“Le plus difficile n’est pas de gagner une fois mais de continuer à obtenir des victoires”, Gilles Viricel

Sélectionneur de l’équipe de France Poneys de concours complet depuis le mois de février et successeur d’Emmanuel Quittet, Gilles Viricel a les yeux tournés vers les championnats d’Europe de Strzegom. Au lendemain du championnat de France As Poney Élite, remporté par les doubles champions d’Europe en titre Maé Rinaldi et Boston du Verdon, et de l’annonce de la sélection des six couples qui se rendront en Pologne début août, le quinquagénaire est revenu sur son choix. À la tête d’une équipe solide et composée de poneys expérimentés, fruit d’une réflexion exercée tout au long de l’année, Gilles Viricel ne cache pas son désir de ramener, une nouvelle fois, une belle médaille à la maison.



Quel bilan tirez-vous du championnat de France As Poney Élite, qui s’est terminé dimanche 10 juillet?  
C’était une très belle épreuve et une répétition avant les championnats d’Europe (qui se tiendront du 3 au 7 août à Strzegom, en Pologne, ndlr). Nous avons bénéficié de bonnes installations, de deux bonnes carrières et de superbes détentes un peu isolées, près du manège. Le cross a, comme prévu, fait son travail. Il n’était pas très gros mais assez technique. Le chef de piste, Philippe Racape, a construit un très bon parcours sur un excellent terrain. Il n'y avait pas de dénivelé mais beaucoup de changements d’environnement entre la plaine et la forêt. La délicate combinaison numéro six, composée d’un coffin et d’un vertical de sortie visible au dernier moment, ainsi que le directionnel numéro quatre, qu’il fallait aborder dans le bon axe, ont été les juges de paix. C’est un parcours qui a demandé aux cavaliers d’être de bons pilotes, ce qui nous a permis de voir ceux qui avaient de l’expérience et ceux à qui il en manquait.  
Les meilleurs poneys ont confirmé leur forme sur ce test. Certains, qui iront aux championnats d’Europe, ont écopé d’une petite dérobade, ce qui peut arriver, ce n’est pas dans leurs habitudes (ça a été le cas de Vidock du Berder, Versailles des Morins et Duncan’s Star, ndlr). Globalement, les meilleurs couples se sont retrouvés en tête de ce championnat, il n’y a pas eu de miracle.  
Les championnats de France sont naturellement une source de pression pour tout le monde, et cela se ressent. Il est donc intéressant de voir nos couples sur un cross assez technique. Nous sommes obligés de respecter des normes en matière de sécurité alors la différence se fait sur le pilotage. L’exigence est la même lors du saut d’obstacles. Certains cavaliers, qui n’étaient pas sûrs d’eux, ont monté des lignes un peu à l’aveugle. Savoir diriger son poney est primordial.     

Un couple a-t-il créé la surprise selon vous ?  
Il n’y a pas eu de surprise mais une confirmation de la part d’Océane Villeton. Quand je suis arrivé en début d’année, elle se faisait dépasser par ses émotions et la force de son poney (Babylon Night Graves, ndlr), même si elle a beaucoup de talent. Je les ai découverts à Cornillon et j’ai trouvé qu’elle n’était pas trop aux commandes mais elle a très bien évolué tout au long de l’année et gère désormais beaucoup mieux son poney. Cette troisième place est le fruit de son travail. Lors de la Tournée des As de Mettray, elle était en tête mais s’était laissée dépasser par le stress lors de l’épreuve de saut d’obstacles. Désormais, elle travaille avec une préparatrice mentale et ça a l’air de bien fonctionner.     

La sélection pour les championnats d’Europe a été annoncée lundi dernier, aviez-vous déjà cette équipe en tête avant le championnat de France?  
Oui, plus ou moins, je ne peux pas sélectionner un couple sur une seule épreuve. Ce qui prime dans le haut niveau, c’est la régularité. Je ne suis cependant pas fixé sur les couples qui courront en individuel et ceux qui participeront au championnat par équipes.  
J’ai deux excellents poneys avec Voltair (de Lalande, vice-champion de France, ndlr) et Boston (du Verdon, champion de France et double champion d’Europe l’an passé, ndlr). J’attendais que Versailles des Morins confirme sa bonne forme à Lamotte-Beuvron mais cela n’a pas été le cas puisque son cavalier, Ambroise Maindru, a essuyé une dérobade sur le cross. Nous verrons comment les choses évoluent au cours du stage de préparation.  
J’ai pris le poste de sélectionneur au mois de février donc je découvre les troupes mais Emmanuel Quittet m’a laissé un très bon héritage. Je pense déjà à l’avenir alors je suis obligé de sélectionner aussi des cavaliers qui ont moins d’expérience. L’an prochain, je vais perdre Maé Rinaldi, Zoé Ballot et Ambroise Maindru qui auront seize ans donc je pense déjà à la suite. Le plus dur n’est pas de gagner une fois mais de continuer à obtenir des victoires. Océane aura également seize ans et ne pourra donc pas continuer l’an prochain mais son poney va être récupéré par sa sœur.     

Par équipes, espérez-vous repartir avec une médaille?  
Bien sûr. J’aimerais faire aussi bien que l’année dernière et revenir avec au moins une médaille. J’ai une très bonne équipe mais nous ne savons jamais ce qu’il peut arriver. Beaucoup de paramètres entrent en jeu, la météo, la configuration… Les Anglais, absents l’an dernier, seront présents cette année et sont redoutables.  
Je ne me fais cependant aucun soucis, l’équipe est bonne et les poneys vont bien. Trois des six cavaliers sont excellents et ont beaucoup d’expérience tandis que les trois autres participeront à leur premier championnat d’Europe (Océane Villeton, Clément Tonon et Laurick Hardy, ndlr). Deux d’entre eux iront à Strzegom pour prendre de l’expérience en vue de la saison prochaine (Laurick et Clément, qui seront les seuls encore en âge de participer à l’échéance en 2023, ndlr).     



“ Je dis souvent que je suis davantage sélectionneur qu’entraîneur”

Vous avez repris les rênes du concours complet il y a quelques mois seulement, comment êtes-vous arrivé à ce poste de sélectionneur?  
On m’a téléphoné pour me demander si le poste m’intéressait mais j’ai réfléchi quelques temps avant d’accepter. Je connais le complet du côté des Séniors puisque je l’ai moi-même pratiqué (s’emparant notamment de l’argent par équipes aux championnats d’Europe de 2005, ndlr). La mission m’intéressait mais j’étais assez novice en termes de connaissances du monde Poney, surtout en complet. La Fédération m’a rassuré en me disant que j’aurais un adjoint, Romain Richomme, qui connaît très bien cette discipline. J’ai pris les rênes et tout se passe au mieux. Il ne me manque qu’une expérience aux championnats d’Europe! J’ai eu la chance de les vivre à cheval mais je pense que ce n’est pas la même chose à pied, surtout avec des poneys. Lorsqu’on coache des enfants, il y a aussi les parents et les entraîneurs derrière. Je dis souvent que je suis plus sélectionneur qu’entraîneur d’ailleurs. J’apporte un aspect technique mais nous travaillons surtout avec les coaches, qui sont très bons.    

N’y a-t-il pas une certaine pression de devoir diriger une équipe qui a presque toujours ramené une médaille européenne ces dernières années ?  
Non puisque nous avons des poneys capables de gagner. Parfois, il est plus difficile de s’imposer en étant favori qu’outsider mais je suis confiant, nous avons une équipe motivée et de bons poneys. Nous sommes allés en Allemagne au début de l’année (en avril, au CCIP 2*-L de Radolfzell, ndlr), les cavaliers étaient soudés, il y avait une bonne ambiance et nous avons gagné alors il n’y a pas de raison de s’inquiéter (la France s’était imposée par équipes et Maé Rinaldi en individuel, ndlr).  
Avoir une telle équipe met en confiance. Les cavaliers ont performé toute l’année et les poneys sont vraiment en bonne santé mais tout peut arriver. L’an dernier, des poneys ont glissé (Céleste du Montier, monté par son ancien cavalier Mathieu Cuomo, lors de l’épreuve de cross, ndlr) et une chute peut vite arriver. C’est le sport. Comme je leur ai dit à l’annonce de la sélection, cela ne va pas être facile, mais ils en ont conscience. Les enfants ont toujours envie de bien faire et se mettent une certaine pression, ce n’est pas un sport facile.     

Clément Tonon a assez peu couru à ce niveau et a réalisé un championnat perfectible. Sa sélection s’est-elle jouée sur l’expérience de Vidock du Berder et sur la perspective des années à venir?  
Clément est un cavalier en devenir. Il a eu une certaine pression aux championnats et s’est un peu loupé sur le cross mais il a toujours performé avec ce poney. Le fait de ne pas le faire participer à beaucoup de compétitions était volontaire pour économiser Vidock qui a déjà seize ans. Clément avait la chance d’avoir un deuxième poney sur lequel il a pu compter lors des autres compétitions (Asahi de Tassine, ndlr). Il a quinze ans et a les capacités d’être un pilier de l’équipe l’an prochain. Vidock a déjà été performant avec son ancien cavalier, Jonas de Vericourt (le couple avait été vice-champion d’Europe par équipes et douzième en individuel en 2019, ndlr). Tous ces éléments rentrent en compte lors une sélection. Pour gagner, il faut être deux.  
Le cas de Clément est similaire à celui de Laurick Hardy. Il a beaucoup d’expérience, notamment en dressage (plus jeune, le cavalier arpentait les rectangles de dressage en As Poney Élite avec sa ponette B Polhaars Daphne, ndlr) et est très bon cavalier mais il faut parfois le canaliser! Il a beaucoup progressé cette année et je pense qu’il ira loin. Aux championnats, il était deuxième à l’issue du dressage alors qu’il n’a pas le meilleur poney, qui est assez petit et n’a pas une grande locomotion. Pour le reste, Laurick est très doué. Il doit juste apprendre à contenir son énergie et son envie de gagner. Clément et lui sont des cavaliers d’avenir.     

La présence de Maé Rinaldi et Zoé Ballot dans cette sélection semblait indiscutable. Savez-vous déjà qui composera l’équipe et qui courra en individuel ?  
La présence de Voltair et Boston est indiscutable. Pour les autres, je ne sais pas encore. Je veux une équipe qui gagne alors j’essaierai de sélectionner la meilleure! Cela va dépendre du stage, de l’avis vétérinaire et de tant d’autres choses. Ces six cavaliers ont de toute manière été performants tout au long de l’année.  
Selon moi, Babylon a les capacités pour être médaillé d’or. Il a tout pour. Boston, Voltair et lui sont trois poneys qui peuvent être extrêmement performants dans les trois disciplines. Il faudra voir qui sera le quatrième de l’équipe.    

Champions de France 2022 et double champions d'Europe 2021, Maé Rinaldi et Boston du Verdon feront office de favoris en Pologne!

Champions de France 2022 et double champions d'Europe 2021, Maé Rinaldi et Boston du Verdon feront office de favoris en Pologne!

© FFE/Maindru



“Il n’y a pas de raison de modifier une méthode qui fonctionne”

Maé Rinaldi et Boston du Verdon semblent sur une autre planète. Pensez-vous qu’ils puissent réitérer l’exploit de 2021 ? Un double sacre serait quelque chose d’extraordinaire…  
Elle a tout gagné cette année. Que ce soit en France ou à l’étranger, ces deux-là se promènent. Je leur souhaite de connaître le même succès. Ils sont totalement capables d’aller chercher un doublé. Boston est exceptionnel et sa cavalière aussi. Être favori chez soi, en France, est toujours un peu fossé mais là, elle l’est aussi à l’international alors elle a une certaine pression. Les scores sont déjà plus serrés lorsque les étrangers s’en mêlent alors qu’en France, elle repart souvent avec une belle avance. Cependant, je n’ai jamais vu Boston en difficulté. Il peut faire un peu l’étalon lors de la visite vétérinaire mais, en dehors, il est exceptionnel.     

Jusqu’au départ, comment vont se préparer les cavaliers ? Les poneys vont certainement déjà profiter d’un peu de repos…  
Les poneys sont déjà au repos. Cette semaine, nous allons les remettre tranquillement en route. Ils verront le maréchal en premier. Avant de partir, il y aura un stage de trois jours au centre-équestre de Jablines lors duquel ils effectueront un peu de stretching et de travail sur le plat. Nous allons travailler également la cohésion du groupe puisque le site dispose d’un beau parc. Le stage sera du 27 au 31 juillet puis nous partirons.  
Chaque cavalier a son coach mental donc cette partie sera gérée de leur côté. C’est un travail individuel. Si jamais ça ne leur fait pas de bien, ça a le mérite de ne pas faire de mal!    

À Rio, Jean-Luc Force avait parié qu’il se raserait la moustache si la France remportait l’or. Que ferez-vous si vous réalisez le doublé ?  
Rien de spécial (rires, ndlr) ! Je ne vais pas m’enthousiasmer. Je vais essayer de grandir mais, vu mon âge, cela risque d’être compliqué (rires, ndlr) ! Nous fêterons ça!  Nous allons déjà nous concentrer sur la préparation et le concours puis nous verrons après pour la fête. Je n’ai pas assez de recul pour faire des plans sur la comète mais il est certain que j’ai la chance d’avoir un bon héritage d’Emmanuel Quittet. À Pompadour, j’ai pu échanger avec lui sur sa manière de faire. De toute manière, nous ne sommes pas là pour tout changer mais pour accompagner. De plus, il n’y a pas de raison de modifier une méthode qui fonctionne. Le plus gros du travail provient des coaches tout au long de l’année.