Quel printemps!

Plongez-vous dans l’édito du nouveau numéro du magazine GRANDPRIX, qui met en lumière la ferveur que l’on observe dans tous les grands événements équestres en ce printemps sans restriction sanitaire.



Ah, le printemps! Qu’on le chante comme Henri Dès, avec un cœur d’enfant, comme Léo Ferré, l’œil contemplatif devant la splendeur d’une nature qui reprend vie, ou comme Pierre Perret, habité par une folle envie de passion amoureuse, on l’attend toujours avec impatience. Saison des jours qui rallongent, porteurs d’espoirs nouveaux, le printemps est une récompense pour qui vit sous nos latitudes, où l’existence est encore – bon an, mal an, compte tenu du dérèglement climatique – rythmée par un cycle de quatre saisons. Dans le chef-d’œuvre d’Antonio Vivaldi, c’est aussi de “La Primavera” que l’on raffole, même si les quatre concertiforment un tout indissociable, indémodable et universel.

En notre petit monde équestre, au-delà des réalités calendaires, printemps rime d’abord avec grands concours de tradition, hippiques ou complets, réunissant immuablement les passionnés de sport, de cheval et de nature, attachés à ces rendez-vous prestigieux où s’écrit l’histoire. Début mai, le plus peuplé d’entre eux, le fameux Badminton Horse Trials, a signé son retour en fanfare dans le majestueux et immense domaine des ducs de Beaufort, non loin de Bath et Bristol, en Angleterre. Sous un soleil presque imperturbable, pendant cinq jours, les spectateurs sont venus plus nombreux que jamais – ils étaient plus de 170.000 au total – goûter aux joies de cette garden-party géante, qui leur avait tant manqué, et vibrer à l’unisson des chevaux et cavaliers, ainsi récompensés de leurs efforts et des risques pris dans une épreuve des plus exigeantes. À l’arrivée, quel triomphe pour la Britannique Laura Collett et London 52!

Quelques minutes plus tôt, à La Baule, dont le Jumping international arborait cette année de nouvelles couleurs et une ambition sportive renforcée, une autre femme a renversé les cœurs d’un stade François-André rempli comme un œuf. À la surprise générale, Beth Underhill a soufflé la victoire à ces messieurs, et non des moindres, dans le Grand Prix Rolex de France. Sur le génial Dieu Merci van T & L, la Canadienne de presque soixante ans a soulevé le plus beau trophée d’une carrière longue mais hachée, et rendu un émouvant hommage à Éric Lamaze, son ami, mentor et désormais chef d’équipe. Ayant raccroché ses bottes de cavalier en début d’année, après avoir courageusement lutté contre une tumeur au cerveau, l’illustre champion olympique, double vainqueur de l’épreuve, a été invité sur le podium et ovationné par le public. Quelle image!



Du grand spectacle partout en Europe

D’un autre événement, inauguré deux semaines plus tôt sur les nouvelles pistes en sable du stade équestre de Fontainebleau, et baptisé Printemps des sports équestres, on retiendra une autre image : celle d’une fille et d’une mère, Eden Leprevost Blin-Lebreton et Pénélope Leprevost, sacrées championnes de France Pro 1 et Pro Élite. C’est d’ailleurs celle qui figure en couverture de ce numéro printanier, nourri de toutes ces émotions. Après deux années sans, le Master Pro de saut d’obstacles a non seulement retrouvé sa place dans le calendrier national, mais aussi renoué avec sa gloire d’antan grâce à la présence de presque tout le gratin français. Pourvu que ça dure!

Citons encore la foule des grands jours massée dans les tribunes du Club de Campo Villa, le 14 mai à Madrid, pour vivre la victoire époustouflante de la Néerlandaise Sanne Thijssen – encore une femme! – et de son Con Quidam RB dans l’une des plus belles étapes du Longines Global Champions Tour. Mentionnons aussi, le même week-end, l’ambiance de fête qui s’est emparée des jardins du château de Windsor, où le Royal Horse Show a ouvert une longue série de célébrations marquant les soixante-dix ans de règne de la reine Élisabeth II, femme de cheval s’il en est. Sans oublier les réussites enregistrées en France de Saumur à Grimaud, où le public garnit désormais les tribunes de l’écurie du Golfe de Saint-Tropez, en passant par Maubeuge, Le Touquet et Rosières-aux-Salines, et à l’étranger à Hambourg, où Grand Prix et Derby ont fait le plein, et tout comme la Coupe des nations et le Grand Prix disputés à Piazza di Siena, temple romain du saut d’obstacles.

Et le printemps n’est pas fini. On attend une affluence record à Hickstead, place forte de l’histoire du concours hippique, où se dispute fin juin l’un des plus spectaculaires Derbies d’Europe, annulé deux années de suite faute de pouvoir accueillir son public. Idem à Luhmühlen, cœur battant du complet allemand, et Rotterdam, son pendant néerlandais pour le jumping. En France, il y aura l’embarras du choix en juin entre Lons-le-Saunier, Cannes et le Champ-de-Mars, à Paris, mais aussi l’hippodrome de Cabourg, le stade équestre du Grand Parc à Compiègne et le Pôle international du cheval Longines de Deauville, où GRANDPRIX events vous accueillera les bras ouverts et gratuitement avec l’envie renouvelée de vous offrir de beaux moments de sport à partager en famille ou entre amis. Au-delà des discours et des impératifs économiques, c’est le sens même de notre démarche événementielle.



Toujours moins de concours sur herbe en France

Enfin, n’omettons pas que ce printemps ne fut pas idyllique pour tous les organisateurs, notamment les indépendants, qui se battent pour maintenir de chouettes concours de tradition. À Maubeuge et au Touquet, il a manqué des cavaliers et des chevaux. Et à Reims, le Jumping international, né en 1929, a été annulé une dizaine de jours avant sa tenue, prévue fin mai. “Il y a vraiment une désaffection des cavaliers français pour les concours en herbe comme le nôtre”, déplore Didier Gondé, président de la Société hippique rémoise. “Seuls quarante chevaux tricolores étaient engagés au cumul des trois labels… Je pense qu’il s’agit d’un effet Covid, les cavaliers ayant essentiellement évolué sur du sable durant deux ans. Pour nous, il est hors de question de recouvrir de sable ce terrain mythique. Hélas, on s’approche probablement de la fin de certains événements indépendants, qui vont disparaître au profit de concours accueillis dans des structures dites professionnelles.”

Ce mouvement ne date pas d’hier, de même que la réduction du nombre de pistes en herbe, ensablées pour le confort et la sécurité des concurrents, mais aussi pour pouvoir rentabiliser l’entretien de ces infrastructures, souvent publiques ou associatives. Après Vichy et Fontainebleau, Compiègne a suivi le mouvement cette année. Et en 2023, il en sera de même à Neufchâtel-Hardelot, charmant site que les grands champions boudent depuis quelques années. La concurrence, pourvu qu’elle soit correctement régulée – ce qui n’a rien d’une sinécure – est saine dès lors qu’elle tend à mieux protéger l’intégrité physique des chevaux et nourrir la croissance de la filière. Mais la tradition, l’histoire et l’impact d’un rendez-vous auprès du public doivent aussi être pris en compte. Sans doute certains mythes sont-ils destinés à tomber dans l’oubli, mais il ne serait pas vain d’aider ceux qui le peuvent et le souhaitent à se moderniser, voire à se réinviter. C’est sans doute l’un des défis du monde d’après pour le secteur événementiel français.