Lou-Ann Robert, une jeune complétiste à l’ascension fulgurante et audacieuse

À seulement vingt ans, Lou-Ann Robert disputait il y a deux semaines à Kronenberg, aux Pays-Bas, son premier CCI 3*-L et son tout premier concours international à l’étranger, et ce moins de deux ans après sa première participation à une épreuve Amateur 3! Associée à son fidèle Titou (SF, Geraldo x Iago C), ancienne monture du cavalier olympique Cédric Lyard, la Bretonne d’origine connaît aujourd’hui une ascension fulgurante dans la discipline. La cavalière, au parcours original, jonché de rencontres insolites et d’anecdotes palpitantes, raconte ses débuts et son cheminement vers le haut niveau, et partage avec bonne humeur sa philosophie et sa vision du sport de haut niveau.



À seulement vingt ans, Lou-Ann Robert disputait il y a deux semaines à Kronenberg, aux Pays-Bas, son premier CCI 3*-L et son tout premier concours international à l’étranger

À seulement vingt ans, Lou-Ann Robert disputait il y a deux semaines à Kronenberg, aux Pays-Bas, son premier CCI 3*-L et son tout premier concours international à l’étranger

© A. Claus

Pour son premier concours international à l’étranger, Lou-Ann Robert était engagée avec Titou (SF, Geraldo x Iago C), son hongre alezan de seize ans, dans le CCI 3*-L de Kronenberg, aux Pays-Bas, prenant ainsi le départ de son premier format long en trois étoiles et de son premier concours hors du territoire français. Après avoir obtenu une note de 66,30% sur le test de dressage le vendredi, la jeune cavalière s’est ensuite élancée le lendemain sur son tour de cross sous une pluie battante, écopant d’une dérobade sur le premier élément d’une combinaison délicate. “C’est la première fois que ce genre d’erreur m’arrive avec Titou”, raconte la cavalière. “J’étais très remontée contre moi-même et j’ai eu du mal à me remettre dans le parcours après cela.” On prend alors la mesure du caractère et de l’ambition dont est dotée la cavalière, qui réalisait un parcours pourtant très honorable pour son tout premier CCI 3*-L. Le lendemain, au moment de prendre le départ sur son tour d’obstacle, la toute jeune cavalière a hélas essuyé une mésaventure. Sous une pluie incessante, le couple a enchaîné les cercles pendant de longues minutes en attendant le son de la cloche lui autorisant à prendre le départ. Au bout d’un moment, la cavalière a jeté un coup d’œil à l’écran géant, sur lequel le décompte des quarante-cinq secondes venait de commencer à défiler. Le couple a alors débuté son tour, avant de se faire sonner et arrêter par le jury pour départ prématuré… À la surprise du clan français, le jury a déclaré l’élimination du couple. Le sélectionneur et quelques cavaliers sont alors partis porter réclamation. “Thierry Touzaint m’a dit de sortir de piste et de garder Titou au travail, tandis que les autres cavaliers français sont venus me soutenir et m’ont conseillée de rester dans ma bulle”, explique la cavalière. “Au bout de quelques minutes, on m’a indiqué que je pouvais resauter au paddock et repartir sur mon tour dès que j’étais prête. Malgré le coup de pression que cela m’a mis, nous avons recommencé notre tour sous des trombes d’eau, et avons terminé le parcours avec deux barres en sortie de combinaisons. Au vu des conditions, je ne peux qu’être contente!”  Titou et Lou-Ann ont ainsi pris la neuvième place sur les treize couples ayant terminé l’épreuve.



Un coup de cœur pour le concours complet après les Jeux olympiques de Rio

À travers cette anecdote, on comprend que la jeune Lou-Ann peut aujourd’hui compter sur le soutien de nombreux cavaliers tricolores. Très sociable par nature, la cavalière a su bien s’entourer dès ses débuts dans la discipline, il y a deux ans. Après avoir regardé les Jeux olympiques de Rio de Janeiro derrière sa télévision, en 2016, la jeune femme, à l’origine plutôt orientée vers le saut d’obstacles, s’est découverte une passion pour le concours complet et s’est décidée à acheter un cheval d’expérience pour faire ses gammes dans la discipline. Après plusieurs mois de recherches, elle a fini par croiser la route de Titou, en juillet 2020. “J’ai essayé deux ou trois chevaux, avec lesquels ça ne le faisait pas, puis j’ai vu l’annonce de Titou. Quand je suis montée dessus, ç’a été un vrai coup de foudre”, confie la cavalière. “Je n’étais pas très à l’aise sur les chevaux car j’avais l’habitude des poneys, mais quand je suis montée sur lui, j’ai vraiment trouvé ma place.” Formé par le cavalier olympique Cédric Lyard jusqu’en CCI 3*, le hongre avait ensuite réalisé un bout de chemin avec Elliot Dalby pendant deux ans et demi, participant notamment ensemble aux championnats d’Europe Juniors de Maarsbergen, en 2019. “Quand je l’ai récupéré, je sortais d’épreuves Amateur d’1m à poney, donc il m’a bien fallu un an pour m’adapter et mettre en place des codes”, explique Lou-Ann. “J’ai ensuite commencé les concours en juin 2021, en Amateur.” Une fois les compétitions débutées, le couple a rapidement gravi les échelons, passant en seulement quatre mois de leur première Amateur 3 au championnat de France en Amateur Élite! En 2022, la jeune femme et son alezan ont fait leurs premiers pas en épreuves Pro et internationales, achevant leur saison avec deux participations en CCI 3*-S. “J’ai acheté Titou en me disant que je voulais faire mes gammes en complet avec lui”, confie-t-elle. “Mais entre faire ses gammes et courir des 3*-L, il y a un monde! Je ne pensais pas en arriver là aussi vite.”

Une fois les compétitions débutées, le couple a rapidement gravi les échelons, passant en seulement quatre mois de leur première Amateur 3 au championnat de France en Amateur Élite

Une fois les compétitions débutées, le couple a rapidement gravi les échelons, passant en seulement quatre mois de leur première Amateur 3 au championnat de France en Amateur Élite

© Photos Les Garennes



Une rencontre déterminante avec Thibault Fournier

Titou a été formé par le cavalier olympique Cédric Lyard jusqu’en CCI 3*

Titou a été formé par le cavalier olympique Cédric Lyard jusqu’en CCI 3*

© Scoopdyga

Au cours de cette ascension fulgurante, la jeune femme a croisé le chemin de plusieurs cavaliers, qui l’ont tour à tour soutenue et aidée dans son cheminement vers le haut niveau. Son parcours a notamment pris un nouveau tournant lors de sa rencontre avec Thibaut Fournier. “En mai 2021, j’ai rencontré Thibault Fournier, qui m’a donné ma chance en me disant que je pouvais arriver à faire quelque chose avec mon cheval”, confie-t-elle. “Il m’a permis de progresser énormément, et m’a notamment coaché sur quatre concours. À cette époque, j’étais en apprentissage, donc je pouvais aller chez lui une à deux semaines par mois. Je montais ses chevaux et prenais des cours avec lui de temps en temps. Et en un hiver, l’ascension a été folle!”

Après ses débuts en épreuves Pro, Lou-Ann a commencé à travailler en tant que surveillante dans un collège à mi-temps afin de gagner un peu d’argent, tout en se dégagent du temps pour monter. Elle n’a donc pas pu continuer à s'entraîner avec le cavalier auvergnat, sans pour autant cesser d’être bien entourée. À la suite du championnat de France en 2022, qui s’est déroulé en juin, à Vittel, la jeune femme a commencé à travailler avec Cédric Lyard, formateur de Titou. “Avec Cédric, ç’a été une super étape car il connaît le cheval par cœur et m’a ainsi permis de régler de nombreux détails”, partage la cavalière. Désormais indépendante, Lou-Ann s'entraîne dans la ferme familiale de soixante-six hectares, où vivent Titou et ses autres chevaux, ainsi que dans une écurie située près de chez elle, avec laquelle elle a noué un partenariat.

Si la jeune femme s’imaginais dès son plus jeune âge poursuivre une carrière de cavalière, elle ne pensait pas que son rêve deviendrait réalité. “Pour l’anecdote, mon père avait peur des chevaux, mais ma mère adorait ça”, raconte la cavalière. “À deux ans et demi, j’ai dit à mes parents que je voulais faire du poney, mais le centre équestre du coin ne prenait pas d’élèves en-dessous de trois ans. Apparemment, le jour où j’ai soufflé les bougies de mon troisième anniversaire, j’ai regardé mes parents et leur ai dit: “Ça y est, je peux faire du poney” (rires). J’ai monté un an dans un poney-club, puis nous avons déménagé en Auvergne, où j’ai repris et j’ai repris l’équitation à sept ans et demi. Après même pas trois mois de remise en selle, je participais déjà des petits concours de saut d’obstacles au club. J’ai toujours aimé la compétition. Quand, au collège, on me demandait ce que je voulais faire, je répondais que je voulais devenir cavalière professionnelle. Après, je me suis rendu compte que c’était un peu illusoire, trop lointain, et que je n’avais ni les chevaux ni l’encadrement pour… Après les Jeux de Rio, j’ai voulu me lancer dans le complet, alors que je ne pratiquais que le jumping jusqu’ici. J’avais seulement couru deux ou trois complets à poney.”



Un caractère bien trempé, mais une sacrée sociabilité

Depuis ses débuts en concours complet, la cavalière n’a cessé de faire des rencontres. Avenante et n’ayant pas froid aux yeux, la jeune femme n’hésite jamais à aller à la rencontre des cavaliers de haut niveau, que ce soit pour leur poser une question ou donner un coup de main. “C’est mon caractère”, s’amuse-t-elle. “S’il y a un truc à aller demander à quelqu’un, c’est moi qu’on envoie”. L’année dernière, la cavalière s’est notamment retrouvée en concurrence avec le célébrissime maître allemand Michael Jung dans une épreuve Pro 2, à Saulieu, en septembre. Lorsqu’on lui demande comment elle a vécu cette expérience, la jeune femme répond en toute simplicité : “Nous avons bien déconné, c’était très sympa. Nous avons discuté sur le cross en échangeant notamment sur certaines combinaisons. Nous avons parlé ensemble comme deux cavaliers lambda, et c’était génial. Cela ne m’a pas mis plus de pression que ça, mais quand je suis rentrée sur le rectangle de dressage, juste après Michael, je me suis dit qu’il avait de toute manière déjà gagné le test!” Pour la jeune femme, le contact avec les cavaliers de très haut niveau se fait assez facilement et naturellement. “J’ai l’habitude de côtoyer des sportifs de haut niveau et, pour moi, ce sont des humains avant d’être des champions.”

En plus de son salaire de surveillante et du soutien financier de ses parents, Lou-Ann Robert peut désormais compter sur l’appui de plusieurs partenaires et d’une agence de communication, devenue son sponsor en début d’année. “Il m’est arrivée de refuser des partenariats parce que je trouvais que nous ne partagions pas les mêmes principes”, confie la cavalière. En effet, la jeune femme met un point d’honneur à ce que son cheminement vers le haut niveau se fasse en accord avec ses valeurs. “Ce sont celles de la simplicité et du respect de l’animal. Il est important d’être sincère, de dire les choses quand ça ne va pas, par exemple. Le bien-être animal est un terme que je n’aime pas trop, car chacun en a sa propre définition. Je défends davantage le principe du respect de l’animal, plus intelligible et consensuel. Mes chevaux vivent dehors et sont nourris à l’herbe. J’ai la chance d’avoir du terrain, ce qui permet à Titou de vivre avec mes autres chevaux (un poney de sport et un poulain). Certains chevaux passent tout leur temps au box et ne peuvent pas sortir parce que les cavaliers n’ont pas la place ou les infrastructures suffisantes… Je ne peux pas leur jeter la pierre, car ils font comme ils peuvent. Moi, je n’ai même pas de box, juste une stabulation que j’utilise quand j’en ai vraiment besoin. Je perds du temps quand je vais les chercher au pré, mais c’est trop bon de voir mon cheval de 3* partir à fond au galop quand il revient de concours ou jouer avec un poulain. Je travaille en ce moment avec Perrine Volla Pelardy, cavalière internationale de dressage, et ses chevaux passent leur vie à l’extérieur.”

Lou-Ann et Titou lors de la Pro 2 de Saulieu en septembre dernier, où le couple s’est retrouvé en concurrence avec le célébrissime maître allemand Michael Jung

Lou-Ann et Titou lors de la Pro 2 de Saulieu en septembre dernier, où le couple s’est retrouvé en concurrence avec le célébrissime maître allemand Michael Jung

© HM Photographie



Une touche-à-tout

Lou-Ann a annoncé sur les réseaux sociaux l’arrivée d’un nouveau compagnon de route dans sa ferme familiale, un hongre de trois ans nommé KoeurVendéen des Bois

Lou-Ann a annoncé sur les réseaux sociaux l’arrivée d’un nouveau compagnon de route dans sa ferme familiale, un hongre de trois ans nommé KoeurVendéen des Bois

© Collection privée

À la maison, la jeune femme fait également un peu d’élevage pour le plaisir. “Je fais naître chez moi quelques poneys de sport et de loisir, que je garde ou vends à des familles qui veulent s’éclater avec”, partage-t-elle. “J’ai un poulain de deux ans à la maison, que j’avais acheté pour la reproduction. Plus il grandit, mieux il bouge ! Il a beaucoup de force dans l’arrière-main, donc il fera peut-être de petites épreuves, mais pas du 4*. Je fais également un peu de valorisation car j’adore le travail des jeunes.” Passionnée de sport en général, la jeune femme faisait également beaucoup de moto, hobby partagée avec son père. Aujourd’hui, Lou-Ann a quelque peu levé le pied, mais prend encore plaisir à vivre cette autre passion à travers l’objectif de son appareil photo. “Maintenant que je me consacre vraiment à l’équitation, je ne fais plus trop de moto par peur de me blesser”, explique-t-elle. Après avoir passé un bac scientifique et réalisé deux années de BTS dans le milieu agricole, la jeune cavalière a décidé de se lancer corps et âme dans le sport, afin de tirer le meilleur de la fin de carrière de son fidèle alezan. “C’est parti d’un commun accord avec mes parents, en prenant en compte de l’âge qu’a actuellement Titou”, précise-t-elle. Tournée vers l’avenir, la jeune cavalière est déjà en train de prévoir la suite, une fois que son fidèle compagnon aura raccroché ses guêtres. En effet, il y a seulement quelques jours, Lou-Ann a annoncé sur les réseaux sociaux l’arrivée d’un nouveau compagnon de route dans sa ferme familiale, un hongre de trois ans nommé KoeurVendéen des Bois (SF, Jarnac x Yarlands Summer Song). En attendant que ce tout jeune cheval soit formé, la jeune femme va poursuivre tranquillement son chemin avec Titou et devrait prendre le départ de la Pro 1 à Vittel, au mois de juin, puis sûrement d’un CCI 3*-L en juillet.



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