accident, nous pouvons effectuer des prélèvements. Cela permet de s'assurer que notre sport reste propre”, ajoute Lionel Payen, vétérinaire en endurance depuis plus de trente ans. 



“Ils permettent à la discipline de perdurer mais également de mettre en avant les savoir-faire français”, Martin Denisot

Pour mener à bien ces missions, il est essentiel de pouvoir s’appuyer sur des vétérinaires formés et expérimentés. “À partir du moment où les courses dépassent les quatre-vingt kilomètres, ce sont des distances où le sport devient très pointu. C’est donc bien de s’appuyer sur des vétérinaires qui ont une véritable expérience avec les chevaux d’endurance”, signifie Lionel Payen. “Les vétérinaires FEI ont des obligations de durée d’exercice et de formation pour obtenir une promotion de niveau FEI. Il n’est pas possible d’envisager la nomination d’un professionnel qui ne pratique pas sur les chevaux d’endurance équestre”, pointe Michel Payan, directeur du cours FEI qui s’est tenu mi-mars au Parc équestre fédéral à Lamotte-Beuvron, dans le Loir-et-Cher. À cette occasion, trente-cinq vétérinaires français, belges et espagnols ont suivi une formation continue obligatoire qui leur a permis de valider le maintien de leur statut d’officiels internationaux. Cette mise à niveau des connaissances sur les règlements en vigueur et temps d’échanges entre professionnels sont importants car les vétérinaires doivent travailler en équipe. Ils sont, bien souvent, entre six et dix vétérinaires présents en course pour contrôler rapidement et efficacement les chevaux qui arrivent en groupe au “vet gate”. “Nous devons évaluer tous les chevaux selon les mêmes critères car un même cheval peut être examiné par plusieurs vétérinaires au fil de la course. Le passé du cheval dans la course doit être clair, et nous devons être capable de nous alerter mutuellement quand nous trouvons qu’un cheval n'est pas mal au point de l’arrêter mais pas non plus pleinement satisfaisant”, explique Lionel Payen. La passion du cheval, du sport et de l'endurance animent ces officiels de compétition. “Nous sommes sur un vrai relationnel avec les cavaliers, qui sont très soucieux de l’état de santé de leurs chevaux. Leur objectif est d'arriver à performer sans jamais mettre le cheval en danger. Faire partie de cette réussite est très gratifiant et enthousiasmant”, témoigne Lionel Payen quand on lui demande ses motivations à être vétérinaire en compétition d’endurance. Une réponse qui recoupe celle de Michel Payan, qui ajoute: “C’est une ambiance générale très agréable et en faveur du cheval. Il y a des relations très directes avec ce dernier, on ne peut pas le persuader de faire une course de cent soixante kilomètres si l’on n’a pas une vraie relation avec lui!”. Officier en compétition apporte également des enseignements particuliers, et offre de potentiels challenges professionnels, comme le partage Michel Payan: “J’ai eu un cheval qui a déclaré une torsion des intestins dans la file d’attente avant le premier examen. Ce n’est pas bien grave quand on est dans une clinique, mais là, nous étions au fin fond de la brousse! Il faut alors la coopération de tout le monde.” Il a également engrangé une expérience supplémentaire à celle acquise dans son cabinet. “Les chevaux n’ont pas besoin de faire cent soixante kilomètres pour montrer des choses qui sont assez spécifiques à l’endurance, et facilement extrapolables à d’autres disciplines. Nous pouvons rencontrer en randonnée des pathologies exprimées régulièrement en endurance. C’est très formateur, peu importe le niveau de la course, car nous voyons beaucoup de chevaux au cours de la journée. Nous avons l’habitude de voir des chevaux en excellent état de forme malgré l’effort qu’ils fournissent et pour lequel ils sont entraînés. Celui des chevaux de l’équipe de France ou de l’équipe d’Espagne après cent soixante kilomètres au Mondial d’Ermelo l’automne dernier laisse rêveur. Quand on dit qu’ils sont prêts à repartir, c’est réel!” Les vétérinaires sont essentiels au bon déroulement d’une course d’endurance. Sans eux, pas de compétition! Pour les clubs, il y a possibilité d’organiser de toutes petites épreuves sans présence requise de vétérinaires, où ce sont alors des moniteurs qui contrôlent. Une option offerte par le règlement de la Fédération française d’équitation, “mais quasiment tous les clubs qui connaissent l’endurance essaient quand même d’avoir des vétérinaires présents, pour le rapport de confiance qui se construit année après année”, note Lionel Payen. “Il faut souligner l’engagement de nos vétérinaires français en compétitions, tant nationales qu’internationales”,remercie Martin Denisot, directeur technique national chargé de l’endurance. “Ils permettent à la discipline de perdurer mais également de mettre en avant les savoir-faire français et la qualité des enseignements dispensés. La France est une nation d’endurance et ils font partie intégrante de cette réussite”, a-t-il ajouté.



Un fort enjeu de recrutement de nouveaux officiels vétérinaires

Si certains vétérinaires “dans la force de l’âge” comme Mathieu Lenormand ou Maria Mas Ramon se retrouvent de plus en plus embarqués dans le monde de l’endurance, les années passant, des difficultés à recruter de nouveaux vétérinaires se font ressentir dans la discipline. Plusieurs explications à cela se recoupent. “Cela prend beaucoup de temps d’être sur une épreuve et l’indemnité n’est pas merveilleuse. Aussi, si l’on veut administrer des traitements, cela demande une assurance particulière. Des confrères iraient bien faire une épreuve d’endurance pour le plaisir, mais ils se rendent compte que le prix de leur assurance peut être multiplié par dix s’ils le déclarent… L’accès n'est pas forcément simple, mais il faut le faire parce qu’on aime la discipline et que l’on a une place d’observateur privilégié”, explique Michel Payan. Être vétérinaire demande beaucoup de temps, et officier en endurance signifie travailler des week-ends en plus, ou généralement sur des jours de congés. “Quand les organisateurs me disent que les vétérinaires sont chers, je réponds que ce sont les premiers sponsors de l’endurance”, assène avec conviction Lionel Payen. Une situation compliquée qui n’est cependant pas une fatalité, les vocations n’étant pas totalement inexistantes. Face à cela, l’Association française des vétérinaires d’endurance se mobilise à travers des interventions dans les écoles et auprès de confrères. “Nous avons tendance à perdre de vue les étudiants sortis d’école s’ils n’ont pas un intérêt quotidien pour la discipline. Nous battons la campagne pour attirer des jeunes et ne pas trop perdre les vétérinaires plus âgés, qui n’aiment pas forcément passer des examens. En tant que président de cette association, je dois dire que la FFE nous aide beaucoup. Son soutien et sa coopération sont très intéressants”, conclut Michel Payan.

À noter, pour devenir vétérinaire équin, il faut réussir le concours d’entrée pour intégrer l’une des quatre écoles nationales vétérinaires françaises, puis étudier cinq ans. Il s’agit de la seule prérogative pour être vétérinaire lors d’une course nationale d’endurance, sous certaines conditions, il est également possible d’être officiel tout en étant encore étudiant, comme l’a fait Lionel Payen. La plupart du temps, ils officient pour leur première course FFE en étant cooptés et accompagnés par d'autres vétérinaires plus chevronnés. Il se crée ainsi naturellement un compagnonnage qui intègre les plus jeunes et leur permet d'acquérir de l'expérience.

Pour devenir vétérinaire officiel sur une course internationale d’endurance, il s’agit d’abord de passer un test en ligne pour devenir vétérinaire officiel FEI, de disposer d’un minimum de cinq ans d’expérience en tant que vétérinaire, et de suivre un certain nombre de formations FEI, avant de grimper les différents échelons existants.