Anne de Sainte-Marie, le cheval en héritage

Dynamique. Voilà un mot qui revient souvent pour décrire la jeune femme candidate à la présidence de la Fédération française d’équitation. Mais aussi lucidité, leadership et envergure. Actuellement vice-présidente du Comité régional d'équitation d'Île-de-France et membre du comité régional olympique et sportif, Anne de Sainte-Marie n’a donc pas à rougir de ses jeunes années. À trente-sept ans, son parcours, ses expériences sur le terrain et sa connaissance intime du milieu du cheval semblent largement légitimer ses ambitions fédérales. Portrait en abécédaire d’une jeune femme droite dans ses bottes, au regard rivé sur l’avenir.



A comme… À Cheval Demain 

Voilà le nom du collectif d’Anne de Sainte-Marie, avec lequel la jeune femme s’est lancée en campagne pour briguer la présidence de la Fédération française d’équitation. D’abord société de conseils, À Cheval Demain est devenu le mouvement de la candidate. “J’aime beaucoup ce nom et il a assez vite fédéré. Tout l’enjeu y est résumé: le cheval et demain. L’équitation est un des produits du cheval, mais c’est loin d’être le seul! Et il faut regarder au loin. À force d’être le nez dans nos chaussures, on ne voit ni notre potentiel extraordinaire, ni les risques, qu’il faut anticiper et regarder droit dans les yeux.” Pour former son collectif, élargir ses soutiens et construire son programme, la candidate a sillonné la France en 110 réunions publiques. Aujourd’hui, À Cheval Demain peut compter sur plus de cent personnalités du milieu équestre prêtes à s’investir réellement pour réaliser les promesses de campagne. “Sa force, c’est son équipe: ce ne sont que des experts dans chaque domaine”, confirme Blandine Caussarieu, directrice du centre d’équithérapie Le Pied à l’Étrier et membre du collectif. 

C comme… Cavalière 

Passionnée de technique équestre, cavalière dès son plus jeune âge, montant en concours de saut d’obstacles dès que possible, qu'il s'agisse de jeunes chevaux, de jeunes étalons ou de chevaux d’âge, la jeune femme a d’abord rêvé de devenir cavalière professionnelle, comme beaucoup de passionnés... Pour autant, son parcours l’a finalement amenée à servir le monde du cheval par d’autres voies. 

E comme… Études 

Lorsqu’elle part du Haras d’Hennebont, où sa famille est installée, pour ses études, c’est un peu la découverte d’un nouveau monde pour la jeune femme.  “Je ne connaissais que les chevaux et je ne m’intéressais qu’à eux. À savoir qui avait gagné le Grand Prix du week-end et à me demander combien de foulées j’allais mettre dans ma ligne”, concède Anne de Sainte-Marie. La jeune femme s’oriente alors vers l’économie. “Depuis l’adolescence, j’étais sensible et préoccupée par les enjeux économiques de notre filière, ceux de l’élevage par exemple, notamment au niveau de la valeur ajoutée.” Après un passage par la faculté d’économie de Rennes, l’étudiante s’inscrit dans une école de commerce à Nantes (Audencia). Elle s’installera également à Londres une année, et étudiera même aux États-Unis. Pour autant, pas question de délaisser son univers. “C’est viscéral, je ne peux pas vivre sans les chevaux. Pendant mes études je montais toujours.” Dans la capitale britannique, au niveau de vie très coûteux, elle donne ainsi des cours aux touristes et aux travailleurs de la City à Hyde parc le week-end… Et surtout, elle se rend sur les plus beaux concours internationaux pour voir ce qui se fait de mieux: Badminton, Burghley et Windsor, mais aussi Lexington, Aix-la-Chapelle, Vérone… 

F comme… FFE 

En 2010, alors en charge des compétitions au Salon du cheval de la porte de Paris, Anne de Sainte-Marie est approchée par le président de la Fédération française d’équitation, Serge Lecomte, qui lui propose d’intégrer la FFE comme cheffe de mission aux Jeux olympiques de Londres. Parallèlement, elle travaille auprès de Christian Paillot au lancement du Groupe JO/JEM. Une nouvelle expérience qui lui permet, cette fois, de pénétrer au sein des hautes instances de l’équitation: fédération européenne, Fédération équestre internationale… Ingmar de Vos ou encore Sabrina Ibanez, présidents actuel et précédent de cette dernière, deviennent des “collègues de travail”, presque des intimes: “Je connais Ingmar de Vos personnellement. On s’appelle, on se tutoie… Pour moi c’est naturel de côtoyer ces personnes.” Ce travail au sein de la maison mère de l’équitation, qui durera trois ans, a vraiment séduit la jeune femme: “J’ai compris que l’intérêt général, le fait de penser les systèmes, était vraiment dans mon ADN.”



Fin novembre, Anne de Sainte-Marie avait rencontré la ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, afin de présenter son programme de lutte contre les violences sexuelles notamment.

Fin novembre, Anne de Sainte-Marie avait rencontré la ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, afin de présenter son programme de lutte contre les violences sexuelles notamment.

H comme… Haras nationaux 

Entre un père spécialisé dans la gynécologie équine - à l’initiative, aux côtés d’Éric Palmer, des techniques de reproductions modernes telles que l’échographie, le transfert d’embryon, etc. - et une mère nommée première directrice de Haras nationaux, Anne voit le jour au Haras du Pin. Le poste de sa mère imposant des roulements tous les cinq à sept ans, la famille déménage régulièrement: Le Pin (Normandie), Montier-en-Der (Champagne-Ardenne), Blois (Centre-Val-de-Loire) puis Hennebont (Bretagne). “Montier-en-Der est vraiment le lieu de mon enfance. C’est là que j’ai grandi, au milieu des éleveurs, pour lesquels j’ai gardé une vraie affection”, raconte la jeune femme. Jusqu’aux études, sa vie se cale alors sur celle du Haras, qui rythme la vie familiale. “C’était une vie de caserne. Nous vivions au rythme du Haras. Il y avait le départ en monte en février, introduite par une soirée, puis les trois-quarts des chevaux partaient en station. Après, je suivais mon père dans les tournées d’échographies, puis les tournées de signalement chez les éleveurs. Enfin venaient les retours de montes, les présentations des étalons, etc. Quand j’ai eu l’âge, j’ai présenté les étalons en concours. Je participais aussi aux visites-guidées des Haras où l’on présentait les chevaux…”, se souvient l’intéressée. Sans oublier ses visites sur le Cycle classique, la Grande Semaine de Fontainebleau tous les ans, Blois, ou encore les plus grands concours internationaux pour voir évoluer les étalons stars comme Élan de la Cour (Vas Y Donc Longane x Jalisco B), les champs de courses, les foires de chevaux de trait… 

I comme… Île-de-France 

2017. À la tête du haras de la Cense depuis quatre ans, Anne de Sainte-Marie est de nouveau approchée par Serge Lecomte, qui la pousse cette fois vers la vice-présidence du comité équestre régional d’Île-de-France, aux côtés d’Emmanuel Feltesse. “Cela m’a vraiment botté. Ce n’était pas une découverte, mais cet engagement collectif associatif d’élus m’a passionnée… J’ai vraiment eu l’impression d’être utile et pour autant, j’ai aussi eu le sentiment de ne pas l’être assez. Parce que l’échelon régional est trop muselé et que si l’on veut le démuseler, il faut taper sur le national.” C’est donc logiquement et progressivement lors de cette mission au CRE - Anne de Sainte-Marie y est toujours vice-présidente - que germe l’idée de se présenter à la présidence de la FFE. Après avoir prévenu Serge Lecomte, puis Emmanuel Feltesse, elle officialise donc sa candidature en novembre 2019. “Je pense que c’est une accumulation de choses: la manière d’aborder la promotion de l’équitation, l’enfermement dans une politique de l’enfant, le mépris ou la non considération des enseignants, passer à côté des enjeux sur la formation, ne pas se poser les vraies questions sur le modèle économique lié à des sujets sociétaux comme le bien-être animal ou l’environnement…” 

J comme… Jeune 

À seulement trente-sept ans, la jeune femme semble bien connaître son sujet. Et pour cause. “Très tôt ce milieu m’a passionnée: les chevaux, l’élevage, le contact avec l’animal, l’équitation... Grâce à ma jeunesse et à la vie que j’ai menée, j’ai vingt ans d’avance sur les gens de ma génération. Ce n’est pas de mon fait, c’est mon passif qui m’a apporté cela car j’ai vu les choses depuis que je suis née, parce que j’ai vécu au cœur de ce milieu. En fait, ce socle culturel et historique m’a donné un bagage pour entrer dans la vie professionnelle. C’est une grande chance.” 

L comme… La Cense 

“En 2013, quand on m’a proposé le poste de directrice du haras de la Cense alors que j’oeuvrais encore à la FFE, j’ai pensé que la gestion d’une écurie était une expérience importante à connaître. Savoir commander du foin, de la paille, gérer le stock de granulés, communiquer avec les clients, répondre aux plannings, gérer une quinzaine de personnes… En plus, c’était l’opportunité folle de travailler avec un couple d’amis, Manuel et Caroline Godin.” Encore une fois, la jeune femme apprend énormément, notamment sur le volet éthologique qu’elle avoue méconnaître alors. “C’était une aventure formidable. Nous avons notamment mené un gros travail sur la formation professionnelle avec de l’ingénierie de formation. Introduire le fait de travailler avec des chercheurs et des gens en-dehors du cheval. J’ai cette culture de bien distinguer la connaissance scientifique de la connaissance empirique, sachant que je ne les hiérarchise pas, car je pense que l’une ne va pas sans l’autre.” Non sans fierté, elle se souvient ainsi d’avoir mis en place une conférence sur le bien-être animal et l’éthique dès 2014 avec Axel Kahn, médecin généticien et président de la Ligue national contre le cancer.

M comme… s’entourer des Meilleurs 

“Axel Kahn pour l’éthique, Aude Caussarieu, sortie de l’ENS, pour de la didactique, le Professeur Jean-Marie Denoix du CIRALE et le docteur Francis Desbrosse quand il est question de médecine vétérinaire… Je ne sais pas d’où cela me vient, mais je travaille avec les meilleurs. Cela ne coûte pas beaucoup plus cher et on avance beaucoup plus vite.” Une méthode qu’elle applique à tous les niveaux. “Anne de Sainte-Marie a su s’entourer d’une équipe de connaisseurs. Et elle m’a demandé si cela m’intéressait de m’investir dans le domaine du tourisme équestre”, valide de son côté Jessica Londe, créatrice et dirigeante de Touraine Cheval (37), membre du collectif À Cheval Demain. “Elle sait très bien reconnaître les domaines d’expertise des uns et des autres. Elle n’a pas d’égo. Si elle maîtrise moins bien un sujet, elle va savoir s’entourer des personnes les plus à même de s’en charger.”



Anne de Sainte-Marie aux côtés de Philippe Rozier et Jean-Maurice Bonneau.

Anne de Sainte-Marie aux côtés de Philippe Rozier et Jean-Maurice Bonneau.

P comme… Présidente 

“Je propose de donner huit ans de ma vie à la Fédération française d’équitation pour faire rayonner le cheval dans notre société pour les années à venir”, annonce joyeusement la jeune femme. La tâche ne lui fait pas peur. Bien au contraire. Relever les défis, travailler sans relâche, trouver des solutions à des problèmes, voilà autant de choses qui stimulent Anne de Sainte-Marie. Aujourd’hui, son programme est bien rôdé. Son fil directeur limpide: faire du cheval non seulement un athlète et un compagnon de loisir, mais également un animal sociétal omniprésent. “J’ai la vision d’un cheval sociétal. L’enjeu est de rendre le cheval indispensable à travers nos activités. Quand elles seront utiles à la société parce qu’elles éduquent, soignent, permettent de vivre ensemble dans les quartiers, luttent contre le burn-out ou entretiennent le paysage avec le tourisme équestre, par exemple, alors nous serons plus forts face aux risques comme l’animalisme, l’antispécisme, les contraintes environnementales, etc.” Son crédo n’est donc pas de révolutionner la FFE, mais de faire évoluer la politique de l’institution tout en conservant ce qui fonctionne. “Ce sont des valeurs que m’ont transmis mes parents, et je les en remercie. Observer. Ne pas casser les choses qui fonctionnent. Et faire évoluer doucement, dans le respect des gens et du travail qui a été fait… C’est ça le rôle d’un président: porter une vision et s’entourer des meilleurs pour y arriver. Je l’ai fait tout au long de ma carrière. S’il y a bien une chose dont je suis sûre, c’est que je sais reconnaître les compétences et je sais les manager.”

Q comme… Qualités 

Au jeu des défauts et qualités, la jeune femme met cartes sur table: “Une de mes qualités, c’est mon énergie et mon envie. Autrement, j’essaie d’avoir toujours une analyse objective et pacifiée. Je suis rassembleur. Je pose le pour et le contre. Je suis tout à fait capable d’entendre la controverse car je trouve que cela fait avancer. Ça m’intéresse de comprendre pourquoi il y a un point de vue divergeant, et je suis aussi capable de changer d’avis.” Le terme de “bienveillance” revient également souvent dans la bouche de ses proches. Du côté des défauts, la jeune femme reconnaît être parfois impatience et s’ennuyer rapidement. 

R comme… Rencontres 

Alors qu’Anne de Sainte-Marie a passé son bac et souhaite devenir cavalière professionnelle, c’est bien un cavalier qui la pousse à aller voir ailleurs avant de décider. Devant celui qui vient de remporter le mythique Grand Prix de Calgary, la jeune femme annonce, sûre d'elle, qu’elle ne veut pas faire d’études, mais monter et gagner ce concours mythique! “Et bien tu vas te dépêcher d’aller sur les bancs de la fac et ça va bien se passer!”, lui répond-t-il alors. “Il n’avait pas tort”, reconnaît la jeune femme. Ce cavalier, c’est Ludovic Leygue, qui a inspiré Anne de Sainte-Marie, comme bien d’autres rencontres faites au fil du temps: “Je pense à Éric Navet, Jean-Maurice Bonneau, Cyrille Bost, Jean Le Monze, des gens avec lesquels on se rend compte qu’on peut parler d’autre chose que de chevaux et que c’est aussi intéressant.” Des mentors ou sources d’inspiration qui ouvrent des perspectives à la jeune femme tout à long de sa vie. Même ses loisirs sont dictés par la stimulation de nouvelles rencontres: “C’est cela qui me botte: rencontrer des gens passionnants! Quant au prétexte, que ce soit dans un bar ou lors d’une soirée au théâtre quand Depardieu chante Barbara, c’est pareil.” 

S comme… Salon du cheval 

Pour sa première expérience professionnelle, la jeune diplômée n’a pas froid aux yeux et accède au poste de responsable évènementiel au Salon du cheval de la porte de Paris. Pendant quatre ans, la jeune femme va ainsi s’ouvrir à toutes les disciplines, rencontrer des personnes investies dans chacune d’elles, innover en proposant de nouveaux circuits indoor, mettre en place les premières Equirencontres sur le bien-être animal…  “Pour mener à bien cette mission qui était un vrai challenge, j’ai non seulement énormément travaillé, mais je me suis aussi appuyée sur les compétences existantes.” Une première étape formatrice. 

T comme… Terrain

“Je dirais avant tout qu’Anne est une personne de terrain. Et elle sait se mettre à la hauteur de son interlocuteur. Elle ne fait pas de hiérarchie. Elle est très à l’écoute et cela ne lui pose pas de problème de dire quand elle ne connaît pas quelque chose”, plaide Blandine Caussarieu, directrice du centre d’équithérapie Le Pied à l’Étrier et membre du collectif À Cheval Demain. La jeune femme n’hésite pas à se déplacer pour voir, observer, comprendre. À prendre les choses en mains. “À l’époque où je cherchais à créer mon centre d’équithérapie, j’ai frappé à quantité de portes, même à la fédération. On me disait que mon projet était très bien, mais concrètement, je n’avais aucune aide. Anne est la seule personne qui m’aie concrètement aidée, trouvant les moyens et les bonnes personnes pour me soutenir. C’est elle qui a fait la démarche. Ce qu’elle dit ne sont pas des paroles en l’air, il y a des résultats.”

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