“Je suis ravi de pouvoir vivre un grand rendez-vous avec l’équipe de France dès cette année”, Julien Épaillard

À l’occasion des Mondiaux de Herning, dans quelques jours au Danemark, Julien Épaillard disputera ses premiers grands championnats Seniors. Tout sauf surprenante, cette grande sélection vient réparer une anomalie historique pour le Normand, sacré champion d’Europe Jeunes Cavaliers il y a déjà vingt-six ans à Klagenfurt. Un cadeau d’anniversaire mérité pour le recordman du nombre de victoires internationales depuis 2019, treizième au classement mondial Longines des cavaliers, qui a fêté ses quarante-cinq ans avant-hier. Il vivra cette aventure en selle sur Caracole de la Roque, qui a suivi une courbe de progression rapide et quasi parfaite depuis qu’il en a pris les rênes, en octobre 2021. Aux côtés de Kevin Staut, Simon Delestre, Grégory Cottard et Mathieu Billot, choisis avec Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie, Cayman Jolly Jumper, Bibici et Quel Filou 13, tous les espoirs semblent permis.



Comment avez-vous réagi à votre première sélection pour des grands championnats Seniors?

Cela m’a fait très plaisir, évidemment. Depuis un petit moment, j’avais construit un rétro-programme pour Caracole de la Roque (SF, Zandor x Kannan) en vue de ces championnats du monde. Je savais au moins depuis le début de l’année que j’avais affaire à une jument de championnats, mais les choses se sont dessinées au printemps, au gré de sa progression. J’ai parfois légèrement adapté son programme en essayant de l’écouter au maximum. 

Comment avez-vous vécu votre retour en équipe de France, à Rotterdam en tant que réserviste, puis à Knokke?

Au CSIO 5* de Rotterdam, après en avoir longuement discuté avec Henk Nooren (sélectionneur et entraîneur de l’équipe de France, ndlr), j’ai souhaité être réserviste. Je préférais que nous disputions notre premier CSIO sans avoir à assumer la pression de la Coupe des nations, afin de voir comment Caracole se comporterait dans un Grand Prix de ce type, avec une ambiance et un parc d’obstacles différents de ceux que nous rencontrons dans la plupart des concours. Nous avons terminé troisièmes de ce Grand Prix, ce qui m’a rassuré. Pour autant, le chef de piste ne nous a pas fait sauter la rivière, si bien qu’il restait une légère inconnue. Nous avions des raisons de penser que cela se passerait bien dans le sens où Michel Hécart (son propriétaire, pour le compte de Top Stallions Company, ndlr), qui la connaît par cœur, m’avait dit qu’elle se comportait très bien sur cet obstacle. Pour ma part, avec elle, je n’en avais sauté qu’une, barrée, à Oliva, donc je souhaitais une confirmation. Elle est intervenue au CSIO 5* de Knokke, où nous avons cette fois disputé la Coupe (remportée par la France au terme d’un barrage gagnant de Julien et Caracole face à la Suède, la Belgique et les Pays-Bas, ndlr) et réussi un double sans-faute au passage.

On imagine les propositions d’achat nombreuses et généreuses pour Caracole. Les Hécart y ont donc résisté pour cette échéance…

Oui, et je les en remercie sincèrement. Environ deux semaines avant le CSIO de Rotterdam, Michel a donné sa parole à Henk que Caracole ne serait pas vendue avant les Mondiaux si j’avais une chance d’y participer. Ce n’est pas rien. C’est un sacrifice vis-à-vis des propositions que nous recevons. Beaucoup de gens, y compris de très bons cavaliers, s’intéressent à elle. Au-delà de notre amitié réciproque, Michel et moi travaillons ensemble de longue date avec des objectifs et une communication très clairs. Michel a eu le courage d’attendre et de me donner les moyens de participer à ces Mondiaux. J’espère qu’il en sera récompensé sportivement à Herning, et commercialement le moment venu. Il est persuadé comme moi que c’est une jument de championnats, et souhaite la vendre quand elle aura atteint son meilleur niveau. Au départ, elle n’était pas forcément destinée à toutes les mains, mais elle se montre de plus en plus facile à monter. En attendant, aujourd’hui, nous sommes pleinement focalisés sur le sport et ces Mondiaux.



“Nous partons avec des ondes positives et verrons bien où elles nous mènent”

Comment décèle-t-on ces qualités-là chez un cheval?

Caracole n’a pas de défaut particulier. Ce n’est pas le cas d’autres chevaux avec lesquels j’ai gagné, y compris de très belles épreuves, comme Usual Suspect d’Auge (SF, Jarnac x Papillon Rouge, qui ne saute pas bien les rivières, ndlr). Caracole, elle, ne faute que par manque d’expérience. Elle saute donc l’eau, tous les types de combinaisons et ne regarde aucun bidet ou mur. De même, elle se comporte aussi bien sur herbe que sur sable et à l’extérieur qu’en indoor. Toutes ces qualités sont essentielles dans un contexte où l’ambiance et le parc d’obstacles diffèrent par rapport à la routine des CSI 5*. À l’inverse, rien ne sert de participer à des championnats sur un cheval avec lequel il demeure des problèmes techniques impossibles à résoudre. Dans ce cas, mieux vaut cibler intelligemment des concours et épreuves adaptées au mieux à ses qualités. Caracole est encore tendre dans la mesure où nous n’avons débuté ensemble qu’en octobre dernier à l’Hubside Jumping de Grimaud, dans des épreuves à 1,30m. Notre progression a été rapide, mais nous pensons tous qu’elle a les qualités mentales pour assumer ce qui nous attends au Danemark.

Comment percevez-vous la sélection française pour les Mondiaux? Quelles sont vos chances de médailles?

N’ayant pas disputé de championnats depuis longtemps, il me semble difficile d’établir des pronostics. En plus, je n’aime pas trop ça… Kevin (Staut, ndlr) est notre pilier, notre homme de toutes les situations. Nous allons beaucoup l’écouter parce qu’il a toute l’expérience pour être le leader de cette équipe. De plus, son cheval (Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie, SF, Quincy x Apache d’Adriers) a l’air très en forme. Simon (Delestre, ndlr) aussi a l’expérience de ces grands rendez-vous, et il monte une superstar (Cayman Jolly Jumper, SF, Hickstead x Quincy), certes encore tendre. Je vais beaucoup l’écouter lui aussi. Mathieu (Billot, ndlr) et Quel Filou 13 (Bav, Quidam’s Rubin x Cascavelle)ont disputé les derniers JO et championnats d’Europe, avec la réussite que l’on sait. Quant à Grégory (Cottard, ndlr), on connaît sa régularité avec sa super jument (Bibici, SF, Norman Pré Noir x Nelfo du Mesnil). Il me semble que nous formons une équipe solide, mais il y en a d’autres, et tant de choses peuvent se passer…

Sans me mettre trop de pression, j’espère que le programme de préparation que nous avons suivi avec Caracole portera ses fruits sur le terrain. Ce sera aussi l’occasion de voir si j’ai les nerfs suffisamment solides pour affronter ce genre de situations. L’objectif est de réussir un bon résultat collectif. Concernant l’individuel, je ne rêve pas trop compte tenu de l’expérience limitée de Caracole. Si notre score peut déjà compter dans l’une des deux manches de l’épreuves par équipes et participer à un podium, ce serait déjà génial pour moi.

En tout cas, l’ambiance est super dans cette équipe. Nous avons passé un super week-end ensemble à Knokke. Nous nous sommes serré les coudes, et tout le monde a joué le jeu. Nous partons avec des ondes positives et verrons bien où elles nous mènent.

Julien et Caracole de la Roque au CSIO 5* de Knokke.

Julien et Caracole de la Roque au CSIO 5* de Knokke.

© Scoopdyga



“Les portes m’ont toujours été ouvertes, et je ne les ai jamais fermées”

Cette sélection prouve à quel point l’encadrement de la FFE avait envie de vous voir intégrer à l’équipe de France…

Oui, c’est vrai. Et comme je l’ai souvent dit, cela a toujours été le cas, et j’ai sans cesse nourri un dialogue clair et positif avec Henk, comme avec Thierry Pomel et Philippe Guerdat auparavant. Simplement, j’ai toujours dit que je ne participerais à une Coupe des nations ou un championnat qu’avec un cheval au point et un propriétaire prêt à jouer le jeu. Les années précédentes, les chevaux qui auraient pu me le permettre ont été vendus ou se sont blessés. En tout cas, les portes m’ont toujours été ouvertes, et je ne les ai jamais fermées.

De mon côté, j’ai dans un coin de la tête les Européens de Milan, auxquels je destine Donatello d’Auge (SF, Jarnac x Hello Pierville), qui aura dix ans en 2023, et pourquoi pas les Jeux olympiques de Paris. Susana (l’épouse de Julien, ndlr) et moi souhaitons le conserver jusqu’en 2024 parce que lui aussi a le profil d’un cheval de championnats. Dans cette optique, je suis d’autant plus ravi de pouvoir vivre un grand rendez-vous avec l’équipe de France dès cette année. Il est vrai que le dernier remonte à mes années de Jeunes Cavaliers… J’ai besoin de me mettre en situation, de m’étalonner, de voir comment je réagis à cela et ce qu’il me reste éventuellement à apprendre. J’ai hâte de vivre cette expérience.

On vous imagine déjà gagner la Chasse! Comment abordez-vous le format de ces championnats?

Attention, la Chasse se dispute sur un parcours technique à 1,55m. Cela n’a rien à voir avec un Speed Challenge (tels que ceux qui animaient les soirées des défunts Longines Masters, ndlr). Et cette épreuve est suivie de deux manches de Coupe des nations, donc il ne s’agit pas de prendre tous les risques, mais plutôt de les doser pour être bien placé sans altérer la qualité de saut des chevaux pour la suite de la compétition. Nous reconnaîtrons le parcours ensemble et tâcherons de définir la meilleure tactique, puis de la suivre correctement en piste.

Quelles vont être les échéances d’ici votre entrée en lice?

Ce week-end, nous allons sauter deux épreuves à 1,45m au CSI 3* de Dinard, sur la piste en sable, puis je reçois mes coéquipiers et l’encadrement fédéral en stage mercredi et jeudi prochain au haras de la Bosquetterie. Les chevaux prendront la route vendredi pour arriver le dimanche à Herning. Nous aussi serons là-bas dès le dimanche, la visite vétérinaire étant programmée le lundi matin.

Julien Épaillard, Mathieu Billot, Simon Delestre et Kevin Staut après leur victoire dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Knokke le 8 juillet.

Julien Épaillard, Mathieu Billot, Simon Delestre et Kevin Staut après leur victoire dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Knokke le 8 juillet.

© Scoopdyga



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