“Un juge doit avoir des connaissances règlementaires mais aussi des qualités humaines”, Patrice Alvado

Patrice Alvado, juge FEI de saut d’obstacles Level 3, est l’un des 27 juges français officiant en compétitions internationales. Le Sudiste est revenu sur son parcours, son rôle de juge, son projet de devenir directeur de cours FEI, évoquant également les prochains Jeux olympiques, organisés en France et auxquels il espère bien prendre part, ainsi que l’évolution du sport ces dernières années.



Pour commencer, en quoi consiste votre rôle de juge ?  

Il s’agit de s’assurer que la compétition est équitable pour tous les cavaliers. La majorité de notre travail se déroule pendant les compétitions, puisque nous sommes dans la tribune du jury : vérifier que les cavaliers réalisent le parcours selon le plan du chef de piste, compter les fautes et bien évidemment contrôler que le chronomètre est juste. Lors des concours internationaux, le rôle du juge commence avant les épreuves avec l’inspection des chevaux. Nous intervenons également au paddock, où un juge assure la liaison entre les stewards et la tribune du jury. Nous sommes un peu les chefs d’orchestre du concours, en intervenant sur tous les plans entre les cavaliers, vétérinaires, stewards, etc.
Un bon juge anime toute une équipe. Il faut avoir des connaissances règlementaires mais il est indispensable de disposer de qualités humaines comme l’écoute, qui sont indispensables pour mener à bien notre mission.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir juge ?

Au centre équestre où je montais, le Saint Georges Equitation à Grabels (34), il y avait trois compétitions Pro organisées par an. J’ai commencé par être secrétaire de jury, puis pour remplacer une personne qui n’était pas disponible pour une épreuve, j’ai été invité à entrer dans la tribune du jury. Cela m’a beaucoup plu donc je me suis intéressé à ce travail d’officiel. J’ai pris connaissance des règlements, puis en 2001, à mes 18 ans, j’ai obtenu le premier niveau de juge national. Dans ma région, en Occitanie, le saut d’obstacles est la discipline la plus représentée en termes de nombre de concours, et c’est donc la première discipline que j’ai rencontrée. Elle est spectaculaire, prenante. Je suis ensuite devenu juge international Level 2 en 2011, et Level 3 en 2014.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours équestre ? 

Mes parents ne sont absolument pas cavaliers, nous n’avons pas de poneys ni de chevaux. Quand j’étais en primaire, à sept ou huit ans, l’institutrice nous accompagnait le samedi matin dans un centre équestre : celui où j’ai ensuite été licencié et où j’ai commencé à juger. J’y ai découvert les chevaux et eu la chance de rencontrer une monitrice avec laquelle je me suis tout de suite bien entendu. J’ai donc demandé à mes parents de m’inscrire pour pouvoir prendre des cours car je voulais continuer à avoir ce contact avec les poneys, puis les chevaux. J’ai concouru en dressage sur des épreuves d’entraînement, ce qui correspond aujourd’hui au niveau Club. Aujourd’hui, je n’ai plus le temps de monter à cheval, et honnêtement, cela me manque.

“Avoir les Jeux organisés en France est galvanisant”



Votre prochain objectif est de devenir directeur de cours FEI. Qu’est-ce que cela représenterait pour vous et en quoi cela consiste-t-il ? 

Cela serait une reconnaissance de mes compétences par la FEI en tant que juge mais aussi de mes qualités pédagogiques. C’est quelque chose d’important et je dois à ce titre remercier la FFE de son soutien, elle qui œuvre depuis le début en me repérant puis en m'accompagnant tout au long de mon cursus de formation.
Le directeur de cours transmet son savoir, il s’agit d’enseigner puis d'évaluer des compétences, ce qui se recoupe avec mon métier de professeur d’anglais. La plupart du temps, les directeurs de cours FEI sont deux par session, et au regard des résultats des examens oraux et écrits, vont décider de la promotion ou non des candidats. 

Avez-vous également le projet de devenir juge Level 4, le plus haut niveau existant ? 

J’aimerais beaucoup être promu juge Level 4. Les conditions d’accession ont changé récemment, puisqu’il y a désormais, comme pour les autres niveaux, un cours avec un examen qui ont été mis en place. Avant, il s’agissait d’être coopté par sa fédération nationale, et c’était le directeur du département de saut d’obstacles de la FEI, avec le comité, qui décidait d’une promotion. J’espère donc avoir la chance de prendre part à un cours afin d’obtenir ce fameux niveau 4 nécessaire pour officier lors des plus grosses échéances, comme les Jeux olympiques.

Justement, les Jeux de Paris 2024, en tant que juge français, vous font forcément rêver ? 

Absolument ! Que ce soit en tant que sportifs, cavaliers ou officiels de compétition, le fait d’avoir les Jeux organisés en France est galvanisant, ce qui donne envie d’en faire partie. 

Pour l’heure, quelles compétitions vous ont le plus marqué ? 

J’ai eu la chance d’officier lors de nombreux concours prestigieux, en France comme à l’étranger. Dans l’Hexagone, j’aime beaucoup le Longines Equita Lyon, le Saut Hermès ou le CSI de Dinard. À l’étranger, j’ai été invité en 2018 à Aix-la-Chapelle, année où la France était mise à l’honneur. C’est merveilleux et splendide ! L’année dernière, j’étais juge étranger à Rome pour le CSIO 5* de la Piazza di Siena, qui est magnifique. 

“Beaucoup de travail a été effectué concernant le bien-être animal ces dernières années”

Comment conciliez-vous votre rôle de juge et votre profession de professeur d’anglais ? 

Nous ne sommes pas des juges professionnels, nous sommes défrayés avec une indemnité journalière. Mon emploi du temps est bien fait grâce à la direction technique nationale et Sophie Dubourg, puisque je suis inscrit sur la liste des juges et arbitres de haut niveau. Cela me permet d'avoir du temps ; j’enseigne à temps partiel, du lundi matin au mercredi midi, pour pouvoir ensuite partir en concours.
Mes deux fonctions sont complémentaires. Ce que j’ai appris pour être professeur, je peux l’appliquer sur les terrains de concours : la bienveillance, l’écoute, expliquer les choses, car il ne s’agit pas de dire “non” sans justification. En parallèle, la rigueur, la discipline, l’équité sportive et le fair-play sont des choses que j’utilise au quotidien en salle de classe avec mes élèves.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du sport depuis 20 ans ? 

Il y a eu beaucoup de travail effectué concernant le bien-être animal. C’est quelque chose de primordial, que la FFE a inscrit dans son cahier des charges, de même que la FEI. En tant qu’officiel, il s’agit de notre priorité. L’évolution de ce point depuis 20 ans est très positive. Cela passe, par exemple, par la présence des taquets de sécurité sur les oxers, le contrôle des protections, l’encadrement des détentes par des commissaires au paddock. Toutes ces améliorations permettent un meilleur respect du cheval, pour que le sport puisse perdurer et que le haut niveau soit ce qu’il est maintenant. 

Quel est la suite pour vous ces prochains mois ? 

Cet été, j’officierai en tant que président de jury aux championnats d’Europe Juniors et Jeunes cavaliers, organisés à Oliva (ESP) en juillet, puis aux Mondiaux de Herning (DEN) le mois suivant. J’ai déjà été président de jury des Européens Juniors et Jeunes cavaliers aux Pays-Bas en 2017, c’était également le cas l’année dernière lors de l’échéance continentale Poneys en Pologne. Herning sera cependant mon premier grand championnat, je suis très excité à l’idée d’y être ! Même si j’étais juge lors de la finale de la Coupe du monde FEI à Paris en 2018, cela reste une finale et non un championnat ! Cela me permettra d’engranger une riche expérience avant, potentiellement, les Jeux olympiques de Paris.