“J’envisagerai peut-être de concourir au niveau supérieur d’ici le milieu de la saison”, Frédéric Bouvard

Exilé au Plat Pays, Frédéric Bouvard a bien entendu opté pour les terrains belges pour disputer ses premières compétitions internationales de l’année. Le cavalier de quarante-six ans a réalisé un bon début de saison terminant notamment quatrième du Grand Prix CSI 3* de Lanaken sur une jument qu’il a élevée, Lubie de l’Élan. Détecteur et formateur de chevaux, il a eu l’occasion de former l’élite, dont une certaine Estoy Aqui de Muze, ancienne partenaire à succès de son ami Kevin Staut, avec qui il travaille depuis plusieurs années.



Frédéric Bouvard et Lubie de l'Élan.

Frédéric Bouvard et Lubie de l'Élan.

© Scoopdyga

Dimanche 10 avril, vous avez terminé quatrième du Grand Prix CSI 3* de Lanaken aux rênes de Lubie de l’Élan (BWP, Querlybet Hero x Lansing). Quel bilan tirez-vous de cette performance pour le premier Grand Prix CSI 3* de cette jument sous votre selle?

Tout d’abord, je suis très content car il s’agit d’une jument que j’ai élevée avec ma femme, Violaine Dupret. C’est donc d’une histoire particulière et il y a une petite valeur ajoutée à cette performance. Habituellement, je monte des chevaux que j’ai acheté. À une période (de août à décembre 2021, ndlr), j’ai confié Lubie à Kevin Staut, qui a obtenu de bons résultats notamment au CSI 3* de Riesenbeck (terminant deuxième d’une épreuve à 1,45m puis huitième du Grand Prix écopant de quatre points de pénalité au barrage, ndlr). Elle a également concouru à Aix-la-Chapelle sous la selle de Kevin. Mon intention était d’observer son comportement à un niveau supérieur. Finalement, nous avons été assez contents. D’ailleurs, il n’est pas exclu que Kevin la monte ponctuellement pour continuer dans cette direction. Je l’ai remontée cet hiver dans des épreuves comptant pour le classement mondial à 1,45m au niveau 2* dans lesquelles elle était relativement bien. Puis, à Lanaken, l’occasion s’est présentée de pouvoir concourir dans le CSI 3*. Les choses se sont faites assez simplement. Elle a couru quelques épreuves avant puis s’est très bien comportée dans le Grand Prix.

Quel regard portez-vous sur le parcours puis le barrage?

Deux jours auparavant, j’ai participé à une épreuve à 1,50m avec Lubie. Nous avions écopé de deux fautes en fin de parcours mais j’avais trouvé qu’elle avait tout de même très bien sauté. J’étais content et c’est pour cela que je me suis permis de l’engager dans le Grand Prix. J’avoue que lorsque j’ai vu le parcours à la reconnaissance il me paraissait difficile et je me demandais si je n’avais pas commis une erreur (rires). Mais la jument a quand même pas mal de potentiel ce qui est assez rassurant pour moi. Elle a très bien sauté et nous n’étions pas énormément au barrage (huit couples étaient qualifiés pour le parcours réduit, ndlr). Ainsi, je n’ai pas pris beaucoup de risques. J’ai réalisé un barrage moyen dans lequel j’ai eu la chance de terminer sans-faute, ce qui m’a apporté cette quatrième place dont je suis très heureux. 

Vous avez participé aux CSI d’Opglabbeek et de Lierre pour commencer votre saison. Êtes-vous satisfait de vos performances?

Oui, je suis super content du comportement de Lubie et des résultats que nous avons obtenus ensemble. Elle est pour l’heure mon cheval de tête et je n’ai actuellement pas d’autre chevaux de ce niveau et de cette expérience. Je monte un autre cheval, Hugh Grant de Muze (BWP, Shindler de Muze x Jalisco B), propriété d’Ariane de Backer, qui a aussi été bien classé dans les épreuves comptant pour le classement mondial au CSI 2* de Lierre (terminant neuvième dans une épreuve à 1,45m, ndlr). Il a aussi participé à une épreuve à 1,45m à Opglabbeek en signant un double sans-faute (se plaçant cinquième, ndlr). Tous deux sont les deux chevaux que je monte dans des épreuves à 1,45m et 1,50m. Sinon, je monte plutôt des jeunes chevaux de six et sept ans que j’achète ou que j’élève. Cela fait une dizaine d’années que j’ai commencé à faire de l’élevage. D’ailleurs, Lubie en est l’un des premiers produits. Je ne suis pas attaché à concourir à un niveau élevé chaque week-end. Bien que je participe quasiment tous les week-end à des concours, c’est généralement pour former des jeunes chevaux et pouvoir les revendre, ou bien afin de continuer à les faire évoluer comme je le fais avec Lubie. 



“J’ai énormément de respect pour tout ce qu’a accompli Kevin”

Frédéric Bouvard et Kévin Staut

Frédéric Bouvard et Kévin Staut

© Scoopdyga

Qu’envisagez-vous pour la suite avec Lubie de l’Élan? 

À court terme, j’avais prévu d’essayer de récolter un ou deux embryons et c’est ce que nous allons faire dans les semaines ou les mois à venir. Je ne sais pas ce que cela donnera donc il est difficile de voir plus loin, mais je vais d’abord me concentrer là-dessus. Ensuite, nous essayerons de reprendre les compétitions tout en retrouvant un bon niveau. D’ici la fin de saison, peut-être que Kevin la remontera dans quelques concours de niveau 5*.

Vous montez Hugh Grant de Muze depuis plusieurs années. Comment le définiriez-vous? Quel regard portez-vous sur le fait d’avoir pu conserver ce cheval aussi durablement?

Je n’ai quasiment jamais monté un cheval aussi longtemps que Hugh Grant. Cela fait au moins sept ans qu’il est sous ma selle. Hugh Grant a beaucoup de cœur et il est plutôt très doué. Il a été régulièrement performant dans les épreuves entre 1,40 et 1,45m, j’ai même quelques fois couru des épreuves à 1,50m avec lui. C’est un super cheval. Sa propriétaire Ariane de Backer a une chouette histoire avec lui et éprouve beaucoup de plaisir à le voir en concours. Pouvoir conserver un cheval sur la durée est capital car les performances nécessitent beaucoup de temps et de préparation en amont. Au niveau des performances sportives, c’est difficile d’imaginer quelque chose en six mois voire un an avec un cheval. Cela prend du temps et parfois on est confronté à des aléas: des baisses de forme ou parfois la santé qui se dégrade. Ainsi, il faut laisser les chevaux se reposer. Le temps est très important pour arriver à atteindre la réussite avec un cheval, à condition que le cavalier et le cheval aient des qualités bien entendu. J’espère pouvoir le refaire avec d’autres chevaux dans le futur, c’est pour cela que j’en prépare et que j’achète régulièrement des chevaux afin d’avoir une relève. 

Vous avez travaillé avec Kevin Staut plusieurs années. Quelle relation entretenez-vous avec lui? 

Je le connais depuis longtemps et je travaille toujours avec lui. J’ai récemment vendu une jument à Vivaldi Jumping, une écurie de groupe que Kevin a co-fondée. Ils m’ont acheté une jument de six ans à former pour le futur. Je travaille toujours avec Kevin régulièrement et c’est pour cela que je lui avais proposé de monter un peu Lubie. Je pense le refaire éventuellement plus tard. J’ai énormément de respect pour tout ce dont il a accompli jusqu’à présent. Cela me paraît vraiment incroyable. Je suis très fan du haut niveau et il me paraît être un pilier. Il a un palmarès énorme et cela fait au moins quinze ans qu’il est dans le top vingt-cinq mondial, ce qui prouve énormément de chose. Pour moi, c’est assez intéressant de pouvoir bénéficier de son expérience et de pourvoir quelques fois l’accompagner en compétitions. Cela me permet de découvrir et d’approfondir certaines choses par rapport à mes activités: la formation et la détection de chevaux. De plus, j’espère toujours avoir des chevaux éventuellement capables de concourir avec lui à haut niveau. 

 



“Pourquoi pas, par la suite, participer à des concours plus importants”

Pouvez-vous présenter votre piquet de chevaux?

Outre mes chevaux de tête, j’ai des chevaux plus jeunes des six et sept ans. J’ai actuellement un très bon sept ans, Pearl Gem VDM (BWP, Gemini Cl XX x Darco), qui est encore inexpérimenté mais qui montre beaucoup de capacités. Je fonde beaucoup d’espoir en lui. J’ai également une très bonne jument de six ans, Kinoa d'Ayrifagne (sBs, Douglas x Diamant de Semilly), à laquelle nous avons prélevé pas mal d’embryon jusqu’à présent. Elle manque d’expérience en concours mais nous allons commencer les concours internationaux ce qui va nous permettre de valider les capacités qu’on lui imagine. 

Quelles sont vos ambitions pour la suite de la saison?

Je vais devoir laisser un peu Lubie tranquille pour les transferts d’embryons. J’ai la chance d’avoir beaucoup de concours intéressants autour de chez moi en Belgique pour développer les chevaux et essayer d’atteindre un bon niveau. Pourquoi ne pas prendre part à des concours plus importants plus tard ? Je vais me concentrer là-dessus. En fonction des résultats que j’arriverai à obtenir, j’envisagerais peut-être de concourir en CSI 2*, 3* ou 4* d’ici le milieu de la saison. 

Quel est votre programme de compétition pour les semaines à venir? 

J’avais prévu de participer au concours de Lummen mais il a été annulé. Je me suis donc rabattu sur CSI 2* à Opglabbeek pendant deux semaines où je vais majoritairement concourir avec des chevaux de six et sept ans. Nos compétitions tournent souvent autour de Lierre et Opglabbeek pour l’instant.

Vous étiez installé au haras de Wisbecq, qui a récemment été vendu à l’État belge. Où êtes-vous installés désormais? Avec qui vous entraînez-vous?

Je suis installé à Braine-l’Alleud dans la région du Brabant Wallon, en périphérie de Bruxelles. Ce n’est pas très loin de chez moi. J’ai retrouvé des écuries très agréables avec de bonnes infrastructures pour travailler. Finalement, je suis assez content de ce changement. Je m’entraîne de temps en temps avec Kevin sinon j’essaye d’avoir les yeux le plus ouverts possible lors des compétitions. En Belgique, nous avons de la chance d’avoir des concours tels que le Z Tour, Opglabbeek ou Lierre qui réunissent de très bons cavaliers. Ainsi, j’essaye de les observer et de m’inspirer. Je trouve cela très intéressant.

Quels sont vos objectifs à long terme?

Je n’ai pas vraiment d’objectif sportif, bien que j’aimerais participer à plus de compétitions tout en essayant d’y performer. Mon objectif serait plutôt d’être compétant dans ce que j’entreprends, de connaître mon métier encore mieux et de pouvoir être le meilleur possible dans le sport. J’aime également avoir des connaissances dans l’élevage et dans le commerce. Par la suite, pourquoi pas aider un cavalier ou même mes enfants s’ils ont des qualités pour l’équitation. 



“Plus tard, j’ai compris pourquoi Estoy Aqui de Muze sautait aussi facilement”

Frédéric Bouvard et Estoy Aqui de Muze.

Frédéric Bouvard et Estoy Aqui de Muze.

© Scoopdyga

Vous avez monté quelques très grands chevaux dont Amai (BWP, Non Stop x Bacara), vainqueur du Grand Prix du CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle avec Michael Whitaker, Rothchild (sBs, Artos x Élégant de l’Ile) le partenaire aux multiples succès sous la selle de McLain Ward, et la regrettée Estoy Aqui de Muze*HDC (BWP, Malito de Rêve x Kashmir van Schuttershof), performante en 5* avec Kevin Staut. Quel cheval vous a le plus marqué et pourquoi?

Estoy Aqui de Muze (avec qui Kevin Staut a notamment terminé troisième de la Coupe des nations du CSIO 5* de La Baule en 2013, puis deuxième de celle de Hickstead, sixième du Grand Prix 5* de Zurich en 2014, ndlr) avait été assez exceptionnelle. Je l’avais montée en janvier lorsqu’elle avait huit ans au concours international de Nice et elle avait été directement assez performante dans les CSI 2*, ce qui est assez bien en tout début d’année de huit ans. Je l’avais trouvée assez exceptionnelle, elle sautait avec aisance. Plus tard, j’ai compris pourquoi elle sautait aussi facilement ; elle a tout de même réussi à sauter aussi facilement la Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle (signant la meilleure performance française en 2014 en écopant de quatre points de pénalité puis réalisant un parcours sans faute, ndlr) donc c’était normal (rires)! Amai est quant à lui un cheval que j’ai monté lorsqu’il avait sept ans. Il avait énormément de facilité, même s’il était difficile de dire qu’il allait pouvoir gagner un jour le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle. C’était un cheval doué et sérieux. Il faisait déjà très peu d’erreurs lorsqu’il était jeune. 

Vous avez également eu Beauville (Z, Bustique x Jumpy des Fontaines) dans vos boxes. Aviez-vous imaginé qu’il serait un jour médaillé de bronze aux Jeux olympiques?  

J’ai été copropriétaire de Beauville avec Maxime Rius. C’est un cheval très chouette. Encore une fois, il était difficile de dire qu’il allait performer à un tel niveau mais il faisait peu d’erreur. Il ne faut surtout pas oublier le savoir-faire qui a été mis au profit de ce cheval avec la famille van der Vleuten, qui a bien sûr un rôle très important dans ce succès-là. 

Travaillez-vous toujours avec Maxime Rius?

Oui, je travaille toujours avec lui bien qu’il soit désormais installé près de Lille. Nous avons régulièrement des chevaux en copropriété. L’année dernière, nous avons vendu une très bonne jument qu’il montait à Philippe Leoni, Miss Marie Van’t Winnenhof (BWP, Edjaz Van’t Merelsnest x Toulon). D’ailleurs, ce week-end (entretien réalisé le vendredi 22 avril, ndlr), il participe aux championnats de France Pro Élite avec cette même jument (finalement, le couple a terminé troisième du championnat derrière Pénélope Leprevost et François-Xavier Boudant, ndlr). Elle semble vraiment confirmer toutes les qualités que l’on pensait d’elle et s’accorde très bien avec Philippe. Nous avons encore régulièrement des chevaux ensemble avec Maxime et j’espère que nous en aurons encore plus dans le futur (rires)!



“Nous avons affaire à beaucoup de jeunes cavaliers très en avance”

Grégory Cottard a pris la parole concernant sa manière de travailler en se débarrassant des artifices pour le bien-être animal. Quel regard portez-vous quant à sa démarche et ses méthodes d’entraînement? Vos méthodes vont-elles dans le même sens?

Oui, je trouve que c’est toujours bien de simplifier les choses dans notre métier plutôt que de les rendre plus compliquées. Désormais, le bien-être animal devient de plus en plus important. C’est sûr qu’il y a certains abus, mais la plupart des personnes prennent beaucoup soin de leurs animaux. Je pense que malgré tout, cela doit être assez surveillé. Il ne faut pas laisser faire n’importe quoi aux gens qui abuseraient. 

Avez-vous pu suivre la finale de la Coupe du monde Longines, qui a sacré Martin Fuchs?

Je suis ça de très près! C’est ma grande passion! Je trouve toujours ces événements exceptionnels parce que nous avons a affaire au meilleur sport qui existe et aux épreuves les plus difficiles. J’ai trouvé cela formidable. De plus, je l’avais déjà remarqué mais j’ai eu la confirmation que nous avons eu affaire à beaucoup de jeunes cavaliers très en avance comme Martin Fuchs, Harry Charles, Jos Verlooy ou encore Jack Whitaker. C’est assez incroyable de constater l’héritage dont ces personnes peuvent bénéficier avec leurs parents, qui ont déjà fait carrière auparavant, sont très investis et de grands connaisseurs. Il s’agit d’un soutien très solide pour tous ces jeunes cavaliers qui montrent des qualités et des performances incroyables. Nous avions déjà eu l’exemple vingt-cinq ans auparavant avec Rodrigo Pessoa qui avait commencé sa carrière avec ce genre de fonctionnement avec son père Nelson. Mais depuis longtemps, nous n’avions plus vu cela. Aujourd’hui, il y a cinq ou six jeunes cavaliers qui performent au plus haut niveau et c’est assez exceptionnel à constater. Il ne faut pas non plus oublier de souligner la performance de notre cavalier français Grégory Cottard qui a bien maintenu son rang et qui a montré de belles choses. 

 

Frédéric Bouvard et Hugh Grant de Muze

Frédéric Bouvard et Hugh Grant de Muze

© Scoopdyga