“Nous ne pouvons pas continuer à pratiquer l’équitation tel que nous le faisons” Theo Ploegmakers

Après la publication d'une liste de vingt-quatre recommandations pour améliorer le bien-être des chevaux par une commission engagée par la Fédération équestre internationale (FEI), le président de la Fédération équestre européenne (EEF), Theo Ploegmakers, partage ses réflexions sur le rôle des fédérations nationales dans l'évolution de notre sport, plus que jamais sous la pression de sociétés en recherche de durabilité.



“En examinant l'état actuel de la communauté équestre, on peut clairement observer que les fédérations nationales contrôlent presque entièrement notre sport. La Fédération équestre internationale (FEI) établit les normes et les règlements des compétitions internationales, mais ce sont les Fédérations nationales (FN) qui communiquent et mettent en application ces règles avec les cavaliers et les communautés de leur pays respectifs. Parfaite illustration du système pyramidal de gouvernance qui fait consensus dans le domaine du sport, ce modèle présente toutefois certains inconvénients, comme nous pouvons le constater avec la mise en place d'une stratégie visant à rendre notre sport plus durable”. 



Une commission missionnée par la FEI pour améliorer le bien-être des chevaux

“La FEI a formé une commission chargée d'examiner le bien-être des chevaux, ce qui constitue un des nombreux aspects englobés par le terme de durabilité. Cette commission a été missionnée de préparer une liste de recommandations pour la FEI afin de s’assurer que la Fédération internationale, ou plus globalement les sports équestres, obtiennent une licence sociale pour opérer. Lors du forum sportif organisé par la FEI cette année, la commission a présenté une liste de recommandations. Il est bon de rappeler que l’ensemble des instructions qui en découlent sont basées sur le résultat d'une enquête menée par la commission, visant à maintenir un certain niveau d’acceptabilité dans les sports équestres. L’enquête s’est adressée à la fois aux individus ayant une certaine expérience avec les chevaux et aux individus sans réelles connaissances du monde du cheval. Les résultats obtenus et rapportés par la commission sont clairs : la majorité des personnes interrogées reste favorable à la pratique des sports équestres, mais exprime tout de même des inquiétudes quant au bien-être et la sécurité des chevaux. Il s’agit d’une information vitale ! Cela signifie que nous ne pouvons continuer à pratiquer l’équitation tel que nous le faisons actuellement, et qu’un soutien durable et général pour notre sport ne peut s’obtenir sans une réponse adaptée des acteurs de notre discipline face aux inquiétudes.

Après examen de l'enquête, vingt-quatre recommandations fondées sur des recherches scientifiques ont été formulées. Il est clair que certaines d'entre elles peuvent être mises en œuvre rapidement, tandis que d'autres demanderont plus de temps. Certaines de ces recommandations nécessiteront des changements fondamentaux, et peut-être même un cadre juridique pour les accompagner. Parmi les instructions formulées, certaines visent à garantir le bien-être des chevaux en dehors des compétitions, incluant des droits d'accès aux écuries et des contrôles. Les résultats de l’enquête ont également montré que les personnes ayant déjà une expérience avec les chevaux sont en réalité plus préoccupées par le bien-être des chevaux, la qualité de la piste, l'équipement et les méthodes de travail lorsqu’ils ne sont pas en compétition. Par conséquent, trouver des solutions pour protéger les chevaux dans leur environnement quotidien reste donc un enjeu majeur.” 



“Les fédérations nationales ont le pouvoir mais aussi la responsabilité d’agir”

“Si certaines avancées de grande ampleur sont difficilement atteignables sur le court terme, d’autres recommandations peuvent, elles, être mises en œuvre dès maintenant. Aujourd’hui, les fédérations nationales rassemblent quatre-vingt-seize à quatre-vingt-dix-huit pourcents des acteurs du monde équestre. L’influence de ces fédérations est énorme, et elles ont donc un rôle primordial à jouer dans l'obtention d'une acceptabilité sociale pour notre sport dans leurs pays respectifs. 

Les recommandations qui figurent dans cette liste peuvent être mises en œuvre dès à présent. Nul besoin pour les fédérations nationales européennes d’attendre des instructions de la FEI sur la manière et le moment d'appliquer les propositions formulées. Il est tout à fait possible, et même attendu, que certaines fédérations nationales appliquent les diverses recommandations dans un délai différent, et ce, en fonction de la situation dans leur pays. Les fédérations ont non seulement le pouvoir, mais aussi la responsabilité d’agir. Réciproquement, il n’est pas exclu que la FEI refuse certaines des recommandations que nous, européens, estimons nécessaires, car la façon d’appréhender les sports équestres en Europe peut différer du point de vue global de la FEI. Il y a, sur le sol européen notamment, une pression grandissante exercée sur la communauté équestre pour qu'elle améliore ses standards et s'assure que la majorité de la société garde un avis positif à l'égard de notre sport. Il est très encourageant de constater que la fédérations Britannique et Irlandaise ont déjà commencé à rédiger leurs stratégies en matière de durabilité et se sont même engagées à mettre en œuvre certaines des recommandations formulées par la commission. 

La Fédération européenne comprend que le développement de stratégies ainsi que la hiérarchisation des recommandations demandent du temps et des ressources de la part des fédérations. Nous nous engageons donc à vous aider dans votre démarche d’élaboration de stratégies pour plus de durabilité dans l’équitation. Le bien-être des chevaux est seulement l’un des nombreux composants de la stratégie de la société équestre pour plus de durabilité. L’éducation et la sensibilisation aux questions environnementales et humaines auxquelles notre sport est confronté en Europe est également l’une des priorités dans l’agenda de l'EEF. 

Par ailleurs, l’obtention d'une acceptabilité sociale n'est pas un concept imaginé uniquement pour les sports équestres, il s'adresse aussi à toutes les industries et organisations, car il est le produit du changement des normes et des valeurs de notre communauté. Ces changements sont en partie influencés par le changement climatique, la perte de biodiversité ou encore les émissions de CO2. L’accélération de la dégradation de l'environnement pousse donc les opinions publiques à une mutation rapide nourrie par une forte volonté. Je sais que ces enjeux dont la prise en compte est primordiale sont particulièrement difficiles à traiter. Il n’est jamais facile de trouver les bons outils et d’obtenir les bonnes réponses pour faire changer les choses et l'EEF fera tout ce qui est en son pouvoir pour aider ses membres à trouver des solutions pour préserver notre sport.”