“On ne vend pas tous les jours un cheval de la qualité de Caracole de la Roque”, François Mathy

François Mathy a vu passer dans ses écuries pléthore de chevaux d’exception à l’image de Sapphire, Kannan, La Ina, Cristalline ou encore HH Azur Garden’s Horses. Cette semaine, le marchand belge de soixante-dix-huit ans a accueilli près de Liège un énième phénomène, Caracole de la Roque, qui n’a fait qu’un saut de puce en Belgique avant de traverser l’Atlantique hier. Victorieuse de quinze épreuves internationales en 2022 dont six Grands Prix et une Coupe des nations avec Julien Épaillard, la baie a été vendue à la famille Cook par l’intermédiaire du double médaillé de bronze des Jeux olympiques de Montréal. Il revient sur cette transaction peu commune avec son inépuisable passion.



Vous avez été l’un des acteurs de la vente de Caracole de la Roque en tant qu’intermédiaire. Elle s’est envolée pour les États-Unis après un court transit par vos écuries. Avez-vous été sollicité par Michel Hécart, son propriétaire, Julien Épaillard, son cavalier, ou les avez-vous contactés vous-même?

C’est plutôt moi qui ai fait un pas vers eux étant donné que j’avais déjà vendu cette année deux chevaux que Julien montait: Billabong (du Roumois, cédé à la famille Charles, ndlr) et Grâcieux (du Pachis, parti chez la jeune Américaine Alessandra Volpi, ndlr). Il s’agissait de deux affaires assez importantes. Je leur avais donc demandé de me donner la priorité si Caracole était un jour à vendre. Actuellement, les chevaux de cette trempe sont très demandés et la concurrence est forte. Au départ, ils étaient d’accord de la vendre avant le CHI de Genève, mais Michel Hécart a finalement changé d’avis. Ayant obtenu une place pour cette compétition (et notamment la finale du Top Ten Rolex, ndlr), il a préféré que la jument y concoure, avant de la commercialiser. Il m’avait prévenu qu’il me communiquerait le prix à l’issue du CHI. Je me suis rendu à Genève, où les épreuves ne se sont pas aussi bien déroulées qu’ils l’espéraient (Caracole de la Roque a quitté la piste de Palexpo avec huit et quatre points dans le Top Ten et huit points dans le Grand Prix Rolex, ndlr). Les clients avaient envie de la jument, donc ils n’ont pas été découragés. Ils m’avaient chargé d’aller sur place pour suivre l’affaire de près. Les choses se sont faites rapidement. Karl Cook est ensuite venu à Deauville pour monter deux jours et essayer la jument sans la mettre à l’effort. Ils l’ont ensuite achetée.

Par votre intermédiaire, Karl Cook est-il le seul client à avoir essayé Caracole?

En ce qui me concerne, oui. Je ne sais pas s’il y a eu d’autres essais. Je ne crois pas. J’avais peut-être d’autres clients intéressés, mais la famille de Karl a été la première à se positionner, donc nous n’avons pas eu besoin d’aller plus loin.

En quoi consiste votre travail dans ce genre de transferts?

Mon rôle d’intermédiaire consiste à mettre en relation un acheteur et un vendeur. J’ai un nombre important de clients et de relations à travers le monde. Lorsqu’un cheval va être mis en vente, j’essaie de me positionner. Les nouveaux propriétaires de Caracole ont déjà fait l’acquisition de plusieurs chevaux chez nous. Je savais que cette dame cherchait un très bon cheval pour son fils et il se trouve qu’il n’y en a pas des centaines. Je lui ai donc proposé Caracole. En résumé, mon rôle est de trouver le bon cheval, de le proposer à un client qui peut l’acheter et de conclure l’affaire. Pour cela, je dois avoir la confiance des deux parties. Le vendeur doit savoir qu’en s’engageant dans une affaire, il y a une chance que celle-ci aboutisse. Ces personnes sont des acheteurs sérieux, à qui nous avions déjà fait acquérir Cashpaid (J&F, ancien partenaire du Belge Nathan Budd, vendu fin 2020, ndlr). Ils possèdent également un certain nombre de jeunes chevaux au travail chez nous, donc nous entretenons un bon rapport.

Vous n’avez pas dû manquer d’arguments de vente compte tenu du calibre de cette jument. Où réside selon vous la singularité de Caracole?

Tout d’abord, elle compte un nombre de performances assez exceptionnel en 2022. Elle a beaucoup de respect et elle est très rapide, mais la meilleure de ses qualités est bien entendu son palmarès.

La suiviez-vous depuis longtemps?

Oui, je l’avais vue en Espagne et avais voulu l’acheter lorsqu’elle avait sept ans, mais elle n’était pas à vendre. Nous ne savions pas encore qu’elle atteindrait ce niveau, bien entendu. Michel Hécart a agi très intelligemment en la confiant à Julien Épaillard, qui est un cavalier hors norme.

Savez-vous avec quels objectifs la famille Cook a acquis cette jument?

Karl Cook va tenter de l’emmener jusqu’aux plus grands concours. Il n’y a pas énormément de chevaux aussi exceptionnels en ce moment aux États-Unis, ce qui pourrait éventuellement leur ouvrir la porte pour une sélection en vue des Jeux olympiques de Paris. On verra s’il parvient à exploiter le potentiel de la jument. Pour l’heure, elle n’a jamais rien fait de mal, mais gagner au niveau 5* ne s’improvise pas, et Julien Épaillard y est parvenu... comme souvent! 



“Je ne peux pas vous dire le prix […] mais je peux vous dire qu’elle était chère”

Concernant le montant de la transaction, les rumeurs sont allées bon train…

Je ne peux pas vous dire le prix, la propriétaire m’ayant demandé de ne pas en parler, mais je peux vous dire qu’elle était chère (rires). Elle était dans la moyenne très haute.

Vous avez communiqué à plusieurs reprises au sujet de cette vente, peut-être un peu plus que pour d’autres. Était-ce une manière de narguer vos concurrents?

(Rires) Non, c’est plutôt parce qu’il s’agit d’une jument qui sort de l’ordinaire. On ne vend pas un cheval de la qualité de Caracole tous les jours. Je trouvais amusant d’en parler car elle a énormément fait parler d’elle cette année et elle n’est pas n’importe quel cheval. Il s’agit d’une vente assez exceptionnelle, la jument ayant remporté tellement d’épreuves. Ce qu’elle a accompli est assez unique, notamment avec les épreuves qu’elle a remportées coup sur coup (entre fin octobre et fin novembre, la baie a remporté sept épreuves des neuf auxquelles elle a pris part, les deux autres étant des parcours de travail à 1,30m à Oliva. Ses sept victoires comprennent notamment les trois épreuves majeures du CSI 4* de Saint-Lô ainsi que les étapes de la Coupe du monde Longines de Lyon et Madrid, ndlr). Cela n’arrive pas si souvent, c’est assez spécial.

Tout s’est très bien passé. Nous avons eu affaire à des personnes de confiance. Les acheteurs n’ont pas effectué un essai très difficile avec une jument qu’ils ont vue sauter en concours. Ils ont été très fair-play en la matière. Souvent, les personnes qui font l’acquisition d’un cheval cher procèdent à des essais très difficiles, ce dont souffrent les chevaux. Au bout de deux jours, Karl a vu qu’il pouvait la monter, elle lui a plu et ils l’ont achetée.

Quel est le rôle de Pedro Renault, présent avec vous aux côtés de Caracole sur la photo prise avant son départ?

C’est un Brésilien qui est chez nous depuis un bout de temps et qui travaille avec moi. Il m’aide dans mes affaires. Il est en quelque sorte mon second.

Plus largement, comment se porte le commerce de chevaux de haut niveau ces temps-ci?

Le commerce est excellent. Le seul bémol est que l’offre est moins importante de la demande, qui est très grande, ce qui explique que les chevaux sautant des épreuves importantes sont très convoités. Il y a énormément d’acheteurs pour les chevaux d’un certain niveau, lesquels ne courent pas les rues. Amener un cheval jusqu’au plus haut niveau nécessite du temps, un bon cavalier, l’accès à de beaux concours et à des épreuves importantes… Ce n’est pas facile!

Le mercato olympique a-t-il débuté?

Non, pas vraiment. Je crois surtout que le commerce ne s’arrête jamais. C’est perpétuel. Entre les championnats du monde, les championnats d’Europe ou encore les Jeux olympiques, les gens sont sans arrêt à la recherche de chevaux d’exception. Il y a trop de concours et d’échéances importantes, donc la quête de chevaux est permanente.

À soixante-dix-huit ans, êtes-vous toujours aussi passionné par votre métier ? 

Oui, je suis passionné. C’est toute ma vie. J’exercerai ce métier aussi longtemps que possible. En somme, j’ai l’impression de ne pas vraiment travailler car je fais ce que j’aime.



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