Avec Charlotte Fry et Glamourdale, l’hymne britannique est redevenu le tube des carrés de dressage en 2022

Durant la période des fêtes, GRANDPRIX revient sur les événements, les faits, les femmes, les hommes et les équidés qui ont marqué 2022. Doubles champions du monde, vainqueurs du Grand Prix Libre de Londres en atteignant un niveau de performance que seuls trois couples ont réussi à dépasser auparavant et sacrés numéros un mondiaux le 31 décembre…C’est une sacrée saison qu’ont vécue Charlotte Fry et son Glamourdale! Sous les feux de la rampe depuis ses sept ans, l’étalon noir a confirmé tous les espoirs placés en lui et forme incontestablement le couple de dressage de l’année avec sa cavalière.



10 août 2022. Peu après 22h30, les notes de God Save The Queen retentissent dans le stade des championnats du monde de Herning pour accueillir un sublime étalon noir et sa cavalière: Glamourdale et Charlotte Fry. Rythmée, empreinte d’une puissance folle - notamment dans les galops allongés qui récoltent des notes stratosphériques - et déroulée sur une chorégraphie moderne, la performance qui suit n’est pas sans rappeler une autre reprise également déroulée en nocturne durant une soirée d’août, mais treize ans plus tôt, dans les jardins de feu Sa Majesté la reine Elisabeth II… Une performance qui avait alors permis à Edward Gal et Totilas - un autre étalon noir - d’entrer à jamais dans la légende en étant les premiers à dépasser les 90 % dans un Grand Prix Libre! Si l’on peut tendre à comparer ces deux prestations, c’est aussi en raison de l’émotion qu'elles ont suscitées chez les spectateurs, littéralement transportés par ce qu’ils voyaient. N’est-ce pas d’ailleurs là l’un des buts ultimes de tout sport? 

Quelques minutes plus tard, l’hymne britannique résonne de nouveau, cette fois pour célébrer le triomphe de “Lottie” Fry et son fils de Lord Leatherdale, qui sont sacrés champions du monde de la Libre après avoir remporté l’or dans le Spécial la veille - avec une moyenne de 82,508 % - et brisent eux aussi, comme Edward Gal et son regretté étalon treize ans plus tôt, la barre des 90 %. À la sortie de piste de la Britannique, c’est en effet un total de 90,654 % qui s’affiche! “Honnêtement, j’ai vécu l’une des choses les plus folles de mon existence, déclare-t-elle alors. Dans cette Libre, j’avais l’impression que mon cheval dansait sur la musique. Je pourrais fondre en larmes d’une seconde à l’autre, je suis la personne la plus heureuse de l’univers.”



La confirmation londonienne

Lors de l'étape de la Coupe du monde de Londres, le couple s'est de nouveau brillamment imposé.

Lors de l'étape de la Coupe du monde de Londres, le couple s'est de nouveau brillamment imposé.

© FEI / Jon Stroud

5 Décembre 2022. Alors qu’elle devait prendre part à l’étape de la Coupe du monde FEI de Londres avec Everdale, un autre fils de Lord Leatherdale, les organisateurs annoncent que Charlotte Fry sera finalement présente en compagnie de Glamourdale. Très attendu, le duo ne déçoit pas, puisque le 15 décembre, il obtient dans le Grand Prix court une moyenne de 84,026 % qui lui permet de devancer toute concurrence de près de six points! Le lendemain, c’est une performance encore meilleure qu’ils livrent dans la Libre, battant leur propre record établi à Herning et allant chercher 90,995 % des points; une performance jusqu’alors accomplie par trois couples seulement dans l’histoire du dressage. Si leur prestation plaît énormément aux juges, comme à Herning, il faut saluer également l’émotion qu’elle procure visiblement au public, qui accompagne le couple d’applaudissements nourris durant toute sa dernière ligne.

Outre sa chorégraphie résolument moderne, regroupant les lignes brisées au passage entrecoupées de piaffers que l’on associait un temps à Isabell Werth et Weihegold OLD, des appuyers au galop liés par des pirouettes aux deux mains ainsi qu’une diagonale associant changements de pied au temps et deux temps, la reprise libre de Charlotte Fry et son complice est mise en valeur par un accompagnement musical qui fait mouche auprès des spectateurs. Après la réédition rock de God Save The King composée par Brian May en entrée - ainsi que sur la pirouette au piaffer finale où l’on peut sans doute voir un clin d’œil au “King” Glamourdale - vient le planétaire Another One Bites the Dust de Queen, qui accompagne l’ensemble du travail au passage de la reprise. On retrouve ensuite Lemon Tree des Fool’s Garden pour le zig-zag d’appuyers au trot, mais aussi Robie Williams, avec Let Me Entertain You pour le trot allongé et She’s The One pour les pirouettes et appuyers au galop. Les Beatles jouent Hey Jude sur la diagonale des changement de pied aux deux temps et la diagonale les associant à ceux au temps, alors que c’est la Bitter Sweet Symphony de The Verve qui résonne sur la ligne des temps et un titre issu de la bande originale du film Millenium sur les diagonales au galop allongé, où la locomotion extra-ordinaire de l’étalon noir lui a encore valu un 9,9 et un 10 de moyenne dans le Grand Prix Libre de Londres. En bref, un medley de tubes, de classiques plus connus les uns que les autres!



Sous les feux de la rampe depuis ses sept ans

S’il a explosé au plus haut niveau cette saison, Glamourdale était loin d’être un inconnu auparavant. Dixième du championnat du monde FEI WBFSH des chevaux de cinq ans à Ermelo en 2016 avec Benjamin Maljaars, il est monté pour la première fois par sa cavalière actuelle l’année suivante. “Dès les débuts, j’ai senti que je ne m’étais jamais assise sur un tel cheval”, raconte-t-elle dans son portrait paru dans le n°139 du magazine GRANDPRIX. En 2018, alors que la jeune femme est sacrée championne d’Europe des moins de vingt-cinq ans avec Dark Legend à Exloo, elle mène le charismatique étalon à la victoire quelques semaines plus tard dans le championnat du monde des sept ans, toujours à Ermelo.

Remportant les quatre épreuves internationales du Petit Tour auxquelles il prend part à huit ans, lors des CDIO 5* de Compiègne et Aix-la-Chapelle, le nouveau champion du monde fait ses débuts internationaux sur le Grand Prix en avril 2021, lors du CDI 4* de Hagen, où il termine avec une moyenne honnête de 74,456 % avant d’obtenir 76,404 % des points dans le Spécial disputé le lendemain. S’en suit un très bon CDI 3* Grote-Brogel, où il dépasse cette fois les 76 % dans le Grand Prix et est évalué à 83,235 % pour sa première Libre! Concluant le Grand Prix du CDI 4* d'Aix-la-Chapelle avec 73,043 % “seulement” en septembre, il conclut sa saison sur une note de 77,710 % obtenue dans le Spécial du mythique concours allemand. En 2022, Glamourdale reprend la route des concours dès mars, et va finalement remporter neuf des onze reprises internationales qu’il présente, dépassant six fois la barre des 80 % et deux fois celle, mythique, des 90%!



Un duel très attendu

Le galop allongé de Glamourdale a ébloui le public à Herning.

Le galop allongé de Glamourdale a ébloui le public à Herning.

© FEI / Leanjo De Koster

Non content de tous leurs succès engrangés en 2022, Charlotte Fry et Glamourdale ont terminé l’année sur une consécration en devenant respectivement numéro un du classement mondial des cavaliers et de celui des chevaux parus le 31 décembre. Ils ont ainsi succédé aux doubles championnes olympiques et triples championnes d’Europe en titre, Jessica von Bredow-Werndl et TSF Dalera BB. Si ce nouveau sacre est principalement dû à la méthode particulière utilisée pour l’attribution des points et l’établissement de la ranking list, il n’en a pas moins fait ressurgir une interrogation bien présente dans le monde du dressage: dans le cas d’un duel entre la paire allemande et celle représentant l’Union Jack, qui s’imposerait?

Cette bataille tant attendue ne devrait pas avoir lieu avant l’été prochain, mais elle sera pour sûr plus qu’intéressante à suivre et va animer les débats. Certes, le fils de Lord Leatherdale présente des qualités locomotrices incontestablement supérieures à celles de la fille d’Easy Game. À l’inverse, le travail que produit cette dernière dans les airs relevés se rapproche bien plus des idéaux classiques du dressage que celui de l’étalon noir, dont le dos paraît parfois ne pas être tout à fait assez utilisé. Du côté de “l’image globale”, si l’on peut régulièrement reprocher à Dalera de présenter quelques signes de mécontentement, on déplore par moment un contact trop franc chez Charlotte Fry et Glamourdale, qui a par contre pour lui un charisme dans doute supérieur à sa concurrente Trakehner. Alors, quel choix feront les juges, et qu’en pensera le public? Rendez-vous dans quelques mois!



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