Michael Duffy, la veste verte en ligne de mire
À vingt-six ans, Michael Duffy compte déjà plusieurs apparitions en Coupe des nations sous le drapeau irlandais. Le jeune homme, indépendant depuis sept ans, s’entraîne à Cuckfield, en Grande-Bretagne. Devenu en 2012 le plus jeune cavalier à s’adjuger le titre de champion national Seniors, à dix-sept ans, et passé par les écuries des expérimentés Cian O’Connor et Shane Breen, il trace désormais sa route vers le plus haut niveau à force de travail et de rigueur. Il ne cache rien de ses ambitions d’enfiler la veste verte à l’occasion des Jeux olympiques de Tokyo et des Européens à Riesenbeck l’été prochain, lui qui dispose actuellement d’un excellent piquet de chevaux. Portrait.
Michael Duffy est né le 12 octobre 1994 et est originaire de Turloughmore, dans le comté de Galway. Ne le confondez pas avec son homonyme Michael G Duffy, un autre cavalier irlandais qui est par ailleurs “un de mes meilleurs amis, depuis l’époque où nous montions à poney.” Mais on vous l’accorde, cela peut parfois entraîner quelques cafouillages, et ce même du côté de la fédération de leur propre pays. “Quand nous étions enfant, je recevais les mails de la fédération qui lui étaient destinés, et lui recevait tous mes gains!”, s’esclaffe le jeune homme, visiblement habitué aux confusions.
La famille de l’Irlandais est bien implantée dans le milieu équestre, ses grands-parents Paul Sr et Bríd Duffy ayant créé le Duffys Equestrian Centre à Claregalway, dont son oncle Mark en a aujourd’hui la gestion, et son père Paul possède ses propres écuries non loin de là, à Turloughmore. “Mon grand-père était aussi chef de piste. Il a construit des parcours à Calgary, à l’Olympia de Londres ou encore au CSIO de Dublin”, détaille Michael. Rien d’étonnant donc à le voir mettre le pied à l’étrier dès son plus jeune âge, d’abord à poney. “En Irlande, à poney, le concours le plus important auquel participer est le Dublin Horse Show (étape du circuit des Coupes des nations, ndlr)”. Et comme tout bon cavalier irlandais qui se respecte, Michael Duffy a fait de la compétitions estivale son rendez-vous annuel. “J’y participe tous les ans depuis mes dix ans, sauf les deux dernières années, où j’ai participé au Longines Global Champions Tour (LGCT) à Valkenswaard, qui se déroulait en même temps.”
À Ennis en 2012, Michael Duffy est entré dans l’histoire des sports équestres irlandais en devenant le plus jeune champion national Seniors, à seulement dix-sept ans. Un exploit qu’il doit à Killard Horizon (ISH, Crannagh Hero x Clover Hill), son “premier bon cheval. C’est un magnifique et traditionnel cheval de sport irlandais. J’ai gravi tous les échelons avec lui, de mon premier Grand Prix à mon premier CSIO 5* de Dublin (2012, ndlr), en passant par les Européens Juniors (en 2011 à Comporta, ndlr).” Il en profite pour se remémorer ce tournant dans sa carrière. “Il y avait des cavaliers comme Cian O’Connor, Dermott Lennon… Tous les bons cavaliers du moment étaient en lice. C’était une rude compétition cette année-là. Je ne pensais pas que j’allais gagner. Nous avons décidé de tenter notre chance le premier jour, lors de l’épreuve de vitesse, que j’ai finalement gagné. Le deuxième jour, c’était comme un Grand Prix avec un barrage, nous avons décidé de prendre les choses comme elles venaient. J’ai terminé troisième ou quatrième et j’ai abordé la finale en tête. J’ai de nouveau réalisé un double sans-faute et j’ai remporté le titre!”
S’il n’a jamais vraiment eu d’entraîneur à plein temps, le cavalier a “beaucoup travaillé avec Henk Nooren, et j’ai aussi monté quelques chevaux pour lui”. Il est d’ailleurs toujours régulièrement en contact avec l’actuel formateur de l’équipe de France. Il s’est aussi perfectionné aux côtés de deux de ses compatriotes, pour lesquels il a travaillé. Il a d’abord évolué aux côtés de Cian O’Connor. “Quand je suis arrivé chez Cian, je devais avoir dix-sept ans et c’était encore ma dernière année d’études. J’emmenais mes cours en concours. J’étais censé étudier, mais je ne le faisais pas vraiment, pour être honnête (rires). Avec lui, j’ai beaucoup appris au sujet du management des chevaux. Il fait très attention à eux et aux petits détails.” En 2013, il a traversé la mer d’Irlande et a atterrit chez Shane Breen, dont les écuries sont situées à Hickstead. “La chose la plus importante que j’ai apprise avec Shane est de monter des chevaux totalement différents et m’adapter à chacun d’eux individuellement, mais aussi apprendre à aller vite tout en étant sans faute.”
En septembre de cette année-là, le cavalier a écrit les premières lignes de son palmarès en remportant le All England Grand Prix, une épreuve nationale, avec Westland Ruby (ISH, Aldato x King of Diamonds). Il décide finalement peu de temps après de s’installer à son compte, au sein des écuries familiales de sa petite-amie, la championne britannique Amy Inglis, à Cuckfield. “Je ne suis pas parti bien loin puisque je suis à seulement deux miles d’Hickstead (soit même pas quatre kilomètres, ndlr)”, détaille-t-il. “J’étais encore jeune, même pas vingt ans. Je travaillais avec Shane depuis un an seulement, et les meilleurs chevaux que j’avais chez lui ont été vendus. J’étais à ce stade où je ne savais pas trop si je devais attendre que Shane ait de nouveau des bons chevaux, ou si je devais m’installer à mon compte… Je me suis lancé. Ce n’était pas simple (rires). Mais c’est comme tout. Si l’on veut obtenir quelque chose, il faut se donner les moyens pour que cela fonctionne. Je suis ici depuis sept ans maintenant !”, confiant au passage que “même en habitant près d’Hickstead, je me considère encore entièrement Irlandais.” Après tout ce temps, il reste cependant toujours proche de son ancien professeur et coéquipier. “J’échange toujours avec Shane et nous nous épaulons mutuellement en concours. Il est un de mes bons amis. J’achète lui achète d’ailleurs beaucoup de chevaux car je le connais bien et ce sont des chevaux que j’observe depuis des années. Ainsi, il n’y a pas de surprise!”
Onze participations en Coupe des nations Longines
Après son installation, les résultats se sont enchaînés pour l’Irlandais et ses écuries se sont remplies peu à peu. Débutant la saison 2014 avec deux chevaux, il a remporté le Stoner Jewelers Vase à Hickstead et le Talbot Hotels Speed Derby à Dublin. Sur le devant de la scène, huit nouveaux chevaux ont rejoint à ses écuries en seulement un mois. C’est dire à quel point tout est allé assez vite, et plusieurs bons chevaux ont croisé sa route, dont une certaine VDLM Groep Miss Untouchable (OLD, Chacco Blue x Aldatus). “Miss Untouchable est une excellente jument, qui avait huit ans quand je l’ai vendue à Leopold van Asten. J’étais jeune à l’époque, tout comme mon entreprise, alors cette vente devait arriver. Je suis fier de la voir gagner aujourd’hui. C’était une fantastique jument, et n'importe qui aurait pu réussir avec elle. Elle est certainement celle qui possède le plus de qualités qu’il m’ait été donné de monter. ” Le couple s’était d’ailleurs adjugé la médaille de bronze par équipes et une cinquième place en individuel lors des championnats d’Europe en 2015 à Wiener Neustadt, en Autriche, que la baie ne rejoigne peu de temps après le Néerlandais.
Aujourd’hui régulièrement présent au niveau 5 *, Michael Duffy se définit comme “travailleur et une personne honnête. Parfois, sur un parcours, je prends trop de risques. Mais c’est compliqué de ne pas le faire! Je peux parfois également manquer de jambes. Je pense que nous, Irlandais, sommes des cavaliers nés. En piste, nous sommes plutôt instinctifs, mais on ne cesse jamais d’apprendre. Le dressage et l’entraînement sur le plat à la maison sont les choses sur lesquelles je dois travailler le plus.” Membre de l’équipe d’Irlande, il compte à son actif onze participations en Coupes des nations. Sa première sélection remonte au CSIO 3* d’Odense en 2015 avec Cortina 200 (HOLST, Contender x Quidam de Revel). L’année 2017 a été faste pour le cavalier qui a enchaîné les CSIO 5* d’Al-Ain, Lummen puis La Baule, associé à Belcanto (Z, Berlin x Mr Blue). Le duo a signé de beaux parcours, dont un sans faute sur les obstacles mais pénalisé d’un point de temps à La Baule, avant de fauter à une reprise en seconde manche. Une performance qui a entraîné la vente du hongre aux Émirats arabes Unis. “J’ai eu quelques bons chevaux!”, reconnait Michael, qui a également vu une de ces anciennes monture, EFS Top Contender (AES, Lauriston x Continue), rejoindre Athina Onassis. Avec ce dernier, le cavalier a d'ailleurs fait partie du quatuor irlandais vainqueur de la Coupe des nations d’Hickstead en 2018 ; un souvenir qui l’a marqué. “Gagner cette Coupe des nations a été spécial car j’habite tout près depuis plusieurs années, et l’Irlande ne l’avait remportée que quatre fois avant, donc y parvenir à nouveau signifie beaucoup.”
L’occasion d’évoquer avec lui l’évolution de notre sport. “J’ai participé à la Global Champions League (GCL) pendant deux ans avec les Miami Celtics et c’était une bonne expérience. J’ai également monté de nombreuses Coupes des nations, ce qui aussi génial. Je crois que les deux circuits peuvent se conjuguer. Bien sûr, avec un seul cheval, il n’est pas possible de participer à dix étapes du LGCT et cinq Coupes des nations… Mais avec quelques chevaux et une bonne gestion, cela peut être le cas. Ce que je détesterais voir, ce serait une disparition des Coupes des nations et des championnats car ils représentent le sport à l’état pur. Ils sont historiques et existent depuis des années. Le concept du Global a aussi participé à faire évoluer notre sport ces dernières années, l’amenant dans de nouveaux lieux, visible d’un nouveau public, ce qui est aussi une bonne chose. Le point qui m’effraye un peu en ce moment, c'est les problèmes que nous rencontrons actuellement avec la Fédération équestre internationale (FEI). Il faudrait trouver un moyen de travailler plus harmonieusement ensemble. Il y a des règles avec lesquels nous ne sommes pas d’accord notre voix doit entendue, d’une manière constructive.”
Objectifs : les JO de Tokyo et les Européens à Riesenbeck
“En ce moment, le rythme est un peu fou car nous avons dix-sept chevaux aux écuries, donc nous commençons à sept heures du matin”, dévoile l’Irlandais à propos de son quotidien. Le cavalier développe une philosophie de travail simple. “Je crois vraiment qu’il faut garder les chevaux heureux. Un cheval qui l’est, et en bonne santé, donnera forcément tout une fois en piste. J’aime bien qu’ils soient montés six jours par semaine à la maison. Les chevaux ont besoin d’un jour sans avoir une selle sur le dos, où ils sont juste longés ou marchés en main”, débute-t-il. “J’aime bien effectuer un travail fractionné, travailler pendant sept minutes puis marcher pendant deux minutes par exemple, puis recommencer, et ne pas juste galoper pendant trente minutes, sans but. Je pense qu’un travail court et intense est mieux qu’un marathon. Pour leur moral, je ne monte pas tout le temps en carrière. Nous allons toujours faire une petite balade de cinq ou dix avant de travailler, et idem à la fin de la séance. Ce sont des animaux intelligents. Si tous les jours se ressemblent, avec les mêmes exercices ennuyants, cela ne les amuse pas.”
S’il cite Éric Lamaze et Grégory Wathelet parmi les cavaliers qui l’inspirent, sa propre méthode a fait ses preuves et lui a permis d’engranger de beaux succès. L’an passé, Michael Duffy a notamment terminé troisième du Grand Prix CSI 5* d'Estoril et cinquième de celui du CSIO 5* d’Hickstead avec Mullaghdrin Touch the Stars (ISH, Touchdown x Irco Mena), ainsi que neuvième du Grand Prix CSI 5* de Mexico avec Quintano 35 (HOLST, Quintero x Canturo). “J’ai souvent été proche de la première place sans jamais y parvenir, donc la prochaine victoire qui sera importante pour ma carrière sera définitivement un Grand Prix 5*”, anticipe le jeune homme.
Actuellement, il peut compter sur un excellent piquet de chevaux pour y arrive, composé notamment de trois montures de Grand Prix. Jeff Ten Alven (BWP, Toulon x Crown Z), onze ans, Zilton SL (Z, Quamikaze des Forêts x Indoctro), neuf ans et vainqueur cette année du Grand Prix CSI 2* d’Eschweiler et d’une épreuve à 1,50m lors du CSIO 3* de Prague, et Egalini (AES, Cheers Cassini x Jalisco B), onze ans également. “J’ai acheté Zilton au frère de Shane, Trevor Breen, qui le montait depuis ses quatre ans. Je l’ai suivi pendant trois ans et nous l’avons acheté! Zilton est encore jeune mais il a sauté la Coupe des nations de Vilamoura (avec un parcours à quatre points en première manche puis parfait en seconde, l’Irlande a par ailleurs terminé troisième ex-aequo, ndlr). Jeff vient lui des écuries de Shane et c'est un très bon cheval. Ils m’ont rejoint il n’y a pas si longtemps, et avec la pandémie de coronavirus, nous n’avons pas pu énormément concourir donc je dois encore apprendre à les connaître. Egalini a lui déjà participé à de beaux Grands Prix, comme lors des CSI 5* de Chantilly et Paris l’année dernière.” Dans ses écuries, Michael dispose également de deux chevaux appartenant à RMF, Charly (HOLST, Clearway x Silvester) et Chacco Top (HAN, Chacco Blue x Graf Top), ainsi que des jeunes chevaux composant la relève. “J’ai aussi deux chevaux de sept ans, Jammy Dodger (BWP, Vagabond de la Pomme x Heartbreaker) et Cadeau W (Z, Cayado 3 x Royal Bravour), qui semblent tous deux talentueux. Je dois avoir encore cinq chevaux de quatre et cinq ans qui semblent prometteurs.”
Si nombre de ses chevaux ont été vendus dernièrement, commerce oblige, Michael Duffy peut désormais sur le soutien de la famille Gachoud, qui possède Jeff et Zilton via la structure HMF Equestrian. “C’est une entreprise relativement nouvelle, qui appartient à Mark et Miranda Gachoud. J’entraînais leurs filles Amélie et Christina et c’est comme cela que nous nous sommes rencontrés. L’année dernière, aux championnats d’Europe Enfants, Amélie a obtenu la médaille de bronze par équipes avec Evito (KWPN, Berlin x Orion Fortuna). Nous avons ensuite décidé d’acheter quelques chevaux ensemble, et c’est comme cela que Jeff et Zilton sont arrivés. Bien sûr, ces chevaux sont à vendre mais cette année, nous allons nous concentrer sur le rêve d’aller à Tokyo et aux Européens à Riesenbeck.” Une collaboration qui lui permet donc de se projeter avec plus de sérénité vers la saison prochaine et ses deux échéances d’envergure. L’année 2021 sera définitivement sport et l’Irlandais a les yeux rivés vers ces deux objectifs majeurs, avec l’ambition d’enfiler la veste verte - plutôt deux fois qu’une. “J’aimerais participer aux deux échéances!”, s’exclame-t-il, motivé. Sa préparation passera par les États-Unis et le circuit de Wellington, en Floride, où s’envoleront ses chevaux d’âge dès la mi-décembre. “En décembre et les deux premières semaines de janvier, je vais me concentrer sur mes jeunes chevaux. Une partie de mes montures ainsi que les filles que j’entraîne iront au Sunshine Tour. Je ferai donc les aller-retours entre Wellington et Vejer de la Frontera. C’est comme cela que nous avons raisonné: il semble que peu de concours se dérouleront en Europe, notamment en indoor à cause de la Covid-19, et mes chevaux sont désormais compétitifs. Le meilleur endroit pour concourir est donc Wellington.”
Si le planning des prochains mois est clair pour Michael Duffy, ses souhaits pour la suite de sa carrière le sont également. “Je voudrais tout faire. Obtenir des médailles en championnats, aux Jeux olympiques, mais aussi grimper aussi haut que possible dans le classement mondial. Mais je ne veux pas être seulement dans le milieu du sport mais aussi celui des affaires, faire du commerce, entraîner… Actuellement, j’entraîne d’ailleurs trois clients pour les aider dans leurs propres carrières.” Si tout cela est prenant, le représentant du pays au trèfle “adore jouer au golf. Je ne suis pas très doué, mais je m’améliore! D’ordinaire, quand je suis à la maison, j’y vais deux fois par semaine. J’aime aussi regarder les courses hippiques et aller sur les hippodromes. Le sport de haut niveau en général est sympa à regarder.” En tout cas, Michael Duffy semble décider à préparer son objectif : “Obtenir l’or à Tokyo”. Simple, mais efficace. Rendez-vous dans huit mois, au Japon.